…ou quand la firme de Seattle donne une magistrale leçon de publicité virale au monde entier !
Tout a commencé dimanche dernier, 1er décembre 2013 : invité dans l’émission Ť 60 minutes ť diffusé sur la chaîne Américaine Ť CBS ť, Jeff Bezos, PDG d’Amazon, géant du commerce en ligne, a fičrement annoncé le lancement du programme. Quelques instants plus tard, son département communication diffusait une vidéo sur internet oů l’on découvrait un drone octocoptčre, baptisé Ť Prime Air ť, récupérer un colis sur une chaîne de livraison, virevolter ŕ travers la campagne, et le déposer devant la porte d’une maison…
Selon le PDG, ces petits drones pourraient livrer des colis dont le poids n’excéderait pas 2,3 kg – soit 86 % des produits vendus par Amazon – et ce, en moins de 30 minutes.
Toujours selon Jeff Bezos, ces drones, moyennant une programmation GPS, iraient effectuer leur tournée en parfaite autonomie. Également, Bezos se veut confiant quant ŕ la mise en service de ce systčme Ť d’ici quatre ou cinq ans ť.
Le lecteur d’AeroMorning, expert des choses de l’air, l’aura compris : il s’agit d’un énorme canular ou plutôt de ce qu’on appelle communément, une publicité virale*.
Déjŕ, en juillet dernier, une célčbre société de livraison de pizza ŕ domicile avait réalisé une vidéo identique oů l’on voyait un drone similaire, le Ť DomiCopter ť, livrer deux Reginas ŕ un client affamé. Le service communication de cette chaîne de pizzérias avait également déclaré que le projet était trčs sérieux, mais personne n’avait été dupe.
Or, dans le cas de l’Amazon Prime Air, il est stupéfiant de constater le nombre de médias qui se sont fait hameçonner : chaines de télévision, radios et journaux semblent y croire et certains se veulent męme enthousiastes ŕ l’idée de recevoir leurs commandes via ces objets volants plus ou moins identifiés. N’y aurait-il pas de spécialistes en aéronautique dans leurs locaux ?
En effet, les contraintes d’un tel projet sont plus que nombreuses. Pour ne citer que quelques une d’entres elles :
— D’un point de vue technique : les drones les plus performants, comme le Ť AR.Drone ť conçu et produit par la société française Ť Parrot SA ť, disposent d’une autonomie de 12 minutes pour un temps de charge de 90 minutes. En vol, ils ne dépassent pas 18 km/h et évoluent difficilement dčs que le vent souffle. Il est également Ť fortement déconseillé ť de les faire voler lorsqu’il pleut un peu trop. En supposons que le Prime Air d’Amazon aurait des performances similaires, il aurait donc intéręt ŕ livrer par beau temps, et, en comptant le vol retour plus une marge de sécurité, en moins de 5 minutes. Cela lui donnerait un rayon d’action de l’ordre de… 1,5 kilomčtre !
— Du point de vue de l’espace aérien : il suffit de se pencher sur les contraintes qu’ont les aéromodélistes en France pour faire voler leurs avions radiocommandés. Il leur est proprement interdit de les faire évoluer ailleurs que dans des zones répertoriées et le pilotage doit se faire Ť ŕ vue ť et ce, męme s’ils disposent de modčles réduits équipés de GPS et de live-caméras, comme cela se fait de plus en plus souvent. Ensuite, imaginer des drones volant au-dessus des villes avec le risque permanent que l’un d’entre eux tombe en panne, obligerait chaque piéton ŕ s’équiper d’un casque…
— D’un point de vue sécurité : supposons qu’un de ces drones soit hors de contrôle. Cela constituerait un danger imminent pour les avions présents dans la zone. On connaît les dégâts que peuvent causer une simple hirondelle sur un bord d’attaque ou dans un réacteur, par exemple, alors un drone de 3 kg… Qui plus est, dans un futur proche, si ces drones devenaient légion et volaient par milliers au-dessus de nos villes, il faudrait bien plus que cinq ans pour mettre en place un systčme de contrôle aérien adapté afin, notamment, de prévenir tout risque d’attentat.
— D’un point de vue fiabilité des livraisons : comment savoir si le destinataire est bien lŕ ? Oů signerions-nous le bordereau de livraison et quelle valeur aurait-il ? Et puis, dérober un colis qui ne nous appartient pas deviendrait un jeu d’enfant : une bonne carabine, un drone discrčtement abattu et un colis destiné ŕ une autre personne vous tombera dans les bras !
En conclusion, si le caractčre canularistique du Prime Air est évident, le buzz et la rentabilité de cette publicité virale constitue lŕ le véritable coup de maître de la part d’Amazon : comptez simplement le nombre de fois que la société de Jeff Bezos a été citée dans cette chronique…
Bastien Otelli – AeroMorning
(*) : Le phénomčne du marketing viral est apparu avec l’avčnement d’Internet. Il est une solution de communication trčs efficace, ŕ moindre coűt. Il vise ŕ promouvoir une entreprise, ses produits et services ŕ travers un message persuasif se diffusant d’une personne ŕ une autre, comme un virus. Dans le cadre d’une pub virale, plus le poisson est gros, plus les retombées sont importantes.