[Note de l'éditeur du blog : Ce texte de Brix Pivard reprend et développe la substance d'un article qu'il a publié dans le n° 117 du Bulletin de la Société archéologique d'Eure-et-Loir.]
Avant de présenter l’écrit qui relate le passage d’Agricol Perdiguier en Eure-et-Loir et qui lui est consacré dans ses Mémoires, nous présenterons de manière non exhaustive le Compagnonnage. Puis, nous nous attarderons sur cette figure des compagnonnages français.
Agricol Perdiguier vers 1840.
Nous adressons nos vifs remerciements à Monsieur Jean-Michel Mathonière (1). Que Monsieur Laurent Bastard soit également vivement remercié (2). Il a été par le passé, notre directeur de recherche, lors de notre master II en histoire contemporaine. Nous lui devons beaucoup.
Ce qui nous intéresse dans la présente publication est essentiellement inhérent à l’histoire des compagnonnages.
Qu’est-ce que le Compagnonnage ?
Donner une définition exacte du Compagnonnage s’avère difficile mais pas impossible. En effet il convient de considérer non pas un mais des compagnonnages (3). Comme il est rappelé sur le site internet du Musée du Compagnonnage de Tours (4) :
Le mot – Compagnonnage – employé au singulier recouvre en fait plusieurs associations ou mouvements.
Laurent Bastard, précise à ce propos (5) :
...
Plus précisément, il se produit un double décalage quand on parle du Compagnonnage. D’abord, parce qu’on emploie un mot au singulier : LE Compagnonnage. Or, ce Compagnonnage est constitué aujourd’hui tout comme hier d’une bonne quarantaine de groupements d’hommes de métiers, qui tous se ressemblent mais qui tous présentent des différences, de métiers, de rites, de symboles, de vocabulaire, d’état d’esprit, etc. Quand on parle « du » Compagnonnage, si l’on en reste à des généralités, on ne commet pas de grandes erreurs d’analyse. Mais dès que l’on commence à entrer dans les détails, on s’aperçoit vite que ce qui est vrai chez les uns ne l’est pas chez les autres (…). Ce constat établi pour le présent, selon lequel le Compagnonnage est divers, l’est encore plus pour le passé. Car on s’aperçoit vite, en étudiant le patrimoine des différents compagnonnages, que celui d’aujourd’hui n’est pas le même que celui d’il y a 20, 50, 100 ans et plus.
Le Compagnonnage (6) – employé au singulier – est un ensemble de sociétés, de mouvements, d’associations, d’ouvriers et d’artisans à la recherche d’un perfectionnement professionnel, s’appuyant sur des valeurs morales et d’entraide. Selon leurs légendes, les compagnonnages trouveraient leurs origines lors de la construction du Temple du roi Salomon (7), ou au temps de l’édification des cathédrales (8).
Des dissensions sont présentes dans le Compagnonnage. La première cause de ces troubles serait intervenue lors de l’épisode dit de la « scission des tours d’Orléans » au moment de l’édification de la cathédrale Sainte-Croix en 1401 (9). Les ouvriers auraient cessé les travaux, puis fait grève.
Cette grève aurait conduit à une bataille, puis à une scission entre les ouvriers reconnaissant comme leurs fondateurs, Maître Jacques (10) ainsi que le Père Soubise (11), et les autres prétendant avoir été fondés par Salomon. À partir de ce moment, il serait né deux compagnonnages différents : les Devo(i)rants ou compagnons du Devoir (12), enfants de Maître Jacques et du Père Soubise, et les Gavots (13), enfants de Salomon, qui deviendront le Devoir de Liberté (14) après la Révolution de 1789. Après avoir présenté de manière brève le Compagnonnage, nous proposons ici de nous intéresser à un de ses principaux représentants au XIXe siècle. Il s’agit d’Agricol Perdiguier.
Agricol Perdiguier. (15)
Agricol Perdiguier (1805-1875), est un compagnon Gavot répondant au nom (16) d’Avignonnais la Vertu. Il exerce le métier de menuisier, près d’Avignon, à Morières-lès-Avignon (Vaucluse). Il est né le lendemain de la bataille d’Austerlitz, le 3 décembre 1805.
C’est à l’âge de treize ans, que son père le force à prendre sa suite et à devenir menuisier. Un de ses frères aura un destin différent, ce qui favorisa l’entrée du jeune Agricol dans le milieu ouvrier (17).
L’aîné, Simon, parti se battre en Espagne derrière Soult, a été pris par les Anglais et expédié aux Amériques dans un convoi de prisonniers. Il n’en revient qu’au bout de onze ans et, comme il a le choix, préfère travailler la terre plutôt que le bois.
Agricol, rejoint la société des compagnons du Devoir de Liberté et débute son tour de France en 1824 (18). C’est lors de son séjour dans la préfecture de l’Eure-et-Loir (19) qu’il s’interroge sur le sens des divisions internes existantes dans le Compagnonnage et sur les moyens idoines pour les résoudre.
Etant parti d’Avignon en 1824, ayant passé par Marseille, Montpellier, Bordeaux, Nantes, etc., je résidais à Chartres en 1826, j’avais alors vingt-ans, et, quoique jeune, les animosités, les guerres du Compagnonnage, ne souriaient point à ma faible raison.
© Carte du premier tour de France d'Agricol Perdiguier. Infographie Jean-Michel Mathonière, D.R.
En 1831, il se retrouve sans travail et se rend à Nogent-le-Roi pour en trouver. En 1839, paraît Le Livre du Compagnonnage. Dans cet ouvrage (20) il révèle pour la première fois, au plus grand nombre (21), l’histoire, les légendes, les moeurs, les rites et les coutumes des compagnonnages. Il cherche aussi à unir les compagnons qui s’affrontent et sont divisés. Cet ouvrage est un succès.
Les idées de Perdiguier séduisent les auteurs proches des milieux républicains comme Lamartine, Hugo, Flora Tristan, Arago, Béranger, Lamenais, ou d’autres comme Chateaubriand (22).
En 1848, éclate une nouvelle révolution. Il est élu avec le soutien de Béranger, Sand (23), et Lamartine, en tant que représentant du peuple en Vaucluse et à Paris à l’Assemblée constituante.
