CSG et Impôt sur le revenu : comment et pourquoi les fusionner ?

Publié le 05 décembre 2013 par Copeau @Contrepoints
Analyse

CSG et Impôt sur le revenu : comment et pourquoi les fusionner ?

Publié Par Jacques Bichot, le 5 décembre 2013 dans Fiscalité

Fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG, cette idée ancienne refait surface au niveau gouvernemental. Mais réaliser une telle fusion n’a d’intérêt que si cela contribue à nous extraire de l’oppression fiscale que nous éprouvons. Pour cela, une piste intéressante serait de faire de cette réforme une partie de l’indispensable réforme systémique des retraites par répartition.

Par Jacques Bichot.

Fusionner la CSG et l’impôt sur le revenu (IR) est une idée qui revient régulièrement sur le tapis, en provenance de courants de pensée assez différents les uns des autres. Personnellement, j’avais préconisé une telle fusion, avec des caractéristiques et des objectifs qui ne sont probablement pas ceux du gouvernement Ayrault, en 2006, dans une note de l’Institut Montaigne consacrée au financement de la protection sociale.

Le premier but de cette fusion de la CSG et de l’IR en un « nouvel impôt sur le revenu » (NIR) était de rendre imposables tous les Français, l’impôt direct constituant un symbole important de la citoyenneté.

Le moyen préconisé était simple et efficace : faire démarrer le NIR au premier euro de revenu, comme la CSG ; conserver des tranches d’imposition assorties de taux croissants, comme dans l’IR actuel ; prendre pour taux de la première tranche celui de la CSG, dûment unifié ; et aux tranches suivantes affecter des taux donnant le même résultat que le cumul actuel de la CSG et de l’IR (donc des taux peu éloignés de la somme du taux de la CSG et du taux l’IR pour la tranche considérée).

Un prélèvement à la source égal à l’actuelle CSG serait pratiqué sur la totalité des revenus ; ceux-ci seraient donc taxés au taux minimal du NIR au moment même de leur mise en paiement. Le calcul du NIR s’effectuerait ensuite comme celui de l’actuel IR ; les « tiers provisionnels » ou versements mensuels pourraient subsister, complétant la retenue à la source pour lisser les recettes de Bercy.

Le maintien du quotient familial (QF) ne poserait aucun problème. La réforme pourrait même être l’occasion d’en finir avec la façon injustifiable dont il est actuellement présenté, à savoir comme une réduction d’impôt[1. Rappelons ce qui est l'essence même du quotien familial (QF) : mettre en pratique la maxime "à niveau de vie égal, taux d'imposition égal". Raisonner en termes de réduction d'impôt quel que soit le niveau de revenu revient à nier cette maxime, ce qui est injustifiable. Mais au-delà d'un certain montant par unité de consommation, le revenu ne constitue plus un moyen de procurer aux membres du "foyer fiscal" des biens et services destinés à la consommation ; il est plutôt une source de pouvoir financier à la disposition du couple parental ou du parent isolé, si bien qu'il n'y a plus lieu d'appliquer la modalité de calcul dite QF.] : jusqu’à un certain niveau de revenu par part, mais pas au-delà, l’impôt serait calculé selon la formule du QF. Une réforme de l’attribution des parts, actuellement trop généreuse à partir du 3e enfant, pourrait également intervenir dans la foulée.

Reste à savoir si le NIR constituerait un impôt stricto sensu ou plutôt une source de financement de certaines dépenses relevant logiquement de la sécurité sociale. La seconde solution n’est pas sans intérêt. En effet, le NIR libéré de sa condition fiscale pourrait jouer un rôle central dans deux indispensables réformes étroitement liées : celle des retraites par répartition, et celle de l’enseignement.

L’inclusion de la sécurité sociale dans le périmètre de l’État est la cause d’une partie importante des maux dont nous souffrons. En particulier, cette inclusion a permis au législateur de commettre un contresens économique aux conséquences très lourdes : faire des cotisations vieillesse la cause juridique des droits à pension, alors qu’en répartition ces cotisations ne servent en rien à préparer les pensions de ceux qui les versent. Pour sortir de cette ornière où l’État providence nous a embourbés, il convient d’attribuer les droits à pension à ce qui prépare les retraites futures : la mise au monde et la formation des nouvelles générations. Dans un régime par points rationnellement organisé, les points seraient donc attribués aux parents ès-qualités d’investisseurs « en nature » dans la jeunesse, et à tous ceux qui abondent le budget des organismes chargés d’un aspect de l’investissement dans les nouvelles générations, notamment le système scolaire et universitaire et les caisses d’allocations familiales.

Dès lors, il serait logique que la contribution pécuniaire de chaque personne soit en fonction inverse du nombre d’enfants qu’elle élève : ceux qui auraient beaucoup d’enfants obtiendraient suffisamment de points de retraite de ce fait pour ne pas avoir besoin d’en obtenir énormément au titre de versements monétaires ; et réciproquement les personnes sans enfants et les parents d’enfants uniques seraient intéressés, pour bénéficier de pensions convenables,  à payer plus pour l’investissement dans la jeunesse.

Affecter le NIR au financement de la formation initiale, de la branche famille, de l’assurance maternité et de l’assurance maladie des enfants répondrait bien à cette logique : à revenu égal les parents de famille nombreuse, payant moins de NIR, obtiendraient moins de points à titre onéreux (mais davantage au titre de leurs enfants) et les personnes sans enfant en obtiendraient plus au titre du NIR. Moyennant un réglage convenable des paramètres, on pourrait obtenir ainsi un système de retraites par répartition et de financement de la formation initiale tout à fait cohérent et juste.

Cela desserrerait le frein qui bloque actuellement l’activité et la croissance, à savoir l’excès de prélèvements obligatoires sans contreparties. Faire du résultat de la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG l’équivalent d’une cotisation obligatoire à un fonds de pension investissant dans ce qui est le plus important pour notre avenir, la jeunesse, voilà le genre de réforme dont nous avons besoin pour sortir du ras-le-bol fiscal et retrouver le goût du travail ! Sans compter que ce fonds d’investissement dans la jeunesse, chargé du financement des établissements scolaires et universitaires, serait autrement mieux placé que l’État pour instaurer des formules favorables à l’innovation et au sérieux pédagogiques, telles que le bon scolaire.

Ces quelques lignes ne constituent évidemment pas un plan de réforme. Mais elles indiquent une direction dans laquelle réfléchir si l’on veut réformer utilement ce fatras de prélèvements obligatoires sous lequel nous étouffons. L’innovation dans le domaine du non marchand (actuellement géré par l’État de manière calamiteuse) est de nature à booster notre productivité autrement mieux que les formules éculées dites « allègement de charges » ou crédit d’impôt recherche. Au point où nous en sommes, seule l’audace intelligente, ou l’intelligence audacieuse, peut nous faire faire un véritable bond en avant.


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