Cette semaine, les impromptus ont l'oreille musicale et l'âme meurtrière...
Texte in situ : ICI
"Comment je suis devenu un virtuose…
L’amour de la musique m’est tombé sur le coin du museau alors que j’étais encore minot.
C’était en été, je passais habituellement mes mercredis après-midi à arracher les ailes des mouches, assis sous les
fenêtres de l’école municipale de musique.
Il faut avouer que ça avait de la gueule, tous ces élytres emportés par le vent tiède avec en fond sonore la chevauchée des
Walkyries…
Plus tard, j’ai été embauché pour tuer les rats qui furetaient aux abords de l’abattoir régional.
Les gus qui y turbinaient prenaient leur pause clope en écoutant d’une oreille distraite un radiocassette qui crachotait du
bon vieux rock à papa.
Ça me bottait d’envoyer ad patres ces foutus gaspards gros comme des greffiers sur des airs d’Eddy Cochran, Elvis ou Bill
Haley…
« Be bop a lulla, cheese rat qui crèveeeee !!!! » ça en jetait, ah ça ouais…
Après… après… il y a eu 2-3 conneries et la zonzon.
Les barreaux, y’a mieux pour goûter à la musique mais au moins, fredonner mes petits airs préférés m’aidait à passer le
temps.
Grâce aux programmes d’activités et aux âmes charitables de dames patronnesses, j’ai fait mes gammes, j’ai appris le
solfège. Les matons m’avaient à la bonne puisque la musique adoucit les mœurs qui disaient…
Forcément, en cabane, je me suis fait des relations et mes nouvelles connaissances m’ont aidé à préparer ma
réintégration.
C’est dans les mois qui ont suivi ma sortie que je suis devenu un virtuose, un maître es musique de circonstance. Mes gars
me surnommaient « le chef d’orchestre » et les caves mouillaient leurs bénards dès que j’entamais les premières notes d’une œuvre de leurs choix.
Car il faut dire que je leur laissais cette option, celle de choisir leur dernière ambiance musicale !
Alors que je me prépare à tirer ma révérence, à décaniller définitivement avant de jouer à mélodie en sous-sol, je suis
fier de laisser à la postérité mes plus belles créations : Fusil à pump and circonstance, la Symphonie de la sulfateuse, le Boléro du borsalino et mon chef d’œuvre la Toccata du
malfrat…
Y’a pas à dire, la musique adoucit les meurtres…"