Le dico des idées : L’Anarchisme

Publié le 05 décembre 2013 par Vindex @BloggActualite
-Le A cerclé est le symbole de l'anarchisme-

Carte d’identité :
-Penseurs du XVIIIème siècle : Godwin. -Penseurs du XIXème : Proudhon, Reclus, Bakounine, Stirner.  -Penseurs du XXème siècle : Emma Goldman. -Idées liées : liberté, égalité, communisme, marxisme, socialisme, féminisme. -Idée contraire : étatisme, autoritarisme, totalitarisme, interventionnisme, coercition. -Partis/organisations : CNT, CGT. -Symboles : A cerclé, drapeau noir. 

A


narchisme :
Théorie peu connue, l’anarchisme est souvent confondue avec la volonté d’un système sans ordre, avec la volonté de chaos. En réalité, même si l’on peu penser que cette vision de la société est utopique, il faut nuancer ce fait en faisant la distinction entre « société sans ordre » et « société sans autorité », ce qui n’est pas tout a fait synonyme selon les anarchistes. De même, cet article montrera également que l’anarchisme est une doctrine très hétéroclite et que même si elle est plus liée à l’extrême gauche de nos jours, elle constitue une véritable nébuleuse théorique aux courants très variés.
Les grandes idées
L’idée centrale de l’anarchisme est que la société peut et doit être organisée sans l’autorité contraignante de l’Etat. Ils refusent à l’Etat sa prétention à être la seule association à pouvoir assurer les tâches collectives et fonctions sociales. Ils réfutent aussi le fait que tout le monde consente à faire partie de l’Etat et pensent que des communautés locales pourraient assurer les fonctions régalienne : justice, sécurité… Les anarchistes appellent cela l’autogestion. Plus globalement, les anarchistes voient même en toute autorité coercitive (contraignante) et non fondée un ennemi à abattre car source d’exploitation entre les individus. Il s’agit donc d’instaurer une société sans véritable hiérarchie entre les hommes, sans pouvoir, sans domination. Certains anarchistes, les spontanéistes, pensent d’ailleurs qu’une telle société a déjà existé et qu’elle serait même le propre de l’homme avant que ne soit inventée la propriété privée. En cela, ils rejoignent ainsi Rousseau pour lequel l’homme est bon par nature mais corrompu et forcé de vivre en société depuis « l’instauration » de la propriété privée. La solution serait donc pour les spontanéistes de décapiter toute autorité coercitive (l’Etat, mais aussi l’armée, l’Eglise,…) pour laisser la société revenir à son état initial, conforme à leurs principes.
Toutefois, pour ne pas se laisser aller à la caricature, il ne faut pas oublier que les anarchistes ne refusent pas par principe toute autorité. Ils acceptent en effet l’autorité des experts, des savants, des docteurs, celles qui sont fondées et qui n’imposent pas une coercition aux individus. Ils acceptent également l’autorité d’une décision prise par la majorité, mais ils rejettent le système démocratique traditionnel, c'est-à-dire le représentatif. L’élection constitue même un piège car elle revient à devoir choisir et donc soutenir un candidat de la classe dirigeante.
L’idée de liberté pour tous les individus et de non exploitation implique également un principe très important chez la plupart des anarchistes : l’égalité. L’originalité de la plupart des courants anarchistes est donc de prôner dans l’absolu à la fois la liberté et l’égalité, couple qui semble pourtant inconciliable en pratique. C’est peut-être déjà pour ça que l’anarchie est souvent vue comme utopique par ses détracteurs. Matériellement, l’égalité est censée être atteinte par une répartition équitable des biens.  
Ainsi, la liberté semble être le socle commun à tout bon anarchiste qui se respecte. Mais il nous faut à présent voir en quoi cette famille politique est complexe, en détaillant une partie des nombreux courants qui composent cette galaxie.
De nombreux courants
On peut d’abord entrevoir quatre grands courants dans l’anarchisme : l’individualisme, le mutuellisme, le collectivisme et le communisme. Ces courants haïssent tous autant l’Etat mais divergent principalement sur leurs idées économiques.
