Méfions-nous des apparences... Henry Gréville est une femme. Comme George Sand, elle s'est cachée derrière un prénom masculin.Elle - Alice Marie céleste Durand- est née en 1842 et morte en 1902 (comme Zola... c'est anecdotique mais il faut bien combler...)
Je ne connaissais pas cette femme avant de lire sur ma Kobo..." Henri Gréville-Perdue-extrait gratuit- Téléchargez ici". Alors, sans me poser de questions, j'ai téléchargé gratuitement.
J'en avais déjà parlé ici: j'avais tout de suite mis en parallèle le titre "Perdue" d'Henri Gréville et la chanson inédite d'Elodie Frégé "Perdue". Comme j'adorais la chanson, j'ai cru qu'il en serait de même pour le roman.
D'emblée, l'histoire m'a bien plu. Un peu dans l'ambiance des Misérables avec la pauvreté, l'abandon. La petite Marcelle se retrouve orpheline dès le début du roman. Une enfant plus vieille qu'elle, rencontrée au parc où elle jouait et où sa mère est morte, la prend sous son aile et implore sa mère de la garder. reconnaissante, Marcelle les aide; puis devient leur bonne puis leur souffre-douleur... Une cendrillon du XIX, quoi! Un double de Cosette.
"Trop jeune pour connaître la fierté, trop humble pour sentir l'humiliation, elle en éprouvait simplement du chagrin et ne désirait au monde qu'une seule chose: pouvoir rendre service, afin de ne pas entendre dire qu'elle était une charge pour ceux qu'elle aimait."J'ai bien aimé la première partie très dynamique avec une succession d'actions: la mort de la mère, le ballottage de la gamine entre plusieurs familles d'accueil, les sentiments, la candeur de l'enfant. Tout ce qui est de l'ordre de l'intériorité est assez intéressant. Le quiproquo bien ficelé: Simon, le père de Marcelle, part en voyage d'affaires le jour où sa femme meurt. Il ignore la tragédie. La petite Marcelle ne revoit pas son père et suppose qu'il a abandonné sa famille. De son côté, Simon n'ayant pas de nouvelles de sa femme, suppose qu'elle ne veut plus lui parler.
C'est l'écriture typique du XIX° qui dépeint une situation assez banale tout en pointant les vices d'une société, les failles des être humains. L'originalité, et c'est ce détail qui m'a incitée à poursuivre la lecture, c'est que l'auteur "balance" assez fréquemment le mot "perdue" en jouant sur ses différents sens. Perdre un objet, perdre quelqu'un, se perdre, être perdue (être vouée au mal, être pervertie). J'ai trouvé cela très subtil.Très bonne première partie quand on aime la veine réaliste ou naturaliste.En revanche, la seconde partie est trop convenue. On perd l'émotion présente dans la première partie, les aventures s'entremêlent de façon chaotique. Perdu le fil de l'histoire. Perdue la poésie. Perdue la lectrice. Perdu le pari de l'auteur d'intéresser son lecteur.L'histoire d'amour à la Balzac m'a un peu laissée pantoise. J'avais l'impression de relire une version édulcorée et fade d' Eugénie Grandet.
Une formule très juste pour finir:
"S'il est un être voué à l'ingratitude, c'est le professeur. On sait gré au médecin des soins qu'il vous donne, à l'avocat des causes qu'il plaide, au commerçant même, s'il nous fournit de bonne marchandise; - qui sait gré au professeur des heures qu'il passe à enseigner? N'est-il point payé pour cela? Les autres aussi sont payés de leur peine et plus cher que lui, - mais n'importe?"Cela résume bien notre métier. Quand tout se passe bien, c'est merveilleux, on a la reconnaissance et l'épanouissement; quand ça ne va pas très bien, c'est l'ingratitude et la non reconnaissance qui sont de mise... Bref ce n'est pas tout à fait le sujet.