Paris, années 1910. Paul et Louise se rencontrent aux bals, se séduisent, s’aiment et se marient. Nous sommes alors en 1914 et c’est un autre amour qui l’appelle : celui de la patrie. L’enthousiasme de départ de Paul ne résistera pas à l’épreuve des tranchées : la mutilation volontaire pour en sortir en espérant ne pas y retourner. Rapatrié à l’arrière il cherche le plus à retarder sa guérison. Cependant, tirer au flanc de la hiérarchie ne dure qu’un temps et cette dernière décide de renvoyer le caporal Grappe au front. La désertion s’impose alors comme la seule échappatoire possible. Paul et Louise traverseront ainsi la Première Guerre mondiale cachés... au grand jour.
S’appuyant sur La garçonne et l’assassin, le livre de Fabrice Virgili et Danièle Voldman, Chloé Cruchaudet nous retrace cette histoire d’amour à mort qui marqua le Paris des années de l’entre-deux-guerres. Histoire haute en couleurs et atypique puisque Paul, pour vivre au grand jour, deviendra Suzanne. Ici, le choix est fait dans le dessin de laisser toute sa place à l’histoire dans un noir et blanc léger et crayonneux, avec, de ci delà, quelques tâches de couleurs délavées : principalement le rouge. L’organisation narrative en flashback permet de clore l’histoire sur elle-même telle la danse des amoureux. Dans le même temps : la tension dramatique se déploie.
Rapidement l’autrice évacue toute interrogation sur le genre, ou jugement sur la sexualité de ce couple atypique, puisque Paul dépasse ses réticences à se travestir, laissant de côté préjugés et stéréotypes, devenant complètement Suzanne. Ce faisant, l’histoire n’est pas le fait divers mais celle d’un homme à l’identité brisée qui s’en (re)construit une nouvelle dans un conflit Hydien.