Déchets : les activités de recyclage demeurent soumises à la constitution des garanties financières ICPE (Conseil d'Etat)

Publié le 03 décembre 2013 par Arnaudgossement

Par arrêt rendu ce 28 novembre 2013, le Conseil d'Etat a rejeté le recours d'une fédération professionnelle, tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2012 relatif aux modalités de constitution de garanties financières prévues aux articles R. 516-1 et suivants du code de l'environnement.


La fédération requérante avait saisi le Conseil d'Etat d'un recours tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2012 relatif aux modalités de constitution de garanties financières pour les installations classées soumises à cette obligation.

Le Conseil d'Etat rejette le recours, au motif notamment que l'extension du régime des garanties financières à des installations classées, même consacrées à des activités de recyclage,

L'arrêt précise en effet :

"15. Considérant, en cinquième lieu, que les activités de recyclage peuvent être à l'origine de pollutions importantes des sols ou des eaux justifiant, pour les installations concernées, clairement identifiées par le décret litigieux, de subordonner leur exploitation à la constitution de garanties financières ; que la fédération requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le décret du 3 mai 2012, qui ne comporte aucune contradiction sur ce point, serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; "

Ce recours a cependant le mérite de mettre en lumière une problématique importante. Il convient certainement d'encourager le développement d'une économie circulaire, laquelle passe par celui des installations industrielles de recyclage des déchets. La simplification du régime juridique de ces installations apparaît donc constituer un chantier prioritaire.

