La nouvelle collection de Science-Fiction, baptisée « exofictions »
est une petite surprise pour ceux qui ont l'habitude de sentir battre
le pouls des littératures de l'Imaginaire. Les éditions Actes sud
avaient depuis quelque temps manifesté un certain intérêt pour le
genre en publiant, dans leur catalogue général, des titres
appartenant clairement au genre. Mais c'est à Hugh Howey que revient l'honneur d'inaugurer la collection avec Silo.
Choix judicieux, Silo est un livre qui a su capter un large public
aux Etats-unis en paraissant d'abord par épisodes sur internet,
avant que l'auteur ne décide d'étoffer son histoire pour en faire
un roman. Encore une success story que connaît de temps à autre le
monde de l'édition...
Dans un futur post-apocalyptique, une partie des survivants s'est
retirée sous-terre, dans un silo composé de 144 étages. Là, les
règles sont strictes. Tout le monde doit obéir au « Pacte »
pour éviter tout débordement qui emmènerait l'humanité à une
perte définitive. Quiconque lui contrevient, quiconque est amené à
évoquer le monde du dehors, la sanction est claire, nette,
irrémédiable. Tout contrevenant est envoyé au dehors, à la mort,
pour se soumettre au rituel du nettoyage, tâche consistant à laver
les caméras extérieures sans cesse soumises aux ravages climatiques
de l'extérieur. Fait étrange jusqu'à présent, tout le monde,
malgré les griefs manifestés à l'encontre du Silo et de ses
dirigeants, s'est soumis au rituel. Pourtant
suite à la décision du shérif du de se soumettre au nettoyage, à
la décision de la maire de le remplacer par une ouvrières des étages inférieurs,
la voie de l'insurrection se fait entendre... pour le meilleur, ou
pour le pire ?
6 chapitres, 45 pages, c'est le temps qu'il faut pour être
totalement convaincu de ne plus lâcher Silo. Le temps de suivre son
shérif remonter aux sources de son lâcher prise, de suivre les
traces de sa femme, de s'adonner au nettoyage, puis de mourir. Les
derniers mots du chapitre laissent le lecteur dans un état
d'hébétude qui ne le lâchera plus tant les événements qui vont
suivre, les mystères et les révélations qui vont jaillir au
fil du texte auront planté leurs crocs bien profondément dans son
esprit.
Silo demande tout de même un effort. Il peut-être difficile
d'imaginer une telle société réduite à évoluer sous-terre selon
une organisation dont on apprend les lois au fur et à mesure. Mais
c'est justement dans ce dévoilement successif, dans cette
transposition du sentiment d'étouffement des personnages renvoyés au
lecteur que Hugh Howey réussit son véritable tour de force. Nul
doute que l'on peut voir là une représentation de notre société
dans cette organisation pyramidale et hyper-hiérarchisée (tiens, ce n'est pas sans me rappeler une quatrième théorie ça...), où la
population subit une pression redoutable, ne serait-ce qu'à travers
le matraquage des lois, la surveillance et le contrôle dont elle est
victime, et où le Pouvoir s'affranchit parfois allègrement de toute
déontologie en usant de la dissimulation pour ne pas se mettre en
péril. On est effectivement pas loin du 1984 de George Orwell avec cette phrase devenue si célèbre: "L'ignorance c'est la force". Le coup de pied dans la fourmillière, celui-là même par qui l'espoir va naître, c'est ici au personnage de Juliette
qu'on le doit. A travers son tempérament, son obstination, son
humanité, elle nous pousse à la suivre jusqu'au bout avec
inquiétude et expectative. Il se pourrait d'ailleurs qu'on la
retrouve un jour. Silo est devenu une trilogie. Le prochain tome
racontera les origines du cataclysme qui a ravagé la terre, le
suivant sera consacré au futur du Silo.
L'impatience me gagne déjà mais j'ai déjà quelques bons livres qui me font de l'oeil en attendant, alors ça devrait aller...
Silo, de Hugh Howey, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Yoann Gentric et Laure Manceau, Actes Sud (Exofictions), 2013, 560 p.