Il opte pour Paris, siège à la Montagne et est réélu à l’Assemblée législative en 1849. Républicain de conviction, il s’oppose au coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851. Il est arrêté et emprisonné. Contraint à l’exil, il se rend en Belgique (Anvers) puis en Suisse (Genève). De retour en France en 1857, il ouvre pour subvenir aux besoins de sa famille (24), une boutique mi-librairie, mi-débit de boisson à Paris, rue Traversière. En 1871, il devient adjoint au maire du XIIe arrondissement de Paris. Il réussit par ses écrits (qu’il édite) à faire prendre conscience aux compagnons de l’inutilité et de la futilité de leurs affrontements. Cela aura pour principal mérite de les raréfier, puis de les faire cesser (25). Il échoue dans son objectif principal d’union des différents compagnonnages en une seule et même société. Isolé, il se trouve dans un état proche de l’indigence. Il décède des suites d’une congestion cérébrale, le 26 mars 1875 (26).
Agricol Perdiguier vers 1875, un peu avant son décès.
Les Mémoires d’un Compagnon.
Vers la fin de son exil politique, Perdiguier publie à Genève, chez l’éditeur Duchamp, en 1855, Les Mémoires d’un Compagnon (deux volumes) (27).
Le récit de sa vie offre un témoignage intéressant sur l’histoire du Compagnonnage au XIXe siècle. Il permet aussi d’en savoir plus sur le travail, le mode de vie, le quotidien, des ouvriers de cette époque. Au moment de sa parution, le succès de cet ouvrage est encore plus important que celui du Livre du Compagnonnage.
Dans l’édition originale, le passage de Perdiguier dans le département de l’Eure-et-Loir est évoqué de la page numéro trente à la page numéro quatre-vingt (28). Cet extrait écrit plus de vingt ans après les faits, offre un point de vue intéressant sur le département de l’Eure-et-Loir et ses habitants au temps de la Restauration.
Le séjour de Perdiguier à Chartres, bien que bref (29), est important dans sa formation. C’est dans cette ville qu’il devient compagnon fini (30).
Perdiguier est considéré comme le premier historien du Compagnonnage français (31). Il est également reconnu comme étant le pacificateur et le régénérateur du Compagnonnage. Certains compagnons voient en lui un saint homme, un apôtre.
Nous précisons que des lacunes sont présentes dans son œuvre (32). Nous annotons (33) des termes du vocabulaire compagnonnique afin d’en faciliter la compréhension pour les lecteurs. Les notes de bas de page, présentes dans cet article, sont propres à cette édition.
Extraits des Mémoires d’un Compagnon (1855) portant sur le passage d’Agricol Perdiguier en Eure-et-Loir (1826-1827).
Après être passé par Nantes où il a connu des soucis de santé, Perdiguier se rend à Chartres, comme il l’avait prévu (34).
Nous avons traversé des villes, des villages, vu les toits en chaume après les toits d’ardoises ; nous avons dépassé la Ferté-Bernard, Nogent-le-Rotrou ; nous apercevons au loin deux grandes flèches qui fendent le ciel, qui caressent les nuages, qui attirent, qui fascinent nos regards ; ce sont les tours de la cathédrale de Chartres, c’est Chartres, chef-lieu du département d’Eure-et-Loir, pays des anciens Carnutes, si riche en blé. Nous y voilà.
Dans ses souvenirs il offre aussi une description de la ville et de ses habitants.
Je me reposai une quinzaine de jours. Pendant ce temps je pus contempler, admirer la cathédrale (35), le plus riche, le plus grand, le plus sublime des monuments que j’eusse vu jusque-là, et que je décrirais volontiers si j’avais tout un volume à lui consacrer.
Chartres est une petite ville (36) avec des montées, des descentes ; aussi plusieurs de ses rues prennent-elles le nom de Tertre, qui leur convient si bien : elles ne sont point praticables pour les voitures. A part la cathédrale, il n’y a aucun monument qui puisse fixer l’attention.
Ses maisons sont d’une grande simplicité, bâties en pans de bois, en lattes, en plâtras, sans pierres de taille. La ville est ceinte de petits murs ; elle a sept portes, comme Avignon ; la seule remarquable est la porte Guillaume. Vient ensuite la porte St-Michel. Ses boulevards sont agréables. L’air qu’on y respire est des plus purs. La population est peu passionnée (37) ; elle est honnête et laborieuse.
À son arrivée à Chartres, il loge chez une mère (38).
Le jour de mon arrivée à Chartres il m’arriva malheur, comme on va le voir. Nous habitions tout près de la porte St-Michel, chez la mère Choupart (39). C’était le samedi. Il faisait le plus beau temps du monde. Sur le soir Marseillais-Francœur et deux autres compagnons m’invitent à sortir avec eux. Nous nous éloignons, nous avançons dans la campagne, du côté du Coudray (40). Nous marchions tout doucement, comme des gens qui se promènent, qui respirent avec bonheur l’air embaumé des champs.
Convalescent, faible comme je l’étais, un rien me fatiguait. J’avais les lèvres desséchées. J’entre dans une vigne (41) ; je cueille une grappe d’une dixaine de grains tout au plus ; et j’en sors en la mangeant, sans prendre aucun soin de me cacher.
Voilà qu’un garde-champêtre arrive. « A l’amende ! à l’amende ! s’écria-t-il. – Comment, Monsieur, vous me mettriez à l’amende pour si peu de chose ? et encore, c’est par besoin que je l’ai pris. Je suis convalescent ; j’avais soif. » Le garde n’entend pas ce langage ; il se met en fureur ; il veut cinquante centimes ou me conduire à la mairie. « Comment cinquante centimes pour dix grains de raisin ! »
Sa fureur augmente, il agite sa hallebarde, il gesticule ; il pousse enfin l’insolence si loin que l’un de mes camarades, Marseillais-Francœur, du nom de Fantin, en est outré : il lui arrache son arme des mains, et menace de lui en faire tâter s’il ne s’en va au plus vite.
Le garde s’apaise, sa lance lui est rendue, et il nous laisse en paix. Mais à coup sûr il nous suivit de loin, il nous moucharda.
Suite à cet incident, il est contraint de se présenter deux jours plus tard, à la mairie, pour rendre compte de son acte.
Me voilà donc devant le premier magistrat de la ville (42), et, par surcroit, devant le garde-champêtre, qui dressait mon acte d’accusation. « J’avais, disait-il, pris un raisin ; j’avais voulu lui percer le ventre avec sa hallebarde ; de plus, la veille, dans une assemblée ou fête villageoise, j’avais dit en le montrant du doigt à des gens de très-mauvaise mine : « Le voilà ce coquin de messier. »
Le maire me regarde en me disant : « Qu’avez-vous à répondre ? »
« Monsieur, lui dis-je, il est vrai que je suis entré dans une vigne, que j’ai pris un grapillon d’une dixaine de grains pour me rafraîchir les lèvres ; je sors d’une forte maladie, il est facile de s’en apercevoir à mon visage ; je me sentais mal à mon aise. Mais quand il ose dire que je lui ai arraché sa lance, que j’ai voulu le tuer, il ment. – J’ai des témoins. – Impossible, ils ne pourraient être que de faux témoins ; je ne vous ai point menacé.