Arnaud Gossement

Selarl Gossement Avocats

_______________________

Conseil d'État
N° 363301   
ECLI:FR:CESJS:2013:363301.20131128
Inédit au recueil Lebon
6ème sous-section jugeant seule
M. Bruno Chavanat, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
lecture du jeudi 28 novembre 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 8 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Fédération des entreprises du recyclage ; la Fédération des entreprises du recyclage demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 juillet 2012 relatif aux modalités de constitution de garanties financières prévues aux articles R. 516-1 et suivants du code de l'environnement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le décret n° 2012-633 du 3 mai 2012 ;
Vu la circulaire du Premier ministre du 23 mai 2011 relative aux dates communes d'entrée en vigueur des normes concernant les entreprises ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Chavanat, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 516-2 du code de l'environnement dans sa rédaction issue du décret du 3 mai 2012 relatif à l'obligation de constituer des garanties financières en vue de la mise en sécurité de certaines installations classées pour la protection de l'environnement : " Dès la mise en activité de l'installation, l'exploitant transmet au préfet un document attestant la constitution des garanties financières. Ce document est établi selon un modèle défini par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé des installations classées " ; que la Fédération des entreprises du recyclage demande l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2012 relatif aux modalités de constitution de garanties financières pris sur le fondement de ces dispositions ;
Sur les moyens tirés de l'illégalité, par voie d'exception, du décret du 3 mai 2012 :
2. Considérant que, pour contester l'arrêté du 31 juillet 2012, la Fédération requérante excipe de l'illégalité du décret du 3 mai 2012 en application duquel cet arrêté été pris ; que ce décret a pour objet d'étendre à certaines installations classées pour la protection de l'environnement l'obligation de constitution de garanties financières, destinées à assurer la dépollution et la remise en état du site en cas de cessation d'activité ou d'accident ;
En ce qui concerne la légalité externe du décret du 3 mai 2012 :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi (...) de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement " ; qu'aux termes de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué : " Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions réglementaires de l'Etat et de ses établissements publics. / I. - Sauf disposition particulière relative à la participation du public prévue par le présent code ou par la législation qui leur est applicable, les décisions réglementaires de l'Etat (...) sont soumises à participation du public lorsqu'elles ont une incidence directe et significative sur l'environnement (...) " ;
4. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 120-1 du code de l'environnement ont été prises afin de préciser les conditions et les limites dans lesquelles le principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions réglementaires de l'Etat et de ses établissements publics ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir, pour soutenir que le principe de participation aurait été méconnu lors de l'adoption du décret du 3 mai 2012, d'un moyen fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement ;
5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au présent litige, que le législateur a entendu ne soumettre à une procédure de participation du public, s'agissant des décisions réglementaires de l'Etat, que les décisions ayant une incidence directe et significative sur l'environnement ; qu'en revanche, ne sont pas soumises à une telle obligation les décisions réglementaires de l'Etat ayant une incidence indirecte ou non significative sur l'environnement ; que les dispositions du décret du 3 mai 2012 ne sauraient être regardées comme ayant un effet direct sur l'environnement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, faute d'une consultation suffisante du public, le décret du 3 mai 2012 aurait été pris en méconnaissance de l'article L. 120-1 du code de l'environnement ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article D. 510-1 du code de l'environnement : " Le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques assiste les ministres chargés des installations classées pour la protection de l'environnement, de la sûreté nucléaire et de la sécurité industrielle. (...) Il étudie tout projet de réglementation ou toute question relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, aux installations nucléaires de base, aux canalisations de transport de gaz, d'hydrocarbures et de produits chimiques, aux canalisations de distribution de gaz ainsi qu'à la sécurité des installations d'utilisation des gaz combustibles que les ministres chargés de ces sujets ou que l'Autorité de sûreté nucléaire, s'agissant de questions relatives aux installations nucléaires de base, jugent utile de lui soumettre. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le Gouvernement, alors même qu'en vertu des dispositions qui viennent d'être citées, il n'y était pas tenu, a consulté le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) sur le projet de décret relatif à l'obligation de constituer des garanties financières en vue de la mise en sécurité de certaines installations classées pour la protection de l'environnement ; que si la fédération requérante soutient que cette consultation aurait été irrégulière en ce que le CSPRT ne se serait pas prononcé sur la dernière version du projet de décret, qui prévoyait une exemption de l'obligation de constitution des garanties financières pour les installations exploitées directement par l'Etat, ce moyen manque, en tout état de cause, en fait, le CSPRT ayant émis, lors de la séance du 17 janvier 2012, un avis favorable sur cette dernière version du décret ; que, par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, l'avis émis par le CSPRT n'est entaché d'aucune erreur matérielle ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 518-3 du code monétaire et financier : " Les décrets dont la mise en oeuvre exige le concours de la Caisse des dépôts et consignations sont pris sur le rapport ou avec l'intervention du ministre chargé de l'économie, après avis de la commission de surveillance. " ; que la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations a régulièrement émis, le 21 juillet 2011, un avis sur le projet de décret ; qu'il ne résulte ni des dispositions précitées, ni d'aucun autre texte, que l'avis rendu par la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignation