Comme beaucoup de gens, je pense, j'avais tendance à être lègèrement agacé par Julien Doré, et ce, quasiment depuis la toute première fois que je l'ai aperçu à cette émission "Nouvelle Star" (à l'époque- révolue- pendant laquelle je suivais énormément cette émission).
En effet, je reconnaissais évidemment que l'artiste avait un talent largement supérieur aux autres candidats, et possédait un univers décalé et singulier reconnaissable entre tous, mais jouant beaucoup sur l'image, entre ses barettes, son ukulélé, et ses chansons forcément décalées, il renvoyait un coté pédant et superficiel avec lequel j'avais du mal à adhérer.
Et même si son premier album ("Erzatz") récelait quelques jolis morceaux (comme "les Bords de Mer"), son deuxième opus, "Bichon", dans lequel il se comparait à un caniche m'avait complétement mis de coté, définitivement persuadé que son univers n'était pas pour moi et que Julien Doré me semblait être un peu surestimé par les médias qui l'ont toujours beaucoup soutenu.
Cela dit, à force d'entendre beaucoup de bien ( du moins encore plus que d'habitude, et par des gens dont l'avis est pertinent) de son troisième album, sorti à la mi novembre, Løve, qui se prononce « louve » et veut dire « lion en danois » (comme l'indique le livret de l'album), et surtout, après avoir écouté sur Deezer dès le début de la rentrée son premier single Paris Seychelles, j'ai commencé à revoir ma position sur Julien Doré, et même à courrir aller acheter son CD (ce qui ne m'arrive plus trop souvent, j'avoue)!!!
Et si j'ai fait l'effort de vider mon porte monnaie pour acquérir ce Løve, c 'est déjà parce que l'objet se distingue du tout venant, et notamment son livret, graphiquement impeccable, et coréalisé par Yann Orhan et Julien Doré, lui même, qui,comme on a tendance à l'oublier, est quand même un ex-étudiant des Beaux-Arts de Nîmes, d'où d'ailleurs cette obsession pour l'image qui m'irritait un peu au début.
D'ailleurs, si on continuez à mentionner des aspects de la vie intime de Julien Doré ? En effet, vous n'êtes pas sans savoir- les médias l'ont pas mal répété j'en rajoute une couche) que ce disque a été écrit suite à une rutpure amoureuse d'avec l'actrice classieuse et fan de cheval (et non pas de lion ni de caniche, le problème était peut etre là) Marina Hands avec qui Julien Doré avec tourné le film- pas terrible- de Pascal Thomas " ensemble nous allons vivre une grande histoire d'amour".
Et comme tous les titres de l'album (sauf un, Platini, ode assez miraculeuse à l'ancien numéro 10 des bleus) tournent autour de cette désillusion sentimentale que l'on devine si difficile, on peut penser que si Julien était encore avec Marina, il ne nous aurait pas offert de si belles chansons (la fameuse question du malheur indispensable à la création que je ne trancherais pas ici)
Car ce qui surprend dans ce Løve , c'est bien entendu cette écriture de Julien Doré (aidé par quelques autres auteurs, dont Armand Melies, mais je reviendrais plus longuement sur ce morceau) une écriture à la fois profonde et mélancolique des textes à laquelle je ne m'attendais pas forcément, vu l'ironie habituelle sous lequel se cachait le personnage Doré.Certes, l'univers décalé et un peu désinvolte de l'artiste est toujours présent sur certains morceaux, mais ce que l'on retient tout en le découvrant plus profond sans jamais etre être plombant ou lourdingue.
Bref, Doré témoigne d'une vraie sensibilité à fleur de peau totalement inattendue, comme l'illustre ce superbe et envoutant premier single, Paris Seychelles, qu'il interprete d'une voix tendue sur une rythmique virevoltante.
Un titre qui nous rentre vite dans la tete pour ne plus vouloir en ressortir, ce qui est, bien sur, l'apanage des meilleurs titres .
Dans ce titre, et dans l'ensemble de l'album, on voit à quel point la poésie des mots de Julien Doré est mise en valeur par les mélodies et les orchestrations qui l'accompagnent. Pour la première fois de sa -jeune- carrière, on sent beaucoup moins le projet marketting derrière l'album, on ne sent pas son obligation à faire à tout prix de l'efficace, du clinquant, car ici, seul le beau et le raffiné semblent avoir compter dans l'élaboration du disque.LØVE est un disque réfléchi et abouti, magnifiquement bien écrit, aux textes souvent déchirants, mais dont les mélodies et les rythmes visent, du moins dans les 8 premiers titres, de nous faire sinon danser, du moins d'aller vers une certaine legereté. C'est notamment le cas avec les deux duos (celui avec les Brigitte ou le trépidant Chou Wasabi avec Micky Green) qui nous donnent envie de suivre Julien Doré où bon lui semble, dans tous les voyages qu'il nous propose. Mais comme on ne se refait pas, si j'avais que quelques titres à retenir, je pencherais vers les plus tristes et les plus mélancoliques, tout d'abord ce 11ème titre, "Corbeau Blanc", absolument sidérant de beauté et qui m'a vraiment donné la chair de poule. Le second chef d'oeuvre de l'album est sans contexte Mon Apache, qui lui a été offerte par le génial auteur compositeur Armand Méliès ( dont j'ai envie de vous parler depuis longtemps et notamment de son dernier CD que j'ai pas mal écouté il y a quelques mois) : « Cette promesse, c'est de l'or que tu caches en attendant les Apaches et leurs trésors », voix vibrante d'émotions, un très beau chœur féminin derrière, bref, une merveille de poésie et de mystère que je ne me lasse pas d'écouter en boucle :
Et remarquons également ( en fait j'ai toutes envie de les ressortir, vous l'aurez remarqué) le superbe On attendra l'hiver qui pourrait largement faire penser aux meilleurs morceaux de Benjamin Biolay, époque La Superbe.
Bref,Løve, superbe cartographie sentimentale d'un amour perdu, semble pour la première fois dévoiler une partie de la personnalité de Julien Doré qui jusqu'à présent avait tendance à se cacher derrière cette imagerie décalée et frivole que je déplorais.
Rien que pour cela, et en plus de nous délivrer plusieurs merveilles musicales, cet album fait assurément partie des incontournables de cette année musicale 2013 qui s'achève.