Quand il ose avancer que je l’ai traité de coquin de messier, il fait encore un mensonge. Je viens d’apprendre à l’instant même et par ses propres paroles, qu’il s’appelle messier. Comment pourrais-je l’avoir appelé hier coquin de messier, puisque j’ignorais complètement alors que messier était son nom. »
Le maire sourit. J’avais pris le nom d’une fonction publique, car messier veut dire garde champêtre, pour un nom de famille. Cette naïveté prouva mon innocence mieux que n’eût pu le faire le plus éloquent plaidoyer.
« Vous pouvez vous retirer, » me dit le magistrat d’un air affable. Il dit au messier : « restez. » Sa figure avait pris de la sévérité. Il est probable qu’il s’était aperçu de la fausseté, de la méchanceté de l’énergumène, et qu’il lui donna une bonne semonce.
Comme tout compagnon qui arrive dans une nouvelle étape de son tour de France, il est placé par les membres de sa société chez un employeur.
Je m’étais reposé pendant deux semaines, mes forces revenaient, mais bien doucement. Les compagnons, dans la pensée de hâter mon rétablissement, décident de m’envoyer travailler à Nogent-le-Roi (43), charmant village entre Maintenon et Dreux, à six lieues de Chartres, chez M. Casting, qu’on appelait Nantais-le-Bourreau-des-Dévorants, surnom dont il était très-fier et sous lequel il était devenu célèbre.
Ce n’était pas là un nom de compagnon, décerné en cérémonie et dans toutes les règles, vu qu’il n avait jamais été qu’affilié (44), mais un nom de guerre (45) qu’il tenait de la renommée, on ne sait comment, et sous lequel chacun prit l’habitude de le désigner.
Ma malle (46) fut remise au messager, et je partis à pied par un beau temps.
J’arrive à Maintenon, dont le château, dont l’aqueduc porté par une longue suite d’arcades, avaient de loin frappé mes regards.
À son arrivée, il est bien accueilli.
J’arrive chez M. Casting, Bourreau-des-Dévorants. J’étais gavot ; il n’eut pas la pensée de me faire un mauvais parti, au contraire : il m’accueillit avec cordialité. J’eus pour camarades d’atelier un nommé Pierre Mallanfant, qui de garçon de ferme était devenu menuisier, et retourna plus tard à ses chevaux, et un nommé Loiseau, tous deux du département d’Eure-et-Loir. J’étais nourri, couché chez le patron. Il avait deux toutes petites filles et un jeune garçon aussi (47). Le père Briaut, charpentier du pays, camarade de M. Casting, avec lequel il allait souvent boire chopine, ayant su que j’avais des plans d’escaliers, me pria de donner des leçons à son fils ainé, qui pouvait être de mon âge.
Je refusai obstinément. Je ne me sentais pas assez savant pour oser me faire professeur de trait (48).
Je devais revoir plus tard ces braves gens et leur donner satisfaction. Le fils Briaut, ayant alors succédé à son père dans la conduite des travaux, devint de mes élèves. Il savait déjà faire les escaliers droits ; il apprit de moi à faire les escaliers tournants (49).
Il reçoit la visite de deux autres compagnons venus d’Angoulême. Ces hommes ont été attaqués lors d’une rixe et se sont défendus.
L’un d’eux avait un compas (50) auquel il manquait une pointe, il l’avait laissée dans la cuisse d’un assaillant. Telles étaient les mœurs d’alors.
Ces compagnons font étape à Nogent-le-Roi, avant de se rendre sur Paris.
Ces deux compagnons étrangers (51), La-Violette et La-Liberté, couchèrent à Nogent-le-Roi. Le lendemain je leur fis la conduite (52) au-delà de Coulombs (53), jusqu’au haut de la montée d’un chemin de traverse qui conduit à Épernon.
Son séjour à Nogent-le-Roi est des plus brefs. Rappelé par les compagnons de sa société, il se rend à nouveau à Chartres, où il ne manque pas de travail.
Il y avait deux mois que j’étais à Nogent-le-Roi, quand les compagnons m’écrivirent pour me faire retourner à Chartres, où l’on avait besoin de mes services. Je me rendis à leur appel. Ils m’embauchèrent chez M. Luton (54), dans la basse-ville, près de la porte Guillaume. Nous avions en face de nous la mère des compagnons tanneurs, où nous allions chaque matin manger du pain gros comme une noix et boire une petite goutte d’eau-de-vie. Ils n’étaient pas méchants ; nos ennemis ; nous n’en reçumes jamais aucune insulte. Il y eut pourtant un peu plus tard, quelques affaires entre menuisiers et tanneurs, mais elles furent, heureusement, de peu de durée.
Mes camarades d’atelier étaient Bordelais-le-Corinthien (Bonnal), Vivarais-la-Bonne-Conduite (Bravais), L’Angevin-la-Liberté et quelques autres. M. Luton, suivant la coutume du pays, nous nourrissait, nous couchait. Nous étions bien chez lui.
Dans l’évocation de ses souvenirs en Eure-et-Loir, nous en apprenons beaucoup sur le mode de vie et les traditions compagnonniques.
Le jour de la Ste-Anne (55), les compagnons donnaient un bal, et ils faisaient danser patrons et patronnes ; le lendemain, les maîtres donnaient bal à leur tour, et rendaient plaisirs pour plaisirs, joies pour joies. Les entrepreneurs de travaux nourrissaient leurs ouvriers ; on s’asseyait tous à la même table, on mangeait le même pain, on buvait le même vin ; et, à de certains jours, il y avait festin : on était de la même famille.
Je me rappelle qu’à Montpellier, lorsque les jours furent devenus trop courts et qu’il fallut les allonger soir et matin par la clarté des chandelles, M. Pradoura commença par nous payer le PATÉ DE VEILLE. C’était un bon dîner, couronné d’un PATÉ, que le chant venait égayer.
A Bordeaux, M. Moulonguet, chez lequel nous étions aux pièces (56) et non nourris, ne nous invita pas à prendre place à sa table, mais il donna trois francs à chacun de ses ouvriers, en leur disant à tous : « Allez faire un dîner en commun pour inaugurer les veillées. »
A Chartres, l’usage du pâté de veille était encore général, et à cette occasion, il y avait fraternisation entre maîtres et ouvriers. Parmi les vieilles choses, il y en avait véritablement de bien bonnes.
