C'est l'un des quelques fils rouges de ce blog. Humble fil qui vient compléter une masse impressionnante de commentaires, d'analyses, de critiques ou encore de déclarations d'amour à l'égard de cette marque phare de l'informatique. L'édition d'avril du magazine Wired mêle sa voix, et son autorité, au flot de conversations. L'article, écrit par Leander Kahney, auteur de plusieurs ouvrages sur la marque et son charismatique patron, dresse le portrait d'une entreprise qui réussit à être prospère tout en malmenant la plupart des tendances actuelles autour de l'entreprise 2.0
Du management à la communication en passant par le processus d'innovation et aux partenariats, tout serait chez Apple réalisé selon une matrice restée bloquée à la fin du XXe siècle. Qu'on en juge ainsi à travers la contrariété des codes de conduite d'Apple à ceux de la Silicon Valley (traduction sous forme de résumé).
Coopérer
Valley : vive l'interoperabilité et l'ouverture. Laisser les consommateurs mélanger et choisir.
Apple : lier la machine aux logiciels. Imposer une expérience utilisateur prédéfinie aux consommateurs.Rester bon joueur
Valley : ne pas abuser de sa position dominante. Gagner grâce à ses produits, pas ses gros bras.
Apple : jouer des épaules. Pré-installer iTunes sur tous les Macintosh et en faire le logiciel par défaut pour l'écoute de musique. Imposer la lecture des morceaux achetés sur iPod.Aimer ses clients
Valley : que chacun puisse critiquer ouvertement et librement. Que ces critiques permettent une amélioration des produits et services.
Apple : se faire plaisir avant de faire plaisir aux clients. Que les critiques soient éventuellement entendues.Prendre soin de ses employés
Valley : encourager les initiatives individuelles et l'autonomie. Offrir un cadre de travai détendu et confortable.
Apple : susciter la crainte et le respect. Faire pleurer si besoin est. Inspirer.
L'élément qui m'intéresse le plus est bien évidemment l'opposition entre la politique de communication d'Apple et les tendances à l'oeuvre dans la Silicon Valley (traduction complète)
Communication
Valley : dire à vos fans ceux que vous préparer pour établir une connection. Des problèmes de recrutement ? De nouvelles stratégies ? Des troubles digestifs ? Bloguer ! Vos clients s'en sentiront plus investis et plus loyaux. En outre, leurs commentaires vous donneront peut-être de bonnes idées.
Apple : ne jamais parler à la presse. Faire taire les blogs de rumeurs. Menacer de poursuites judiciaires les enfants qui vous envoient des idées. Ne jamais faire des fuites d'information avant l'annonce officielle. Utiliser enfin cette rigueur pour créer du buzz et obtenir une couverture à nulle autre pareil pour toutes vos annonces.
Sans détours, l'auteur nous apprend que Steve Jobs joue un rôle non négligeable dans le choix de ces politiques d'entreprise. Son style de management et de direction est très vertical, dirigiste voire autoritaire. On voit donc combien le passage à une culture d'entreprise qu'on pourrait qualifier de participative dépend de la volonté de ses principaux dirigeants.
Tout ceci réussit pour le moment à Apple. Il est certain que ce modèle ne permettrait qu'à peu d'autres entreprises de prospérer de la sorte. L'autoritarisme d'Apple est compensé par la capacité de ses marques (Apple, iMac, iPod, iPhone, etc.) et produits à créer des communautés.
Si l'entreprise (et sa communication descendante) tient pour le moins ses parties prenantes à distance, les marques les fédèrent en dehors, et indépendamment, de l'entreprise. Cette dichotomie est pour le moins surprenante. On imagine sans mal que ces communautés seraient encore plus fidèles et prescriptrices si l'entreprise Apple les animait au lieu des les repousser. On peut se poser une question pour conclure ce billet (et non ce fil rouge). Les marques distantes ont-elles encore un bel et long avenir devant elles ? Apple serait-elle un dinosaure de la communication de marque en voie de disparition ? Rien n'est moins sur, tant les fans d'Apple ont appris à vivre avec ce génie fou. Rien n'est moins unique en même temps, tant le charisme d'un homme et sa vision nourrissent cette réussite.