Mandela, merci
Il paraît qu’à partir d’un certain âge quand on pleure la mort de quelqu’un on pleure la fin de sa jeunesse. Ce soir je pleure en pensant à ces années de mobilisation, de combat pour ta libération, c’était fin des années 80, au tournant des années 90.
Ce combat, qui au delà du refus du régime d’apartheid parlait de la lutte contre le racisme, de la fin définitive du colonialisme, d’un nouvel ordre mondial fondé sur les Droits de l’Homme.
On était nombreux à porter ton portrait accrocher à la boutonnière, c’était la mode des pin’s, on collait des affiches, on graphait ton portrait (grâce à un astucieux pochoir) sur les murs de Joliot-Curie et d’autres lycées, on chantait du Renaud « Dette, Apartheid, Colonies ça suffa comme si ! ».
On s’est rendu compte qu’on était nombreux, plus qu’on ne le croyait… Le 1er juin 1986 on s’est retrouvé dans des bus à destination de Paris, pour aller manifester à l’appel de la Jeunesse Communiste, pour moi c’était la première fois.
Je me souviens de Dulcie September, représentante de l’ANC en France, assassinée par des mercenaires à la solde de l’apartheid. C’était à Paris le 29 mars 1988.
Il y a eu les concerts de Johnny Clegg, Mandela Day de Simple Minds, les chansons d’Alain Leprest, cet incroyable concert de Wembley…
Tu faisais partie de la culture de notre génération, cette culture qui a fondé nos engagements citoyens, politiques et qui constitue encore le socle de ce que nous sommes aujourd’hui. Celle qui fait, toujours, que le racisme nous est insupportable, que l’on écoute volontiers la voix de ceux qu’ils veulent faire taire et qu’on continue à se dire que l’ordre établi se conjugue au présent mais pas forcément au futur.
Et puis il y a eu ce 11 février 1990, on était tous rivé devant la télévision à guetter tes premiers pas hors de prison (je peux encore dire avec précision où j’étais et avec qui). Je me souviens de ton image rayonnante de joie, le poing levé, au bras de Winnie ta femme.
Et tu ne nous as pas déçu, tu as choisi la voix de la réconciliation nationale, celle du pardon sans oubli. Je me souviens de cette coupe du monde rugby en 1995 quand tu arborais fièrement ce maillot Springboks, ce même maillot qui avait pendant des années représenté les couleurs de l’Apartheid. Je me souviens de toi, heureux, souriant remettant la coupe du vainqueur à Pienaar, capitaine des ‘boks.
Madiba, merci pour tout, ton esprit, tes valeurs restent avec nous.
Gabi Monnier