Bon ouvrier, il est encouragé par ses semblables à prendre des responsabilités plus importantes dans sa société. Il devient compagnon fini.
En plus d’évoquer ses heures de travail, il parle aussi de ses heures de loisirs (57).
A ce moment, il n’y avait à Chartres aucun maître de dessin. Les compagnons ne pouvaient, après leur journée, travailler encore quelques heures pour s’instruire dans l’architecture et le trait. Comme eux tous, j’étais forcé de me négliger. Savez-vous ce que je fis pour employer mes loisirs du soir ? Devinez ! J’appris à danser. Je n’étais pas un philosophe morose ; je voulais bien que la pensée et l’action, que le grave et le gai fussent un peu mêlés, marchassent un peu de compagnie.
Après être resté près de cinq mois dans l’atelier de M. Luton, il est placé chez un nouveau maître, nommé M. Vercasson (58). Ce dernier habite également à Chartres.
Perdiguier assiste à des rites et à des cérémonies compagnonniques. Il les décrit de manière détaillée.
J’avais vu faire à Avignon une conduite en règle (59) dans tous ses détails ; je vis faire, à Chartres, une autre conduite de même nature. Ces cérémonies, on ne les prodigue pas : elles commencent même à passer de mode… Les mœurs anciennes cèdent peu à peu le pas aux mœurs nouvelles, ne se manifestent qu’à de longs intervalles, ou subissent des modifications qui les harmonisent avec les choses de nos jours et leur donnent ainsi une seconde vie. Nous nous mettons en mouvement. Le premier compagnon, le partant, le rouleur (60) marchent en tête. Celui-ci porte sur son épaule, au bout d’un jonc, le paquet de celui-là
Tous les compagnons, cannes (61) en mains, rubans (62) bleus et blancs attachés au côté gauche, flottant, serpentant, livrés à l’empire des zéphyrs, suivent sur deux rangs et forment une longue colonne. Les affiliés font suite et complètent le cortége.
Dans une corbeille soutenue par deux compagnons ou deux affiliés, on porte des verres et des bouteilles pleines de vin, dans une autre du pain et du fromage. Au-dessus d’une serviette blanche qui recouvre les aliments, brillent une équerre et un compas entrelacés, symbole, attribut, insignes du compagnonnage. Tout marche au pas, en cadence, avec ordre, régularité. Un compagnon entonne un chant de départ : à la fin de chaque couplet, au refrain, les voix de tous les compagnons, de tous les affiliés, se joignent à la voix du coryphée, et le chœur le plus imposant frappe les échos, résonne dans l’espace…
On arrive au-delà de Lèves (63) ; on tourne à gauche ; on entre dans un champ : les compagnons, les affiliés se forment en cercle ; les cannes sont plantées en terre. Il y a une sorte de collation, de communion, si je puis m’exprimer ainsi, des trinquements, des guilbrettes (64), des embrassades fraternelles. Le partant s’éloigne. Ses camarades l’appellent en vain. Il avance fièrement sans se détourner : il est lancé sur la route du tour de France. La conduite revient en ville en bon ordre.
Autrefois il y avait des conduites en règle précédées de tambours, de musique.
De grands honneurs étaient dus aux premiers compagnons, aux capitaines (65), aux dignitaires, aux élus de la Société qui s’éloignaient d’une ville où ils avaient dignement rempli leur mission. Toutes ces choses étaient belles, mais coûteuses ; on a simplifié, et l’on a sagement fait.
Je vis à Chartres d’autres cérémonies dont je pourrais donner ici la description ; mais comme j’en fus encore témoin dans d’autres lieux, j’en parlerai plus loin et plus à propos.
Le XIXe siècle est aussi marqué par les rixes (66) entre compagnons de métiers, de rites différents. Il en rapporte un nombre assez élevé dans les villes qu’il traverse.
Dans le commencement de 1825, il y eut une lutte à Nantes, entre les Gavots et les Forgerons : un de ces derniers fut tué.
Dans la même année, à Bordeaux, il y eut une lutte entre les Forgerons et les Sociétaires (67). Un de ces derniers, jeune enfant de La Beauce, partant pour aller revoir son pays et sa famille, et que ses co-associés accompagnaient sur la route de Bordeaux à Paris, fut tué. C’était un dimanche de Fête-Dieu, j’allais, par hasard, me promener seul de ce côté, et je rencontrais sur le milieu du pont son cadavre sanglant, rapporté en ville, par plusieurs de ses confrères, sur un brancard improvisé avec des branches d’arbres.
Je ne parlerai pas de mes impressions, chacun pourra bien les comprendre.
Dans un cabaret de Chartres, avec d’autres Gavots, il va être insulté en chansons (68) par des compagnons tanneurs du Devoir :
« Si jamais Provençaux
Dans mon pays j’attrape,
Je lui casserai les os
Et sa maudite carcasse.
De la peau de son ventre
J’en ferai un tambour,
Pour appeler les diables
Qui viennent à son secours. »
Cette humiliation va l’inciter à prendre la plume, pour composer des chants non pas guerriers, mais pacifiques. Il écrit : « Je voulais, sur ce point capital, faire autrement que mes prédécesseurs. »
Lors de son séjour dans la préfecture de l’Eure-et-Loir, il va lutter dans un pré contre un autre ouvrier.
Je n’aimais pas entendre les vantards, les fanfarons : je me retournais contre eux. Voici l’une de mes campagnes de jeune homme :
J’étais chez la mère, debout sur le pas de la porte donnant sur le boulevard ; je regardais passer les Chartrains et Chartraines endimanchés. Se trouvait à mon côté, droit comme moi, le gros l’Angevin, gaillard solidement constitué et parlant d’abondance. Il déclamait contre les gens du Midi, d’où étaient la plupart des compagnons qui composaient notre Société dans cette ville. Et pourquoi déclamait-il de la sorte ? Je vais le dire.
L’Angevin avait voulu être reçu compagnon. On l’avait refusé. Non pas qu’il fût mauvais ouvrier, bien loin de là, il était habile travailleur ; mais il avait quelques dettes. A ce sujet les compagnons lui firent des observations, lui conseillèrent de satisfaire ceux à qui il devait, et de se présenter de nouveau un peu plus tard… On pourrait alors lui faire un meilleur accueil. L’Angevin n’était pas satisfait de la réponse. Ce refus, bien qu’il ne fût pas absolu, lui pesait sur le cœur. De là sa dent contre les compagnons, contre les méridionaux.
Et que disait-il ? Qu’il battrait lui tout seul quatre hommes du Midi, qu’il en jouerait à la paume, qu’il les ferait danser sur sa main, tourner sur son pouce, et autres choses semblables.
