En délicatesse avec le pouvoir socialiste, Jean-Luc Mélenchon appelle à un changement de politique. Le leader de gauche conteste la baisse annoncée du chômage. Selon lui, l’inversion de la courbe « est absolument impossible avec cette politique. Quand l'activité est réduite, si vous coupez les dépenses de l'État et les salaires dans les entreprises, par la force des choses l'activité baisse, donc les taxes rentrent moins, donc la crise s'approfondit ». Il en profite pour brocarder les décisions économiques qui, selon lui, ne sont favorables qu’aux entreprises. « C'est une bidouille de plus », précise-t-il pour imager son propos.
Bidouiller a été un terme très en vogue dans le contexte de l’implantation de l’informatique au mitan des années 1980. « Tu t’en sors avec ton ordinateur ? », entendait-on dans les bureaux ou dans le métro. « Bof, tu sais moi, je bidouille, alors… », répondait le bricoleur, amateur autodidacte. La bidouille n’était pas toujours très glorieuse, en tout cas, elle ne s’imposait pas comme une science exacte. Bidouiller, c’est rester approximatif, plus qu’amateur, c'est-à-dire non professionnel. Une bidouille ne pourra jamais ressembler à une succes story. Pas facile d’être au top avec une telle évocation sonore. « T’as bidouillé ? ». « Chais-pas, en tout cas, je patouille... ». Les emportements du bouillonnant Mélenchon sont en passe de rivaliser avec l’inventivité des jurons du Capitaine Haddock. Loin de nous, cependant, de prêter au seul tribun que la gauche ait su conserver les mêmes addictions que celles du colérique compagnon de Tintin. L'addiction est simplement lexicale. Jean-Luc Mélenchon aime les mots. De tous, il préfère les bons. Seuls ceux-là restent dans l’atmosphère. Ils impriment, selon une formule d’aujourd’hui. S’il existe, le « mélenchonisme » est d’abord une affaire de jubilation lexicale. Les mots balancés, plus que lancés, à l’encoignure d’un discours surprennent et entraînent l’auditoire sur un chemin de traverse. C’est bien ça, sortir des sentiers battus. La formule choc devient un bon mot qu’on se prend à répéter. Les emportements iconoclastes de Jean-Luc Mélenchon font se retourner les journalistes.
Si, comme l’a défini Carl von Clausewitz, le célèbre stratège prussien, la guerre n’est que la simple continuation de la politique par d’autres moyens, il est possible de détourner la formule pour qualifier le geste verbal de Mélenchon. La politique n’est que la continuation du débat (combat ?) politique par le moyen des petites phrases, des mots surprises et des métaphores inattendues. Mélenchon sait amener le mot au bon endroit au bon moment et sait le faire tomber dans l’oreille de l’auditeur pour que le sens s’impose. Le bon mot souligne en gras. Avec Mélenchon, la petite phrase et le bon mot sont désormais considérés comme l’un des beaux-arts.