En ces temps où nos dirigeants ont perdu tout bon sens économique, laissons Robinson Crusoé nous rappeler quelques vérités simples.
Seul sur son île, Robinson Crusoé ne s’est jamais vraiment demandé comment faire pour accroître la quantité de richesses à sa disposition. C’était évident : il fallait en produire d’avantage. Parce que toute richesse doit être produite avant d’être consommée, le seul moyen de consommer plus, c’est de produire plus. De la même manière, Crusoé n’a pas eu besoin d’avoir recours à un manuel de macroéconomie pour comprendre comment produire plus ; il n’y a, pour schématiser, que deux méthodes possibles : travailler plus – consacrer plus de temps à la chasse – ou travailler plus efficacement – typiquement, en investissant dans la fabrication d’un équipement plus performant.
Pour Robinson Crusoé, donc, la chaîne de causalité est claire comme de l’eau de roche : plus il travaille et plus il travaille efficacement, plus il produit de richesse et donc, peut en consommer.
Nos économies modernes sont des phénomènes extraordinairement complexes et il n’y a plus guère que dans les cabinets ministériels que l’on pense pouvoir les résumer à quelques agrégats macroéconomiques dont il suffit d’actionner les leviers au travers de politiques forcément volontaristes pour obtenir de la croissance. Néanmoins, ce que l’expérience de Robinson Crusoé nous enseigne c’est qu’il existe un principe absolu, une réalité indépassable que l’on peut résumer en quelques mots : plus nous travaillons, plus nous travaillons efficacement et plus nous produisons de richesses que nous pourrons ensuite consommer.
En retenant le produit intérieur brut (PIB) comme mesure de la richesse produite et consommée par une population P et en notant Q la quantité de travail fournie par ladite population, on peut écrire :
PIB/P = Q/P * PIB/Q
En bon français : le PIB par habitant (PIB/P) est égal à la quantité de travail fournie par chaque habitant (Q/P) multipliée par la productivité moyenne du travail (PIB/Q). C’est une lapalissade mathématique ; si nous remplacions Q par l’âge du capitaine ou le temps que met la baignoire à se remplir, cette égalité resterait vraie mais elle n’entretiendrait plus aucun rapport avec notre propos.
Si nous considérons la croissance du PIB par habitant comme un objectif socialement désirable, étant bien entendu que nous raisonnons ici en termes aussi réels que les poteries de Crusoé, cette simple équation nous indique deux moyens d’y parvenir.
La première consiste à maximiser la quantité de travail fournie par chaque habitant (Q/P) ; ce qui peut être entendu de deux manières éventuellement complémentaires : faire en sorte que nous soyons les plus nombreux possibles à travailler – i.e. le taux d’emploi de la population – et/ou accroître la quantité de travail fournie par chacun – i.e. des heures de travail effectif. Ce dont il est question ici, c’est bien sûr de travail productif, d’une activité économique qui crée de la valeur et pas d’emplois fictifs destinés à manipuler les statistiques du chômage ou à acheter les suffrages d’une clientèle électorale.
Naturellement, l’exercice a une limite : nous ne pouvons ni ne voulons travailler toute notre vie sans jamais prendre de repos ; raison pour laquelle nous avons toutes les meilleures raisons du monde de chercher à faire croître notre productivité (PIB/Q). En investissant dans la fabrication d’un filet, Crusoé a pu pécher plus de poisson tout en y consacrant moins de temps. De la même manière, les investissements réalisés depuis ce nous appelons aujourd’hui la révolution industrielle ont permis de démultiplier les capacités productives de chaque individu et donc, accroître considérablement la richesse produite tout en prenant des vacances.
Il n’y a pas de grande différence entre la productivité d’un Français et celle de son homologue américain : si ces derniers disposent en moyenne d’un revenu supérieur au nôtre, c’est avant tout parce qu’ils travaillent plus. Symétriquement, si les Coréens du sud sont moins riches que nous alors qu’ils travaillent nettement plus, c’est tout simplement que cela fait déjà plusieurs siècles que nous investissons pour développer notre capital technique et humain.
Si tout ceci vous semble aussi évident que cela pouvait l’être pour Robinson Crusoé, je vous invite à vous poser deux questions : par quelle sorte de miracle de l’esprit en sommes-nous arrivés à attendre de la croissance qu’elle créée de l’emploi plutôt que l’inverse ? Et qu’attendons-nous précisément de politiques fiscales qui pénalisent la formation de capital ?
—
è