Il me fatiguait les oreilles depuis un quart-d’heure, il m’impatientait. « L’Angevin, je lui dis, je ne crois pas ce que vous avancez. Je suis des plus faibles de ceux du Midi auxquels vous faites allusion, je ne pense pas que vous soyez capable de me faire sauter sur votre main. – Vous ne me pèseriez pas quatre onces (69) ; je vous mettrais à cheval sur mon pouce, et je vous ferais tourner comme une toupie. – Le croyez-vous ? – C’est sûr. – J’en veux une preuve. – Je suis prêt à vous la donner. – Eh bien ! allons dans le pré, là-bas, et voyons qui, sans y mettre de la colère, renversera son adversaire sur le dos. Que le vaincu soit tenu de payer une bouteille de vin. – Ça me va ! mais vous ne tiendrez pas une seconde. – Soit.
L’altercation entre les deux hommes ne connaît pas de suite fâcheuse. Ils s’empoignent, sans se violenter trop fortement. L’Angevin est mis à terre à plusieurs reprises par Perdiguier. Ce dernier dans la lutte voit son pantalon des dimanches lui être arraché. Les deux hommes se réconcilient quelques jours plus tard.
Perdiguier parle également des bons rapports, et des moins bons, qu’il entretient avec ses patrons. Ici il évoque son deuxième employeur à Chartres, M. Vercasson (70).
Puisque je me confesse, qu’il me soit permis de confesser un peu les autres, parlons de M. Vercasson.
M. Vercasson était un brave homme, sa femme tout ce qu’on pouvait voir de plus doux, de plus humain. J’étais bien dans leur maison ; la nourriture, le lit, tout était convenable. Cependant maîtres et compagnons ont des intérêts opposés, et de là naissent parfois des contestations, des brouilles.
M. Vercasson avait beaucoup de croisées, de persiennes, de portes à faire. Contre l’usage de la ville, il lui plut de nous mettre aux pièces. Nous fûmes d’accord sur le prix du pied courant des ouvrages ainsi que sur la retenue qui devait nous être faite pour la nourriture et le coucher.
Nous nous mîmes à travailler avec intrépidité. Qu’en résulta-t-il ? Qu’au lieu de gagner, outre la table et le lit, 1 fr. 30 cent. par jour, nous gagnâmes de 2 fr. à 2 fr. 50 c. M. Vercasson ouvrit de grands yeux, se repentit de nous avoir donné à travailler aux pièces, et nous remit à la journée, comme par le passé.
M. Vercasson, brave homme du reste, était un peu taquin, et quelquefois il ne riait que du bout des dents ; je vais le prouver.
Un matin il nous dit, à Vivarais-le-Cœur-Content et à moi : « Venez, allons à la campagne. » Nous lui obéissons. Il nous mène dans une église à deux lieues de Chartres, où il y avait des travaux de pose et des réparations à faire. A neuf heures il nous dit : « Venez, allons déjeûner. » Il marche en tête ; nous après.
Nous voilà attablés dans un cabaret. On nous apporte à manger et un litre de vin. Notre repas était presque achevé, et notre bouteille presque vide. M. Vercasson tend son verre en me regardant ; je comprends son langage ; je lui verse à boire. J’en fais autant pour Vivarais. La bouteille reste à sec ; plus rien pour moi. La mastication allait tout de travers ; mes mâchoires n’avaient plus d’action, étaient fatiguées ; je ne pouvais venir à bout d’avaler mon dernier morceau. Et M. Vercasson restait muet ; il ne prenait aucune pitié de mon triste sort. Cette exclamation m’échappe : « J’étouffe ! » Je fus entendu. « Apportez un litre ! » crie le patron tout aussitôt. La bouteille arrive ; il la prend en main, verse à grands flots dans mon verre en me disant : « Tenez ! tenez ! n’étouffez pas ! » A peine avais-je vidé mon verre, et il m’excitait vivement, qu’il versait de nouveau en répétant : « Tenez ! tenez ! n’étouffez pas ! » Il ne pouvait me laisser en repos, il tenait constamment le goulot de la bouteille appuyé sur le bord de mon verre, disant toujours : « Tenez ! tenez ! n’étouffez pas ! » si bien que je bus, à moi tout seul, les trois-quarts du second litre. Ainsi il me punit, le cruel ! du mot inoffensif qui m’était échappé sans aucune malice… J’en devins… tout gai. N’avais-je pas raison d’accuser la taquinerie de M. Vercasson ? Cette scène était comique, et nous fit rire pendant et après.
Les saisons passent. Perdiguier qui se trouve loin de sa région natale, relate ses loisirs, sa vie sentimentale.
Chartres, l’hiver surtout, n’a, pour l’ouvrier, de refuge, de lieu de distraction que le cabaret. Il y a un théâtre (71) ; pas de troupe. Des acteurs de passage donnèrent quelques représentations.
Je vis jouer le Mariage de raison, de M. Scribe (72), et Oreste ou les Rêveries renouvelées des Grecs de Favard (73). Le vaudeville me fit réfléchir sans convaincre mon cœur ; pourtant je crois qu’il a raison. La parodie me fit beaucoup rire.
L’été nous étions plus heureux.
Alors que la nature se renouvelle, que la campagne reverdit, que les fleurs émaillent les plaines, les coteaux, les vallons, que les oiseaux voltigent de branche en branche et font entendre leurs doux concerts, alors les assemblées, les fêtes champêtres recommencent et les champs sont infiniment préférables aux villes. Nous les suivions, ces fêtes, nous nous y amusions ; pour ma part j’y goûtais du bonheur ; bonheur bien grand ! bonheur extrême !… et pourtant incomplet ! Le cœur désirait au-delà…
Mais je ne pouvais me livrer aux femmes perdues que je n’aimais pas, je ne voulais point tromper la jeune Sophie (74), cette amie si douce, si tendre, et la pousser dans la misère, dans le déshonneur pour prix de son amour (75).
Il assiste aux événements qui ont lieu en Eure-et-Loir. Cela le marque profondément. Il plonge également le lecteur dans la vie et les faits quotidiens de sa société compagnonnique.
Pendant mon séjour à Chartres, un INCENDIE terrible éclata au Coudrai. C’était un dimanche. La population s’y porta en foule et montra de la bonne volonté, du courage. Pour ma part je travaillai de mon mieux. Mais, le brave des braves, ce fut un muet.
Il courait sur les maisons construites avec du bois, de la paille, de la terre, de la boue : il jetait bas le chaume allumé : il luttait contre les flammes. Je ne vis jamais tant d’intrépidité.
