Il était une fois une jeune lycéenne qui errait de disquaire en disquaire dans les rues de Bordeaux, par un jour de pluie interminable de fin d’hiver interminable. À la recherche d’un quelque chose qui ferait vibrer son âme et lui ferait affronter sans difficulté la dure réalité de la vie, à savoir les pavés glissants de la rue Sainte Catherine. Tache quasi insurmontable me diront les connaisseurs. Après moult pertes d’équilibre, me voilà affalée sur les bacs de DVD détrempés d’un magasin. Bref coup d’oeil à l’intérieur : là, tout n’était qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. Rempli de vinyles et CD, quoi. Remerciant les dieux, je m’aventure entre les longs rayons, farfouille, ça et là. Soul, electro, indépendants. On y est. Girls In Hawaii … Ça me dit quelque chose … Sûrement un autre groupe de folk qu’on aura oublié dans deux ans. Allez, on va leur donner une chance, malgré tout. On ne va pas repartir alors que la rue s’était mutée en piscine géante.
Des chants d’oiseaux, une guitare, une voix, il n’en fallait pas plus pour me rendre dans l’incapacité de décrocher de l’album. Un coup de foudre immédiat. Absolument accro à ce disque. From Here To There a été une des meilleures choses qui me soient arrivées cette année là. À la fois enjoué et mélancolique, plongeant dans une profonde noirceur, notamment avec la parfaite "Flavor", il n’en reste pas moins accessible, on ne peut qu’aimer cette musique. Puis, j’apprends que c’est leur premier album (studio). Deuxième claque. Enfin, je regarde la date de parution. 2003. Troisième claque. Quelques semaines plus tard, je croise son successeur à cornes, Plan Your Escape, qui atterrit sans réfléchir ses côtés sur l’étagère. Un cran au dessus.
Je vous parle de ça comme si c’était hier. Et pourtant, ce coup de foudre a eu lieu il y a plus de trois ans. Entre temps, il y eut la mort de leur batteur, qui a forcé le groupe à faire une pause. Depuis, le temps passait, l’attente se faisait de plus en plus grande, jusqu’à ce qu’en Septembre 2012, on ne voit apparaître sur leur page Facebook ceci :
"We’re happy to announce that we’ve started to work on new album."
Joie, Ô joie. Enfin, on allait pouvoir régaler nos oreilles grâce à eux. Un an plus tard, l’album est là. Everest, puisque c’est son titre, est tout ce que l’on espérait, et même plus encore. Il était grand temps de découvrir ce que ça donnait en live.
Les attentes étaient donc relativement grandes … Et elles ont été comblées. Non, les Girls In Hawaii ne sont pas des bêtes de scène. C’est une toute autre espèce à laquelle on a affaire. Celle qui s’accapare une salle en quelques courtes minutes, emporte les âmes qui, religieusement, se laissent faire. Elles respectent tout, même les silences les plus longs, elles partagent la douleur des musiciens, mais savent aussi s’émerveiller quand il le faut.
Car en un peu moins de deux heures, toutes les émotions ont été mises à contribution. Il faut dire qu’en l’espace de trois albums, les belges ont su en faire des petits bijoux, à l’image de "Casper", "This Farm Will End Up In Fire" ou encore "Switzerland". Ponctué de débats enflammés, sur Namur ou sur Bordeaux, le set était comme un long voyage où l’on était bercés par ces voix fragiles, les yeux remplis des étoiles qui couvraient la montagne en fond de scène. Cependant, les quatre guitares ne se faisaient prier pour nous rappeler qu’elles existaient, comme lors de "Grasshopper". En bons privilégiés que nous étions, nous avons eu le plaisir d’écouter à sa suite une composition extraite des sessions d’Everest. Comme si un cadeau ne suffisait pas, "Flavor" (une de mes chansons préférées, tous artistes confondus, pour la petite histoire) s’est vue rallongée de six minutes. Quelle fin de concert plus puissante, plus jouissive, plus marquante que celle ci ? Je peux à présent mourir tranquille.
On peut regretter le fait que le set n’ait vraiment décollé qu’aux alentours de "Misses", mais c’est vraiment pour faire semblant de trouver un point négatif.
Leur nom fleurit actuellement sur quelques affiches de festivals pour 2014. On les y recroisera avec un plaisir pas vraiment dissimulé.
P.S. : Je ne pourrai vous parler de V.O., la première partie (accessoirement groupe du batteur de Girls In Hawaii, pour cause de Café du Commerce à 20cm de moi. Les bribes qui m’en sont tout de même parvenues étaient assez alambiquées et mériteraient quelques plus longues écoutes.