Dans un futur post-apocalyptique, une partie des survivants s'est retirée sous-terre, dans un silo composé de 144 étages. Là, les règles sont strictes. Tout le monde doit obéir au « Pacte » pour éviter tout débordement qui emmènerait l'humanité à une perte définitive. Quiconque lui contrevient, quiconque est amené à évoquer le monde du dehors, la sanction est claire, nette, irrémédiable. Tout contrevenant est envoyé au dehors, à la mort, pour se soumettre au rituel du nettoyage, tâche consistant à laver les caméras extérieures sans cesse soumises aux ravages climatiques de l'extérieur. Fait étrange jusqu'à présent, tout le monde, malgré les griefs manifestés à l'encontre du Silo et de ses dirigeants, s'est soumis au rituel. Pourtant suite à la décision du shérif du de se soumettre au nettoyage, à la décision de la maire de le remplacer par une ouvrières des étages inférieurs, la voie de l'insurrection se fait entendre... pour le meilleur, ou pour le pire ? 6 chapitres, 45 pages, c'est le temps qu'il faut pour être totalement convaincu de ne plus lâcher Silo. Le temps de suivre son shérif remonter aux sources de son lâcher prise, de suivre les traces de sa femme, de s'adonner au nettoyage, puis de mourir. Les derniers mots du chapitre laissent le lecteur dans un état d'hébétude qui ne le lâchera plus tant les événements qui vont suivre, les mystères et les révélations qui vont jaillir au fil du texte auront planté leurs crocs bien profondément dans son esprit.
Silo demande tout de même un effort. Il peut-être difficile d'imaginer une telle société réduite à évoluer sous-terre selon une organisation dont on apprend les lois au fur et à mesure. Mais c'est justement dans ce dévoilement successif, dans cette transposition du sentiment d'étouffement des personnages renvoyés au lecteur que Hugh Howey réussit son véritable tour de force. Nul doute que l'on peut voir là une représentation de notre société dans cette organisation pyramidale et hyper-hiérarchisée (tiens, ce n'est pas sans me rappeler une quatrième théorie ça...), où la population subit une pression redoutable, ne serait-ce qu'à travers le matraquage des lois, la surveillance et le contrôle dont elle est victime, et où le Pouvoir s'affranchit parfois allègrement de toute déontologie en usant de la dissimulation pour ne pas se mettre en péril. On est effectivement pas loin du 1984 de George Orwell avec cette phrase devenue si célèbre: "L'ignorance c'est la force". Le coup de pied dans la fourmillière, celui-là même par qui l'espoir va naître, c'est ici au personnage de Juliette qu'on le doit. A travers son tempérament, son obstination, son humanité, elle nous pousse à la suivre jusqu'au bout avec inquiétude et expectative. Il se pourrait d'ailleurs qu'on la retrouve un jour. Silo est devenu une trilogie. Le prochain tome racontera les origines du cataclysme qui a ravagé la terre, le suivant sera consacré au futur du Silo.
L'impatience me gagne déjà mais j'ai déjà quelques bons livres qui me font de l'oeil en attendant, alors ça devrait aller... Silo, de Hugh Howey, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Yoann Gentric et Laure Manceau, Actes Sud (Exofictions), 2013, 560 p.