Cet homme devait périr au milieu des sinistres, victime de son audace, de son dévoûment, honoré de ses compatriotes. L’Evêque (76) arriva. Il jeta quelques gouttes d’eau bénite, pria, et les flammes s’éteignirent, non pas tout-à-coup… mais bientôt après, – et quand ? quand ? quand elles eurent tout dévoré, quand elles manquèrent d’aliment, quand soixante-dix maisons eurent disparu, quand le village eut été réduit en cendres.
Ce fut alors, alors seulement, que le miracle éclata et vint tout sauver.
O Monseigneur de Chartres ! si votre puissance était si grande, si vous le saviez, que ne veniez-vous plus tôt ?
Vous eussiez sauvé bien des richesses, séché bien des pleurs, consolé bien des affligés, et Dieu ne fut point intervenu en pure perte : votre miracle eut été un utile miracle. Mais éteindre le feu lorsque tout est brûlé, à quoi bon ?
A Marseille, à Montpellier, à Cette, j’avais entendu les Crieurs de nuit, qui parcouraient les rues. A Chartres, un soir à onze heures, me trouvant dehors et seul, dans les ténèbres, j’entendis une sorte de hurlement formidable, dont je fus surpris et effrayé : c’était l’homme de la tour de la cathédrale, dominant la campagne et la ville, qui criait à tous les vents l’heure et le temps. Un seul crieur suffit et se fait entendre, grâce à son énorme porte-voix, de tous les habitants de Chartres et de la banlieue.
Dans le dernier mois de mon séjour dans cette ville, un compagnon reçu eut querelle avec un compagnon fini. Celui-ci porta sa plainte devant la Société. Il y eut une sorte de PROCÈS, jugé par les compagnons, suivant l’habitude. Le compagnon reçu avait tort, mais son tort était sans importance ; et il méritait, tout au plus une simple réprimande. Mais il avait déplu, il y avait contre lui des antipathies, et il fut chargé outre mesure. On rappela tout son passé ; on réunit une foule de petits faits, de petits griefs : on composa du tout un délit punissable. Languedoc-l’Aimable-Cœur et moi nous défendîmes l’accusé avec force ; nous prouvions de notre mieux que, si tous les faits rappelés n’avaient pu attirer sur cet homme la moindre poursuite, un fait de plus de la même nature ne pouvait constituer un grave délit et lui mériter punition.
Nous perdîmes notre procès ; le compagnon reçu fut condamné à 6 francs d’amende et à une interdiction de trois mois des assemblées de la Société.
Ayant parfait ses connaissances en Eure-et-Loir, comme tout compagnon, il doit reprendre son voyage afin de poursuivre et de conclure son tour de France. Ces projets de départ vont être quelque peu perturbés.
Au moment où je me préparais à partir de Chartres, j’appris que M. Casting, mon patron de Nogent-le-Roi, s’était battu contre des devoirants, et qu’il venait d’être emprisonné. Sa femme vint me trouver et me demanda pour aller diriger leur atelier pendant la détention du mari, qui devait être jugé quelques jours plus tard. Je lui répondis : « Cela dérange mes projets. Je suis au moment de mon départ ; je voudrais ne pas avoir à changer de résolution : néanmoins, si la condamnation est rigoureuse, j’irai ; mais si elle ne l’est pas, et que d’autre part vos pratiques veuillent bien patienter un peu, dispensez-moi, j’en serai heureux. » M. Casting fut condamne à un mois de prison ; ses pratiques eurent égard à sa position, et se montrèrent bien disposées en sa faveur. On put se passer de moi. Mon départ fut arrêté pour le dimanche 2 septembre 1827.
Mais la veille au matin, deux compagnons traversaient une vigne en courant ; et l’un d’eux, se heurtant du pied contre une souche, endommagea un raisin.
Le garde-champêtre les poursuivit, les atteignit, et voulut les arrêter ou leur faire payer l’amende. Il trouva de la résistance. Il insista, il menaça, il violenta. Les deux compagnons se défendirent, et se sauvèrent ensuite.
Cette affaire leur parut dangereuse : ils allèrent immédiatement prendre leurs passe-ports (77) à la mairie, afin de partir dès le soir même pour Paris… Je me dirigeais du même côté. Je devais partir le dimanche dans la soirée ; à leur occasion j’avançai mon voyage d’un jour.
Une assemblée générale étant convoquée pour le premier dimanche du mois, elle devait aussi servir pour les formalités relatives à un partant. Mais, vu l’incident, il fallut faire en sorte de se réunir le samedi soir à la hâte, et une assemblée expresse (78) fut commandée.
Chacun s’y rendit avec empressement. Au moment de monter en salle nous apprenons que la mère, non avertie assez tôt, a mis coucher un étranger dans le local ordinaire de nos séances.
On ne voulut pas troubler le sommeil de cet homme. Il fallut donc, au lieu de nous réunir au premier étage, aller au second, dans une espèce de grenier, où se trouvaient des cordes tendues, du linge à sécher ; pièce très-incommode. Bien nous en prit !...
A peine avait-on levé les acquits auprès de la mère et de la Société, rempli toutes les formalités d’usage en pareil cas, que nous entendons un bruit qui nous met en émoi. C’étaient les gendarmes qui venaient chercher mes deux camarades… Ceux-ci se dépêchent de monter sur une soupente, de se coucher à plat ventre, de se rendre invisibles le plus qu’ils peuvent. Personne ne soufflait…
Nous entendions la mère qui disait : « Ils sont partis. » Les gendarmes ne se fiant point à ses paroles, car une mère de compagnons ne trahit pas ses enfants, montèrent au premier, dans la salle d’assemblée : ils virent dans une petite alcôve un homme qui dormait. Ils descendirent, et crurent, décidément, que nous n’étions plus là. Ils se dirigèrent d’un autre côté.
Il fallait profiter de leur éloignement. On se donne rendez-vous à l’extrémité de Lèves, faubourg de Chartres, sur la route de Paris.
On part, on se disperse ; qui passe par le boulevard de droite, qui passe par celui de gauche : moi et trois ou quatre autres nous prenons par la grande rue, au centre de la ville, dite, je crois (79), rue du Commerce. Un ami portait mon paquet sur son épaule. Voilà qu’un gendarme m’arrête, et me demande mon passe-port. Je le lui présente. Il me dit après l’avoir examiné : « Ce n’est pas vous que nous cherchons, mais quelqu’un que vous connaissez et qui probablement est votre camarade de route. » Je puis m’éloigner. Je presse ma marche. J’arrive au-delà de Lèves, au pied d’une pente douce, lieu du rendez-vous. J’y trouve quelques compagnons. Bientôt j’en vois arriver d’autres à travers les champs, débouchant de divers côtés. En un moment, nous sommes réunis au nombre de trente.