Le courant individualiste
Le courant individualiste met l’accent sur la liberté et l’individu avant tout. Il conçoit l’individu comme étant souverain. Chaque individu possède une sphère inviolable d’action. Ce courant est surtout représenté au XIXème siècle par Max Stirner. Les individualistes pensent que l’individu doit agir selon son bon vouloir sans tenir compte de Dieu ou encore des règles morales. Warren voit l’économie selon un système de « commerce équitable » (rien à voir avec le label actuel) selon lequel chaque producteur échange des biens sur la base du temps de travail. Ainsi des communautés expérimentales furent créées pour essayer ce mode de vie. La principale divergence que ce courant a avec le reste des anarchistes se concentre sur l’égalité qui selon eux empêche l’individu d’être complètement libre. De nos jours, cette tendance s’inscrit donc plutôt dans la mouvance libertarienne (une forme très poussée de libéralisme) que dans la mouvance anarchiste qui ne l’a reconnaît pas. Certains penseurs aiment à se dire « anarcho-capitalistes » : Murray Rothbard ou encore David Friedman (fils de Milton) par exemple. Cette dénomination les éloigne de l’anarchisme en deux sens : d’abord parce qu’ils se concentrent sur l’économie et ensuite parce que selon les anarchistes le capitalisme est un système qui favorise l’exploitation.
Le courant mutuelliste
-Pierre Joseph Proudhon-
Le courant mutuelliste est celui qui est mené par Pierre Joseph Proudhon, un des auteurs anarchistes les plus connus. Proudhon souhaite en quelque sorte réconcilier la propriété et le communisme. Le mutuellisme autorise chaque individu à posséder des moyens de production (des outils, de la terre par exemple) seul ou collectivement, mais il ne doit être rémunéré que pour son travail afin d’éviter toute forme de rente. Le mutuellisme accepte aussi la création de banque de crédit mutuel avec un taux d’intérêt minimum juste pour couvrir les frais de gestion. Cette tendance semble donc être assez modérée parmi les anarchistes mais peut être sa modération l’a-t-elle compromise face à un autre courant qui allait la dépasser : le courant collectiviste.
Le courant collectiviste
Grâce au théoricien Bakounine, cette tendance est devenue le courant principal de l’anarchisme notamment au sein de la 1ère internationale dans laquelle les mutuellistes étaient pourtant actifs. Cette tendance imagine une société future où le travail organisé aura exproprié le capital, chaque groupe de travailleurs disposant de ses propres moyens de production. La répartition des produits et des bénéfices feraient alors l’objet d’une discussion collective au sein de la communauté, pour la répartir selon le travail de chacun. Cette tendance est notamment très opposée au communisme autoritaire de Marx. Mais elle n’est pas la plus radicale des tendances anarchistes.
Le courant communiste
Le dernier grand courant est représenté par des auteurs comme Malatesta, Reclus ou encore Kropotkine. Cette tendance, contrairement au marxisme, refuse l’idée d’imposer le communisme à l’aide d’un Etat autoritaire. En effet, si les objectifs sont les mêmes, les moyens divergents et les anarchistes communistes contestent le fait d’utiliser un Etat autoritaire, même ouvrier, puisqu’il reste un Etat avec tout ce qu’il a de rebutant pour cette idéologie. Ce courant ressemble au collectivisme car imagine aussi l’organisation des ouvriers en associations. Ils vont jusqu’à penser que sans propriété privée, la criminalité baisserait logiquement jusqu’à ce que la justice coercitive soit inutile. Cette tendance gagne de l’importance chez les anarchistes si bien qu’à partir des années 1880-1890, la majorité des anarchistes pensent que le communisme est la forme la plus élevée de l’organisation sociale. Ce courant accepte le collectivisme comme transition vers le communisme, ce qui le rend assez proche du courant précédent.  
Autres courants
En dehors des quatre courants déjà cités, l’anarchisme développe d’autres ramifications. Mais il faut dire que la conciliation entre anarchisme et d’autres idéologies ne va pas sans contradiction. C’est le cas par exemple de ce que certains appellent l’anarchisme chrétien, qui tente de réconcilier les enseignements de Jésus Christ avec l’anarchisme. Ce courant s’appuie notamment sur l’idée de révolution personnelle est puisse son inspiration dans l’histoire de certains mouvements chrétiens comme les hussites, les anabaptistes et le millénarisme. Léon Tolstoï fait partie de cette famille d’anarchistes critiquée par les « classiques » pour la contradiction que représente son inspiration religieuse. L’anarchisme dit « de droite » est également marginalisé. Il ressemble plutôt à un courant littéraire qui critique les institutions traditionnelles de la démocratie et ses valeurs comme l’égalitarisme. Louis Ferdinand Céline est une figure de ce courant. Plus accepté est l’anarchisme écologiste qui combat surtout l’exploitation de la nature et l’économie industrielle et capitaliste. Il va bien avec l’idée de retour à la nature des spontanéistes.
