Deux fois il m’avait fait faux bond, puis ce fût moi qui n’étais pas disponible, bref ça commençait à se compliquer sérieusement pour qu’on s’accorde sur une date commune. Pas banal pour deux retraités qui n’ont rien d’autre à faire de leurs journées, à priori.
Nous étions convenus, mon voisin et moi, d’aller goûter le Beaujolais nouveau ensemble. L’invitation datait donc du troisième jeudi de novembre, comme le veut la tradition. Les jours passaient et je voyais venir gros comme une maison que j’allais rater la cuvée 2013. Finalement nos agendas se sont accordés.
Il est sympa mon voisin, toujours souriant, ce qu’on appelle un bon bougre. Du moins comme on disait autrefois ou dans les romans de jadis. Nous nous tournions un peu autour, nos femmes avaient organisé des déjeuners à la maison, un coup chez eux, un coup chez nous pour renvoyer l’ascenseur puis des relations de bon voisinage, sans plus. Moi j’ai du mal à me lier aux gens et lui n’est pas très bavard, n’ayant pas grand-chose à raconter, ce qui vous en conviendrez ne facilite pas les conversations. Alors on ne savait pas trop comment nous alpaguer, l’un l’autre.
Les invitations sans suite se succédaient quand on se croisait dans l’escalier, « Faudra qu’on boive un coup ensemble, un de ces jours ? » « D’accord, quand vous voudrez ! », mais nous en restions là, deux timides sous leur casquette de petits vieux à la retraite. Le Beaujolais nouveau fût le déclic facile, je me suis jeté à l’eau, c’est une image particulièrement dans le cas présent, il a dit oui, évidemment. Ensuite il y eut ces actes manqués, rencards annulés in extrémis ou reportés, jusqu’à ce que.
Jusqu’à ce que nous nous retrouvions dans un troquet proche de chez nous. Un verre de Beaujolais et quelques tranches de saucisson plus loin, nous voici copains. Peut-être pas comme cochons mais il faut un début à tout. Dieu merci ce n’est pas un picoleur, je me voyais mal m’acoquiner avec un pilier de bistrot. Je suis toujours partant pour boire un coup, mais avec modération en quantité et en laissant du temps entre chaque occasion. Ca tombe bien, lui et moi sommes d’accord sur ces bases. Désormais la glace est rompue, il a payé sa tournée, je lui en dois une. Laissons passer les fêtes à venir, la nouvelle année sera un excellent prétexte pour lever nos verres ensemble.