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Où Babelio vous fait découvrir les littératures de l’imaginaire à la française

Par Samy20002000fr

A l’occasion du mois de l’imaginaire, nous vous proposons de découvrir les littératures de l’imaginaire "à la française"  à travers ce panorama signé Orlane, une ancienne membre de l’équipe Babelio et grande amatrice de romans fantastiques, fantasy et SF. Vous avez de quoi noter ? C’est parti ! 

Où Babelio vous fait découvrir les littératures de l’imaginaire à la française

L’événement Antoine Rouaud.

Le 25 octobre dernier, Antoine Rouaud, interviewé par Babelio, sortait son premier roman, La Voie de la colère, chez Bragelonne.

Une sortie mondiale, tout bonnement exceptionnelle pour un auteur français. En effet, fantasy, fantastique et science-fiction n’ont guère la cote au pays de Zola et Flaubert. Un désamour dû à la fois au goût du public, à une masse de préjugés sur le genre et à une histoire éditoriale aussi complexe qu’un épisode de Game of Thrones.

Les débuts difficiles de la SF en France.

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Pour la petite histoire : La première maison d’éditions à se lancer dans les aventures de vaisseaux spatiaux, dragons ou autres chevaliers à l’épée enchantée est Pocket SF en 1977. Aux Etats-Unis, notamment via les fanzines et les pulps (magazines imprimés sur du papier de piètre qualité très bon marché), la SF est dévorée depuis les années 1920, et explose dans les années 1950.

Des machines révolutionnaires, une technologie surpuissante et novatrice… Autant d’éléments envisageables, voire fantasmés, dans l’Amérique d’après-guerre en plein boom économique, qui accueille réfrigérateurs et postes de télévision, mais bien moins plausibles pour le vieux continent, encore sous le choc des deux guerres. La technologie, en France et en Europe, a servi à bombarder et à exterminer. L’avenir semble plus qu’incertain. Difficile en conséquence d’accrocher avec les robots d’Asimov… On résiste également à ce genre venu des Etats-Unis (ou du moins qui y a connu son essor car l’un des fondateurs de la science-fiction demeure Jules Verne) et à l’impérialisme culturel des américains tant bien que mal. Ajoutons à cela le rationalisme propre à la nation des Lumières, le goût du vraisemblable, le dénigrement de tout genre dit « commercial » et on obtient le fruit d’un désamour qui ne se limitera pas à la SF mais à tous les genres de l’imaginaire.

Un succès plus précoce pour les romans fantastiques et la fantasy

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Le fantastique et la fantasy ont cependant meilleure presse. Ce sont des genres plus anciens. Le fantastique français est porté par des auteurs reconnus par le monde littéraire et universitaire, tels que Balzac ou Maupassant. Quant à la fantasy, nul ne peut nier la qualité littéraire et la profondeur de l’univers créé par Tolkien. Néanmoins, à part quelques exceptions, les nouvelles plumes et la plupart des textes sont relayés au rayon jeunesse ou qualifiés de sous-littérature… Ces littératures de l’imaginaire sont tant dénigrées qu’on ne se soucie guère de les différencier en genres. Pendant plusieurs années, Pocket SF édite sous cette même appellation fantastique et SF. Il faudra attendre 1990 pour que des maisons telles que Mnémos (1996), ou encore les Editions de l’Oxymore (1999), puis Bragelonne en 2000, spécialisées dans la fantasy et le fantastique, voient le jour et aident à la détermination des genres.

Les auteurs qui comptent

Après cette petite parenthèse historique, revenons à nos moutons (électriques). Nous avons en France autant de bons auteurs que de grands crus en vin. Voici un bref panorama de quelques-uns d’entre eux à découvrir ou redécouvrir absolument pour pousser un retentissant cocorico au prochain Comic Con (une convention américaine dédiée aux comics et à la culture geek).

Dame Léa Silhol

Honneur aux dames, d’autant plus qu’elles sont peu nombreuses dans le monde de la SF ou de la fantasy et encore plus dans le paysage français. Anthologiste, créatrice des Editions de l’Oxymore, auteure, Léa Silhol est tout simplement une référence. Son premier roman, La Sève et le Givre (Oxymore, 1999), est un réel succès. Son univers est qualifié de fantasy, de fantasy urbaine, de dark fantasy, empreint de folklore et de mythologie.

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L’écriture est dense, poétique, parfois ardue pour qui attend un style fluide et une prépondérance de l’action. Les grands thèmes de la fantasy, le bien et le mal, l’union et la désunion des contraires, les luttes séculaires et les amours contrariés sont bien présents, emportés par une plume ciselée et dense. Vous l’aurez compris, Léa Silhol ne se contente pas de raconter des histoires, elle écrit véritablement. Elle est connue également pour ses recherches sur le folklore, notamment sur le mythe du vampire (De Sang et d’Encre, éditions Naturellement, 1999), et pour ses albums présentant le monde merveilleux de Faerie (univers dans lequel se déroule l’action de La Sève et le Givre). Léa Silhol comble à la fois le lecteur de romans, mais également les amateurs d’illustrations car elle veille à s’entourer de photographes, dessinateurs et illustrateurs de talent, travaillant le fond tout autant que la forme. Elle est très au fait de l’actualité littéraire et a longuement participé au renouvellement de la scène française en matière de fantasy et de fantastique via la maison d’édition qu’elle a créée en 1999, l’Oxymore (disparue en 2006).

