Au Théâtre 14, Henri Lazarini monte de manière convenue ce qui n'est définitivement pas le meilleur vaudeville de Georges Feydeau, même s'il reste amusant. Une distribution inégale et un manque de rythme flagrant nous empêchent d'apprécier pleinement les aspects positifs d'une proposition clairement en dessous de l'"Amélie" qui nous fut donnée à voir l'an passé à la Michodière, avec Bruno Putzulu et Hélène de Fougerolle.
"Occupe-toi d'Amélie", faisons court et simple, met en scène Etienne qui, partant pour l'armée, confie la garde rapprochée de sa maîtresse, la délicieuse cocotte Amélie, à son meilleur ami Marcel. En l'absence du premier, l'inévitable ne pourra être évité, les deux autres coucheront ensemble au cours d'une soirée trop arrosée. Les ennuis et quiproquos ne feront alors que commencer.
Mais peu importe l'intrigue. Car ce qui nous plait chez l'auteur, c'est sa maîtrise totale de la mécanique du rire, la virtuosité avec laquelle il fait se dépétrer ses protagonistes des situations les plus folles et les plus inextricables (ici un peu sages). Son sens des dialogues. C'est également son talent pour imaginer des figures hautes en couleurs, irrésistibles, du rôle principal à la moindre silhouette. Valets improbables, étrangers farfelus, généraux d'opérette et princes de pacotille côtoient toujours cocottes, cocus et femmes du monde. Encore faut-il savoir leur donner vie avec alacrité...
Or, les douze artistes évoluant au sein d'un ravissant décor signé Pierre Gilles, clin d'oeil à Georges Braque et au cubisme, luttent sacrément pour atteindre la vitesse de croisière de cette comédie (à tel point que l'on en vient presque à considérer le dernier acte comme le plus enlevé...) et peinent souvent à trouver la justesse de leurs personnages. Frédérique Lazarini (Amélie), par exemple, habite sa cocotte par intermittence, perd puis retrouve sa gouaille sans raison. Bernard Menez (son père) et Marc-Henri Lamande (un belge hollandais) surjouent sans conviction ou avec maladresse. D'autres semblent trop jeunes ou trop vieux pour leur partition...Cela étant, Stéphane Douret, quasiment seul, dès le départ, dans l'exactitude du tempo, se révèle impeccable en jeune homme trahi par son meilleur ami, lequel est incarné par un Cédric Colas qui gagne en assurance et en "niaque" à mesure que la représentation avance. Kévin Dargaud, pour sa part, campe un réjouissant Maharadjah, excentrique à souhait, croûlant sous les bagues et les colliers, conquis par la belle Amélie mais ne s'interdisant pas de tapoter l'arrière train de son homme de main. Il est la révélation du spectacle. A eux trois, sincères et techniquement irréprochables, nous devons les meilleurs moments du spectacle.
Bon... Rien d'indispensable.
Jusqu'au 31 décembre.
Photos : Lot