Pour suivre mes amis, j’avais précipité mon départ, et je n’avais pas eu le temps d’aller au roulage (80) emprunter sur ma malle, propriété aliénable du compagnon, la petite somme dont j’avais besoin. J’étais donc pauvre comme Job, et pourtant j’étais encore un Crésus auprès de mes deux camarades de route, Bagnol-la-Palme-de-la-Gloire et Caderousse-la-Clef-des-Cœurs, qui n’avaient pas dix sous en leurs bourses réunies.
Les compagnons, comprenant notre détresse, fouillent dans leurs poches, et chacun d’en tirer ce qu’il y trouve et de nous l’offrir avec contentement. Nous voilà riches, et plus qu’il ne le fallait pour arriver au terme de notre voyage. Languedoc-l’Aimable-Cœur m’avait mis 5 fr. dans la main. J’eus la faiblesse de les lui renvoyer de Paris, quelques jours après. Il s’en formalisa ; son amitié en fut offensée, et je compris ma faute.
Nous nous embrassons comme des frères, et de bons frères : vingt-sept compagnons retournent à Chartres ; trois leur tournent le dos et vont du côté opposé.
Agricol Perdiguier réussit à semer les forces de l’ordre, non sans mal. Il marche durant trente-six heures, sans interruption, et effectue la distance de vingt-deux lieues. Il passe par Maintenon, Épernon, Rambouillet, Saint-Cyr, Versailles, puis arrive à Paris. Son tour de France prend un terme une année plus tard, en 1828.
CONCLUSION.
Les Mémoires de Perdiguier s’inscrivent dans une tradition littéraire et historique propre aux compagnons. Une fois le tour de France achevé, beaucoup d’entre eux vont relater les souvenirs de ce moment de formation inoubliable (81).
Il s’agit aussi d’un des écrits les plus représentatifs de la littérature ouvrière du XIXe siècle, au même titre que les Mémoires de Léonard, ancien garçon maçon de Martin Nadaud. Ce témoignage s’inscrit également dans l’histoire littéraire de l’Eure-et-Loir, sur lequel ont écrits d’autres figures historiques qui n’étaient pas originaires de ce département et qui y ont séjournés, comme Chateaubriand, Proust, Jean Moulin.
L’extrait des Mémoires d’un Compagnon portant sur l’Eure-et-Loir est typique. En effectuant son tour de France, Perdiguier dépeint les mœurs des habitants des villes traversées, relate son histoire et la leur.
Nous constatons qu’il est impressionné par la richesse et la diversité du patrimoine bâti du département (cathédrale de Chartres, château et aqueduc de Maintenon).
Ce passage en Eure-et-Loir de près d’une année (1826-1827) est important dans sa formation, pour l’histoire sociale en général et pour l’histoire du Compagnonnage en particulier. À partir de ses écrits, nous savons qu’il devient compagnon fini à Chartres. Il s’y interroge sur les moyens à mettre en application pour diminuer les rixes entre compagnons, rixes qui durent depuis plusieurs siècles. Enfin c’est à Chartres, qu’il va débuter son entreprise de régénération du Compagnonnage, en composant des chansons pacifiques, des appels à la fraternité.
Cette entreprise sera un succès, une dizaine d’années après la première édition du Livre du Compagnonnage en 1839. À partir de 1850, il n’y a quasiment plus d’affrontements entre compagnons.
Portrait de Perdiguier vers 1857, au moment de la troisième édition du Livre du Compagnonnage.
Le séjour d’Agricol Perduiguier (82) à Chartres et en Eure-et-Loir a déjà été évoqué, mais brièvement, et dans le cas d’études sur des sujets plus généralistes. Cela est certainement dû au fait qu’il n’est pas originaire de ce département et n’y a résidé que près d’une année. Son témoignage, son action, sa personne, méritent d’êtres réhabiliter dans l’historiographie eurélienne et chartraine.
Perdiguier est un homme de condition sociale modeste. Ses propos ne sont pas dépourvus de sens. En son temps, il a écrit pour parfaire l’amélioration morale, intellectuelle, humaine, des compagnons et des ouvriers.
À l’occasion du bicentenaire de sa naissance, en 2005, Jean-Michel Mathonière, a ainsi synthétisé son œuvre (83).
Tout ceci étant dit, que serait le paysage compagnonnique français et son histoire sans Perdiguier ? Merci Agricol de nous avoir fait aimer le monde compagnonnique, dans sa grandeur comme dans ses faiblesses. Merci Perdiguier de nous irriter parfois et de nous faire nous poser mille et une questions.
NOTES
1. Historien, spécialiste des compagnons tailleurs de pierre, auteur de plusieurs ouvrages, il est le fondateur de l’association La Nef de Salomon | Centre d’étude des compagnonnages (Avignon). Il anime un site internet www.compagnonnage.info ainsi qu’un blog contenant l’actualité de ses recherches et des recherches sur les compagnonnages www.compagnons.info.
2. Historien, spécialiste des compagnonnages, conservateur du Musée du Compagnonnage de Tours, il est l’auteur de plusieurs ouvrages. Il organise tous les ans des conférences publiées sous formes d’articles dans la revue du Musée du Compagnonnage de Tours, Fragments d’Histoire du Compagnonnage (14 volumes édités depuis 1998). Cette revue qui traite de sujets divers sur les compagnonnages, constitue l’historiographie contemporaine la plus aboutie sur le sujet.
3. Le Compagnonnage se divise en plusieurs sociétés et associations. De nos jours les trois groupements compagnonniques les plus connus sont l’Union Compagnonnique des Devoirs Unis (fondé en 1889 par Lucien Blanc) l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France (fondé en 1941 par Jean Bernard), la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment (fondé à Tours en 1952).
4. http://www.museecompagnonnage.fr/compagnonnage-esprit-associations.html
5. Laurent BASTARD « Rites et symboles des compagnons : une construction permanente », in Fragments d’histoire du Compagnonnage, cycle de conférences 2011, vol.14, 2012, p. 185.
6. Depuis l’année 2010, le Compagnonnage français est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'UNESCO, comme « réseau de transmission des savoirs et des identités par le métier ». Cela permet aux compagnons du tour de France d’accéder à la reconnaissance mondiale quant à l’originalité de leurs méthodes de transmissions des savoirs. Il existe aussi des formes de compagnonnages dans d’autres pays comme en Allemagne, ou dans d’autres cultures comme chez les musulmans (futuwwa). Ces formes de compagnonnages ont des fondateurs, des cérémonies, des rites, des coutumes, qui différent de leurs homologues français.