Fabrice Colin, le détonnant

Fabrice Colin est né en 1972. Il fait ses armes dans les scénarios de jeux de rôles, via des piges chez Cassus Belli, puis publie son tout premier roman, Neuvième Cercle (Mnémos), en 1997, sous l’impulsion de Stéphane Marsan, co-fondateur des éditions Mnémos. Ce premier texte est placé sous le signe de la fantasy urbaine et se réserve à un public averti.

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La prose est pêchue, l’homme prolifique. Colin détonne. Il remporte plusieurs prix. Si vous googelisez Colin, vous découvrirez que loin de se cantonner dans un genre, il excelle dans le Steampunk, son univers de référence (Confessions d’un automate mangeur d’opium, écrit avec Gaborit et publié aux éditions Mnémos en 1999). Quant à la SF, Colin en écrit peu, le futur ne constitue qu’un milieu, un moyen de réfléchir aux grandes thématiques actuelles par le détour du roman, ce qui explique sans doute que la majeure partie des romans SF de Fabrice Colin est dédiée à la jeunesse. Il fait son premier grand pas dans le thriller fantastique  avec Blue Jay Way (chez Sonatine en 2012). Il écrit aussi bien de la littérature jeunesse (Projet Oxatan chez Mango jeunesse en 2002, pour n’en citer qu’un, devenu une référence scolaire) que des romans pour adultes.

Pierre Bordage, le vendéen

Bordage nous vient tout droit du pays de la gâche et des moules de bouchots. Il publie son premier roman, Les Guerriers du silence, en 1993 chez l’Atalante. Le succès est fulgurant, surtout pour un auteur de science-fiction français. Pour l’ensemble de son œuvre, la critique salue la complexité psychologique des personnages, son talent de conteur et le qualifie souvent de meilleur auteur français de space opéra. 

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 L’univers de Bordage est multiple : fantasy historique (L’Enjomineur, l’Atalante, 2004-2006), SF traditionnelle et space opéra (Les Guerriers du silence, l’Atalante entre 1993 et 1996, Wang, 1997 chez l’Atalante), uchronie (Ceux qui sauront, J’ai lu, 2009), fantasy historique (Les Fables de l’Humpur,  1999, Diable Vauvert et j’ai lu)… Bordage aborde largement la question de la spiritualité et de la croyance. Les personnages sont amenés à entreprendre une quête spirituelle solitaire et à renouer avec une forme d’humanité sensible. Bordage est très influencé par les croyances orientales et cherche à replacer la dignité humaine au centre de la réflexion du lecteur. Dans Les Fables de l’Humpur, le lecteur a affaire à des êtres mi-hommes, mi-animaux vénérant les humains disparus, mais ce qui pourrait passer pour une simple originalité d’univers se révèle bien plus complexe et propose au lecteur non pas un avis, mais une série de remises en questions quant à la véritable nature humaine et ce qui fait de nous une société « évoluée ».

En bref, si vous aimez les univers originaux, les questions liées à l’évolution et à la civilisation, et que les rebondissements remettant tout en question aux dernières pages ne vous font pas peur, courrez chez votre libraire et parlez lui de Bordage. Pierre Bordage a reçu de nombreux prix dont le grand prix de l’imaginaire et le grand prix Paul Féval de littérature populaire. Il est un des rares auteurs de SF français à être traduit en plusieurs langues.

Mathieu Gaborit, la fantasy à la française

L’histoire de Gaborit commence par les jeux de rôles. Il tombe dedans dès son plus jeune âge, s’immerge dans la construction d’univers et de personnages, de cartes du monde et de jets de dés 10. Il crée un jeu de rôles très peu connu en France, Ecryme, la Geste des Traverse, en compagnie de son ami, Guillaume. Petit à petit, l’écriture prend le pas et Gaborit propose son premier roman à Stéphane Marsan, futur créateur de Bragelonne. Le Souffre-jour, premier volet de la (sublime) trilogie Les Chroniques des Crépusculaires, paraît pour la première fois chez Mnémos en 1995 .
Que Gaborit ait créé des univers entiers pour jouer des heures durant ne fait aucun doute. L’univers d’Abyme (2001, Mnémos), des Chroniques des Crépusculaires, celui des Chroniques des Féals (2000-2002, chez Bragelonne), sont des travaux d’orfèvre.  

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Complexes, complets, poétiques, ils s’éloignent des normes de la fantasy traditionnelle tout en conservant des codes que l’auteur se plait à transformer, adapter, métamorphoser selon sa propre sensibilité. Sensibilité et poésie car dans les mondes de Gaborit, magie et art sont interdépendants. Le monde est créé par les Muses, les héros sont ce qu’on appelle des Inspirés, capables de charmer des danseurs, subtiles créatures humanoïdes, grâce à leur pratique artistique. Les intrigues sont menées avec brio, aussi fouillées que le monde dans lequel elles ont lieu, un fait rare dans les littératures de l’imaginaire. La fantasy de Gaborit s’adresse autant aux joueurs de RPG (Abyme, inspiré du roman éponyme, en régalera plus d’un) qu’au lecteur de fantasy traditionnelle et, surtout, à ceux qui se plaisent à voir le genre sublimé et ses codes magnifiquement transformés.

Retrouvez tous les livres ci-dessus dans cette liste « Les littératures de l’imaginaire à la française » et pensez à y ajouter vos coups de cœur.


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