Magazine Journal intime

Veillée d'armes

Par Eric Mccomber





Toutes les sources annoncent de la pluie terrible pour les trois prochains jours. Je me suis procuré un petit tarp que j'ai tenté d'installer en arrivant cet après-midi, mais en vain. Un responsable croisé sur le terrain de l'immense camping me prévient que l'emplacement que j'ai choisi est le plus exposé en cas de tempête. Il me montre sur la carte le lieu le plus sûr, un dénivelé près de l'autoroute, entre les sanitaires et la superette. Je le remercie et je cours chez moi m'escrimer avec le fameux tarp. Mon but est d'ajouter une protection contre l'eau, mais aussi de me créer un petit espace à l'abri pour lire, en dehors de ma très étroite tentinette.
Le soleil décline rapidement et quelques gouttes ont commencé à tomber. En mangeant, j'ai imaginé une façon sûre de faire tenir la contraption. Les problèmes sont le vent et le sable, trop fin et mou pour garder les piquets en place (on les appelle des sardines, ici, allez savoir pourquoi !). Finalement, je fixe le tarp aux arbres autour, et je plante les derniers filins avec trois sardines chacun, en croisé. Puis je m'engouffre sous la toile et j'allume un lampion, la peur au ventre, en espérant que ça tienne. Difficile de m'endormir, alors que je passe beaucoup de temps à imaginer les pires scénarios possibles : la bourrasque arrache le tarp et les piquets me transpercent dans mon sommeil ; ma propre tente est emportée par la tempête et je passe par dessus le bord de la falaise, muet de terreur ; l'eau monte et dégringole de la colline, mouillant et détruisant ordi et appareil-photo ; ou le pire de tous : mon tarp se tord en tous sens et m'humilie le lendemain matin devant tous les autres campeurs super-pros, me révélant pour le néophyte que je suis (j'ai beaucoup campé sauvage dans mon adolescence, mais j'ai tout oublié, sauf « ne pas gosser les ours »).
Je finis par m'endormir d'un sommeil troublé. Vers deux heures du matin, toujours pas de pluie abondante, mais une sévère envie d'uriner. Je sors dans la nuit noire. Les sanitaires sont à près d'un kilomètre en haut de la butte et je vais donc au bout de mon petit terrain, face à l'océan, nu comme au premier jour, me soulager. De l'autre côté de la dune, Arcachon est sous la pluie. Je vois s'approcher la vilaine cohorte de nuages colériques. Vite, je rentre, je passe les capotes aux sacoches après avoir enveloppé le sac d'ordi dans un plastique supplémentaire. Je ferme bien tout et j'attends, inquiet. Pendant quelques heures, ça secoue et je guette le pire. Je finis par m'endormir…© Éric McComber

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