Les vessies de la BPI
Publié Par Emploi2017, le 5 décembre 2013 dans Monnaie et financeGrâce à la BPI, le déraillement des créations d’entreprises va s’accélérer.
Un article d’Emploi2017.
Nicolas Dufourcq
On pourrait être tenté de se féliciter d’avoir un État-providence en France, à lire les déclarations du directeur général de la BPI, la Banque publique d’investissement, Nicolas Dufourcq, Inspecteur des Finances, la semaine dernière.
Bpifrance « comble des failles de marché »
En 2012, Bpifrance – la Banque publique d’investissement –, dirigée par Nicolas Dufourcq a injecté 1,3 milliard d’euros dans 881 PME françaises.
Les fonds publics prennent une part croissante dans le « private equity » (capital-investissement) français. L’an dernier, Bpifrance – la Banque publique d’investissement – a injecté 1,3 milliard d’euros dans 881 PME françaises, via les fonds d’investissement privés qu’elle finance ou par l’intermédiaire de ceux qu’elle gère elle-même. Des chiffres qui constituent « des records », s’est enorgueilli Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, ce mercredi.
Résultat, sur les 1.548 PME financées par le capital-investissement en 2012, pas moins de 57% l’ont été par Bpifrance. Une proportion qui s’élève « à 95% dans le capital-risque et à 99% dans l’amorçage (financement des dépenses préalables à la création d’une société ; Ndlr) », a précisé Nicolas Dufourcq. Et d’enfoncer le clou : « Sans Bpifrance, il n’y aurait ni capital-risque ni amorçage, en France. »
Source : Christine Lejoux – La Tribune 20/11/2013.
Le fait que le directeur de la BPI qui regroupe les organismes d’État ayant trempé dans le financement de la création d’entreprise depuis plus de 30 ans, l’ANVAR qui, fusionné avec la BDPME, donna Oséo et la CDC Entreprise, que ce directeur se vante d’être devenu le principal financeur du capital-risque et du capital d’amorçage, ne peut que jeter la panique sur l’avenir des créations et développements d’entreprises en France.
Il faut tout d’abord se rappeler que tous ces organismes investissent avec des fonds budgétaires, qui ont été collectés par l’impôt. Or, ce qu’on oublie toujours dans les calculs économiques impliquant des fonds publics, c’est que l’argent public coûte beaucoup plus cher que l’argent privé. Il faut en effet qu’il soit collecté et toutes les enquêtes qui ont pu être menées tant aux États-Unis qu’en Europe montrent que le coût de la collecte se situe entre 20 et 30% de l’argent collecté. Cette dépense est essentiellement supportée par les entreprises à travers les coûts de collecte de TVA, d’IS, de taxes pétrolières. Et ce pourcentage ne tient pas compte de la dîme perçue par l’Administration pour sa distribution.
En fait, la faille du marché est l’une des grandes excuses inventée par les hauts fonctionnaires pour justifier des postes confortables et sans risque leur permettant d’investir l’argent des autres sans jamais avoir à rendre compte de leurs résultats. Ceci est particulièrement visible dans les interventions de CDCE (Caisse des Dépôts et Consignation Entreprise)
Entre 1999 et 2009, l’investissement total de CDCE dans des fonds a été de 2,7 milliards alors que les fonds ont collecté et investi dans la même période environ 60 milliards. L’investissement CDCE est donc une goutte d’eau : de l’ordre de 5%. Elle permet à Nicolas Dufourcq de dire que pour tout euro investi par l’État, le privé a investi 4 euros.
Mais l’investissement de la CDCE a-t-il été d’une utilité quelconque ? On en chercherait vainement la démonstration dans les rapports de la CDCE. Au contraire, une recherche tentant de lier l’investissement à l’importance ou à la nature du fonds, ou à tout autre critère mesurable, s’est avérée vaine.
L’hypothèse la plus vraisemblable est que la CDCE a saupoudré de l’argent public dans un peu tous les fonds ne serait-ce que pour pouvoir mettre leurs succès éventuels à son actif. ANVAR/OSEO Innovation ou la Division 13 de la Communauté Européenne nous avaient de longue date habitués à ces manœuvres car il était commun de voir leurs représentants proposer des prêts remboursables en cas de succès après que la recherche ait réussi en avouant à l’époque que c’était pour mettre l’innovation dans leur carnet de succès et justifier l’existence de ces organismes.
Il n’y a d’ailleurs jamais eu un audit externe pratiqué par des personnes indépendantes. Le seul audit sur les prix innovation de l’ANVAR ayant montré la faillite du dispositif et cette faillite s’étant confirmée chaque fois que nous sommes tombés sur un cas indiscutable.
Enfin Nicolas Dufourcq se félicite de voir que la BPI avait financé en 2013 95% du capital-risque, et 99% de l’amorçage. C’est une démonstration de plus que nos hauts fonctionnaires, dont ceux de l’Inspection des Finances, n’ont rien compris au financement du développement des entreprises.
Le capital-risque est la fraction des fonds du capital-investissement qui vient s’investir dans les entreprises après leur amorçage. Mais avant le capital-risque, il faut du capital d’amorçage qui ne peut être fourni efficacement que par des individus, les Business Angels, les fonds depuis plus de 50 ans aux États-Unis ayant reconnu que ce n’était pas leur domaine et ceux qui s’y sont frottés en France ayant fait en moyenne des pertes substantielles.
Est-ce de la part d’un haut fonctionnaire une méconnaissance ? Ou s’agit-il du même parti pris qui depuis 30 ans leur fait refuser de reconnaître l’importance clé de l’investissement du privé, celui des Business Angels ?
Ils pourraient utilement consulter le bulletin de l’Ambassade de France à Washington qui pour la première fois a publié début 2013 une étude sur les Business Angels montrant que leur investissement est du même ordre que celui du « venture capital », soit un peu plus d’une vingtaine de milliards de dollars par an.
En France, en face des capitaux injectés par le capital-investissement, que peut-on afficher pour l’étape qui doit précéder, l’amorçage ? Les 60 à 100 millions que les courageux réseaux de Business Angels parviennent à récolter ?
Quand nos hauts fonctionnaires arrêteront-ils de jeter de la poudre dans les yeux du public et des parlementaires qui votent le budget de la CDC ou plutôt le couvrent ?
Quand l’État arrêtera-t-il de vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes et cessera-t-il de pallier les insuffisances du marché ? Et laissera-t-il enfin au secteur privé la charge de faire ce qu’il sait faire et que ne savent pas faire les fonctionnaires : investir ?
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