Histoire et portée historique de l’anarchisme
-Logo de la CNT, Confédération Nationale du Travail-
Bien que certains auteurs remontent à l’antiquité pour déceler les premières idées anarchistes, il convient de ne pas se laisser à l’anachronisme. Le premier à avoir imaginé une société sans Etat semble être Godwin dès 1793 dans son livre Enquête sur la justice politique et son influence sur la morale et le bonheur, un livre qui s’inspire des évènements de la Révolution Française. Cependant, Godwin refuse le qualificatif « anarchiste ». C’est au contraire Proudhon qui le premier se qualifie d’anarchiste. L’idéologie gagne alors de l’importance au XIXème et au début du XXème siècle. Elle a même de l’influence dans la première internationale. Cependant, ses liens et querelles avec le Marxisme entraînent la fin de la 1ère Internationale en 1872. Il faut dire que les deux idéologies s’opposent sur le chemin vers le communisme, comme nous l’avons déjà dit et les anarchistes réfutent la vision économiste de Marx ainsi que son matérialisme historique (vision finaliste de l’histoire) qu’ils considèrent comme une forme de déterminisme. Cela n’empêche pas toutefois l’anarchisme d’avoir un rôle dans l’histoire. Les intellectuels anarchistes se donnent pour but d’éduquer la population et de distiller leurs idées pour qu’advienne le changement révolution par le bas. Cependant, cette méthode peu efficace en appelle d’autre. L’anarcho-syndicalisme suscite alors un vrai espoir : en France, les anarchistes sont ainsi actifs à la CGT alors qu’ils le sont aussi en Espagne à la CNT. La méthode devient de plus en plus radicale avec la « propagande par les actes » énoncée par Malatesta. Il s’agit surtout à la fin du XIXème siècle de participer à des actes de terrorisme, comme par exemple des assassinats de leader politiques. Ainsi le président Sadi Carnot fut assassiné par l’anarchiste italien Caserio en 1894. Malgré tout l’anarchisme échoue et en son sein, l’idée de révolution fait même débat puisque les individualistes voient le « changement révolutionnaire » comme menaçant pour la liberté et destructeur contrairement à l’idée d’éducation. Malgré des tentatives et expériences, comme lors de la commune de Paris en 1871 ou encore lors de la guerre civile espagnole, cette idéologie est en échec : elle n’a pas su attiré les masses, peut-être à cause de son caractère trop utopique. Elle fut certes peu influente mais féconde intellectuellement : elle a poussé les socialistes à réfléchir sur leur conception de l’Etat. Elle a poussé les libéraux à surmonter leurs faiblesses sur la liberté de parole. Elle a également permis le développement du féminisme, avec notamment Emma Goldman. Cependant, selon Philippe Nemo, aucune expérience de longue durée ne fut probante pour l’anarchisme et il insiste sur l’impossibilité pratique comme théorique de l’anarchisme. Pour lui, cet ordre social est instable et doit basculer soit du côté du totalitarisme, soit du côté de la démocratie libéral.  
Conclusion
En conclusion, l’anarchisme est une idéologie basée sur la liberté, la critique de l’autorité et du pouvoir et l’égalité. Ses liens avec le communisme l’ont fait compter à une certaine époque mais ce fut infécond dans le développement de son influence. En revanche, cette idéologie fut très prompte à la réflexion et cela a entraîné une grande ramification des courants anarchistes en de nombreuses tendances. L’anarchisme est ainsi comme le reflet des courants politiques traditionnels appliqué à la critique de l’Etat et de tout pouvoir. L’anarchisme permet donc de voir d’autres tendances qui lui sont extérieures, et tout particulièrement le socialisme et ses dérivés.
Sources :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Anarchisme
Dictionnaire de la pensée politique. Hommes et idées. Hatier. 1989.