sur un projet de décret doive être motivé ; que si le Gouvernement a, postérieurement à la consultation de la commission de surveillance, apporté certaines modifications au projet de décret, il ressort de la comparaison du texte soumis à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts avec celui du décret attaqué que la commission a été consultée sur l'ensemble des questions traitées par le texte définitif ; qu'ainsi le Gouvernement a respecté l'obligation prévue par l'article L. 518-3 du code monétaire et financier ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1211-4-2 du code général des collectivités territoriales : " est créé au sein du comité des finances locales une formation restreinte dénommée commission consultative d'évaluation des normes. (...) Elle est consultée préalablement à leur adoption sur l'impact financier, qu'il soit positif, négatif ou neutre, des mesures règlementaires créant ou modifiant des normes à caractère obligatoire " ; qu'aux termes de l'article R. 1213-3 du même code : " Les projets ou propositions de textes mentionnés aux deuxième, quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 1211-4-2 sont accompagnés d'un rapport de présentation et d'une fiche d'impact financier faisant apparaître les incidences financières directes et indirectes des mesures proposées pour les collectivités territoriales. " ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions que la commission consultative d'évaluation des normes devrait mentionner dans son avis qu'elle s'est appuyée sur la fiche d'impact financier mentionnée par ces dispositions ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation de la commission consultative d'évaluation des normes doit être écarté ;
9. Considérant, en cinquième lieu, que la fédération requérante ne saurait utilement soutenir que le décret du 3 mai 2012 n'aurait pas été précédé d'une étude d'impact économique, faute de disposition législative ou réglementaire prévoyant une telle formalité ;
10. Considérant, en sixième lieu, qu'il ne résulte d'aucune disposition ni d'aucun principe que le décret du 3 mai 2012, qui à un caractère réglementaire, devait être motivé ; que la fédération requérante ne peut donc utilement invoquer le caractère insuffisant de sa motivation ;
En ce qui concerne la légalité interne du décret du 3 mai 2012 :
11. Considérant, en premier lieu, que si le premier alinéa de l'article L. 516-1 du code de l'environnement, déjà cité, prévoit que les installations soumises à l'obligation de constitution de garanties financières sont définies par décret en Conseil d'Etat, le 5° de l'article R. 516-1 créé par le décret du 3 mai 2012 ne méconnaît pas ses dispositions en mentionnant les " installations soumises à autorisation au titre de l'article L. 512-2 et les installations de transit, regroupement, tri ou traitement de déchets soumises à autorisation simplifiée au titre de l'article L. 512-7, susceptibles, en raison de la nature et de la quantité des produits et déchets détenus, d'être à l'origine de pollutions importantes des sols ou des eaux " et en renvoyant à un arrêté le soin de fixer la liste de ces installations ainsi que, " le cas échéant, les seuils au-delà desquels ces installations sont soumises à cette obligation du fait de l'importance des risques de pollution ou d'accident qu'elles présentent " ; qu'il ne méconnaît par ailleurs ni le principe de sécurité juridique ni les objectifs constitutionnels de clarté et d'intelligibilité de la norme;
12. Considérant, en deuxième lieu, que si la fédération requérante soutient que les installations visées par le décret du 3 mai 2012 ne présenteraient pas de risques importants de pollution ou d'accident, le moyen est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé ;
13. Considérant, en troisième lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir règlementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ; que si les dispositions insérées à l'article R. 516-1 du code de l'environnement par le décret du 3 mai 2012 prévoient que les installations classées exploitées directement par l'Etat sont exemptées de l'obligation de constitution de garanties financières, l'Etat n'est pas, au regard de l'objectif poursuivi par une telle obligation, qui est que l'Etat puisse, en cas de défaillance de l'exploitant, financer la surveillance et la mise en sécurité d'un site devenu orphelin, dans une situation comparable à celle des autres exploitants d'installations classées ; qu'ainsi, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret du 3 mai 2012 méconnaîtrait le principe d'égalité ;
14. Considérant, en quatrième lieu, que les moyens tirés de l'atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et de la méconnaissance des objectifs posés par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement et par la directive du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
15. Considérant, en cinquième lieu, que les activités de recyclage peuvent être à l'origine de pollutions importantes des sols ou des eaux justifiant, pour les installations concernées, clairement identifiées par le décret litigieux, de subordonner leur exploitation à la constitution de garanties financières ; que la fédération requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le décret du 3 mai 2012, qui ne comporte aucune contradiction sur ce point, serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la fédération requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du décret du 3 mai 2012 sur le fondement duquel a été pris l'arrêté attaqué ;
Sur les autres moyens de la requête :
17. Considérant qu'aux termes de la circulaire du Premier ministre du 23 mai 2011 relative aux dates communes d'entrée en vigueur des normes concernant les entreprises : " J'entends ainsi que les décrets et arrêtés concernant les entreprises qui paraîtront au Journal officiel de la République française à compter du 1er octobre 2011 comportent un mécanisme d'entrée en vigueur différée d'au moins deux mois à compter de la date de leur publication. (...) Les dates d'entrée en vigueur ainsi fixées devront correspondre à l'une des deux échéances du 1er janvier et 1er juillet de chaque année. " ; que la fédération requérante ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des termes de cette circulaire, qui est dépourvue de caractère réglementaire ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Fédération des entreprises du recyclage n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté attaqué ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la Fédération des entreprises du recyclage est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des entreprises du recyclage, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au ministre de l'économie et des finances.v