Interview de Rémy Teston, responsable e-marketing chez Pfizer.
L’Atelier : Quels sont les solutions relatives à la santé connectée que vous proposez ? Dans quelle démarche cela s’inscrit-il?
Rémy Teston : Nous ne proposons pas pour l’heure d’outils ou d’objets connectés mais il s’agit d’une tendance que nous avons détectée et qui est en évolution. En fait, il n’existe pour l’instant que peu d’initiatives dans le domaine pharmaceutique. L’ensemble des laboratoires essaie de mieux comprendre cet enjeu avant de se lancer. Nous évoluons en effet dans un secteur très réglementé. La seule initiative que je connaisse est celle de Sanofi avec un projet autour du diabète. Nous nous laissons le temps de découvrir le marché.
S’il n’y a pour l’instant pas d’initiative, quels sont vos projets ?
Si nous sommes en observation, la santé et les objets connectés deviendront assurément un axe important pour l’industrie pharmaceutique. Nous voyons les objets connectés englobés dans tout un tas de services connectés autour de différentes thématiques. La prévention, le dépistage, le contrôle de la prise de médicaments à destination des seniors notamment sont des sujets à aborder. De plus, des outils collaboratifs de mise en relation avec les professionnels de santé et les patients pourront être mis en place ainsi que des dispositifs digitaux d’aide dans le parcours de soin. En utilisant le web et le mobile, nous pourrions également proposer des outils virtuels d’aide à la formation.
La santé connectée signifie-t-elle un changement de business model pour les laboratoires pharmaceutiques ?
Actuellement, l’industrie se centre autour du développement et de la promotion de médicaments. Seulement, pour perdurer, il faut trouver de nouveaux leviers de croissance. Il devient en effet difficile de lancer de nouveaux produits. Si ces changements ne sont pour l’heure pas actés, le business model évoluera à l’avenir. Les laboratoires pharmaceutiques doivent repenser leur modèle en direction de solutions thérapeutiques complètes associant médicaments et services personnalisés. L’observance fait partie de nos priorités dans le cas de maladies chroniques comme le diabète. En tout cas, il ne faudra pas rater cette nouvelle tendance car si nous négocions mal ce virage d’autres acteurs pourront prendre la place.
Ces solutions engendreront-elles de nouvelles relations avec les patients ?
Les relations avec les patients forment un sujet délicat car très réglementé. Il est impossible de communiquer directement à destination du patient sur nos produits (médicaments). Cependant, cela peut se faire autour de notre environnement c’est à dire la prévention, le dépistage. Nous pouvons donc agir en ce sens vers le patient en collaboration avec le médecin. Nous pourrions avoir une relation directe avec le patient dans le cas de l’observance.
Et avec les médecins ?
En leur apportant de réels outils plutôt que de simples informations, Nous améliorerons notre relation avec les professionnels de santé.
Avez-vous débuté des démarches d’expérimentation ? De collaboration avec des acteurs de la m-santé par exemple ?
Il y a des réflexions. Il apparaît effectivement difficile d’y aller tout seul. Le meilleur moyen d’investir le secteur est de développer des partenariats avec les payeurs c’est à dire les assurances et mutuelles ainsi qu’avec les éditeurs de solutions. Nous voulons effectivement mettre en place des démarches pilotes Cependant, nous sommes très dépendants de stratégies européennes voire globales qui ne nous laisse que peu de marche de manœuvre. On essaie de faire remonter les initiatives mais cela prend du temps.
Il apparaît que la notoriété des objets connectés et des solutions d’e-santé et de m-santé sont méconnues. Quels sont les freins à la santé connectée ?
L’utilisation du mobile en tant que tel me semble être un frein. Malgré une pénétration du smartphone importante, l’usage reste encore concentré autour de la consultation de mails et du SMS malgré une forte progression des applications. De plus, je pense que les objets connectés sont aujourd’hui perçus comme des gadgets. Il n’existe pas de véritable étude mettant en avant un point de vue vraiment médical. Les applications sont de plus majoritairement tournées vers le fitness ou la perte de poids.
Que penser de la sécurité des données médicales dans ce nouveau paradigme ?
Cela constitue un autre frein important. Le ministère de la santé est pour l’heure en train d’y travailler. En effet, comment garantir au grand public la bonne gérance de ses données et leur sécurisation ? Il s’agit d’un réel enjeu. Les patients ne sont peut être pas prêts à ce que le médecin puisse consulter à tout moment leurs données de santé.