7. Salomon est un des célèbres rois mentionnés dans la Bible (Ancien Testament). Il est considéré par les compagnons, comme le plus ancien des trois fondateurs du Compagnonnage, les autres étant Maître Jacques et le Père Soubise.
8. Le Compagnonnage serait né à la fin de l’époque médiévale ou au début de l’époque moderne (XVe-XVIe siècle). Les premières mentions du Compagnonnage dans les archives judiciaires ont été signalées dans celles de Dijon, au XVe siècle. Se référer à Pierre LABAL, « Notes sur les compagnons migrateurs et les sociétés de compagnons à Dijon à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle », in Annales de Bourgogne, tome XXII, Juillet-Septembre 1950, p. 187-193. Lors de la construction de la cathédrale de Chartres au XIIIe siècle sont présents différents corps de métiers. Ils vont donner à Notre-Dame une grande partie de ses vitraux. Ces corps de métiers sont représentés dans l’exercice de leur activité, dans les parties inférieures des vitraux. Dans le vitrail de la vie de St-Sylvestre (chœur de la cathédrale) sont figurés des tailleurs de pierre au travail. Le bandeau à décor de feuilles ou de fleurs que certains portent autour de la tête (notamment le maçon, au centre, qui édifie une cathédrale) pourrait être l’une des premières représentations des « couleurs fleuries » (rubans de tailles et de formes différentes portées à la tête, il s’agit d’un attribut compagnonnique de première importance) des compagnons passants tailleurs de pierre (compagnons du Devoir, enfants de Maître Jacques, ils sont également connus sous le sobriquet de Loups-Garoux et auraient été initiés d’après les traditions compagnonniques en 558 av. J.-C.).
9. Cette légende est rapportée par Perdiguier. Voir Agricol PERDIGUIER, Question vitale sur le Compagnonnage et la classe ouvrière, 1863, Paris. Ouvrage disponible sur le site internet de la BNF http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k27973r
10. Selon diverses versions compagnonniques il pourrait s’agir de Jacques de Molay ou d’un maître d’œuvre, un des premiers maîtres de Salomon et collègue d’Hiram. Hiram est mentionné dans la Bible au Livre des Rois comme l’architecte à qui Salomon confia la construction du temple.
11. Il s’agit probablement d’un moine puisqu’il est toujours figuré avec un costume monastique. Son origine reste controversée et mystérieuse.
12. Nom depuis l’époque médiévale, du rite de Maître Jacques, auquel fut toujours associé celui du Père Soubise. Le Devoir désigne aussi certaines cérémonies, spécialement la reconnaissance et des rites particuliers (d’où l’expression récurrente chez les compagnons « faire le Devoir »).
13. Nom donné aux menuisiers et serruriers du Devoir de Liberté. Ce terme s’orthographie également « Gaveau(x) ». Tire peut-être son origine d’un vocable languedocien appliqué aux habitants de Gap.
14. Rite qui aurait été fondé en 1804 par l’association de corps de métiers existant depuis longtemps et par suite d’une scission interne dans le Devoir de Maître Jacques.
15. Nous ne présentons que les grandes lignes de sa vie, pour en savoir plus se référer à Jean BRIQUET « Agricol Perdiguier dit Avignonnais la vertu (1805-1875), in Fragments d’histoire du Compagnonnage, Musée du Compagnonnage, Tours, cycle de conférences 1998, vol. 1, p. 75-89 et à Laurent BASTARD « Images de Perdiguier », in Fragments d’histoire du Compagnonnage, Musée du Compagnonnage, Tours, cycle de conférences 2006, vol. 8, p. 55-85.
16. Chaque ouvrier lorsqu’il devient compagnon reçoit un nom. D’une part, ce nom est composé d’un nom de la ville, région, province dont est originaire son porteur. D’autre part, il y est adjoint un autre élément qui traduit un trait d’esprit, de caractère, une qualité, de son porteur.
17. Pierre BARRET et Jean-Nöel GURGAND, Ils voyageaient la France, vie et traditions des compagnons du Tours de France au XIXe siècle, Hachette littérature, 1980, p. 16.
18. Le tour de France désigne le voyage qu’entreprend un ouvrier pour se perfectionner dans l’exercice de son métier. Le compagnon voyage durant plusieurs années (en moyenne de 5 à 8 ans), de ville en ville, trouve de l’embauche chez des patrons. Au XIXe siècle ce voyage initiatique et professionnel se pratique le plus souvent à pied, même si d’autres moyens de locomotion comme le bateau, la calèche, puis plus tard, le chemin de fer, sont aussi empruntés par les ouvriers.
19. Agricol PERDIGUIER, Le livre du Compagnonnage, édition Laffite Reprints, préface de Roger LECOTTÉ, Marseille, 1985, réimpression de l’édition de Paris, 1846-1861, p. 1. Cet ouvrage a été réédité (fac-similé de l’édition de 1841) en 2013, aux éditions Maxtor. Il est également gratuitement disponible (2 tomes, édition de 1857) sur le site Gallica de la BNF
20. Perdiguier est un autodidacte, un homme instruit. Pourtant, il rappelle au début des Mémoires, que durant son enfance, il bénéficia d’un enseignement médiocre pour une école payante. Il apprend le français à travers le latin. Au bout de trois ans il sait lire, écrire, calculer, mais sans avoir de bases solides, dans chacun de ces apprentissages. Il doit quitter l’école faute de moyens financiers suffisants de ses parents.
21. Pour avoir révélé les secrets du Compagnonnage aux profanes (non-compagnons), Perdiguier est surnommé le « Premier Bavard » par certains de ses semblables.
22. Les lettres de soutien que certains de ces auteurs portent à Perdiguier sont reproduites dans l’introduction du Livre du Compagnonnage (édition de 1841).
23. Voir la correspondance qu’il échange avec elle (lettres choisies et commentées), in Jean BRIQUET, Agricol Perdiguier. Correspondance inédite avec George Sand et ses amis, Klincksieck, Paris, 1966. Il lui sert aussi de modèle pour son roman, Le compagnon du tour de France (1840).
24. Perdiguier se marie à Paris en 1838, avec une couturière, Lise Marcel, la fille d’un petit patron charretier. De leur union naîtra quatre filles.
25. Dans les sources archivistiques publiques et les Mémoires de compagnons, les rixes ne sont quasiment plus attestées après 1848. À l’occasion de la Révolution, et de la proclamation de la Seconde République, dix mille compagnons se rassemblèrent le 10 avril, place des Vosges à Paris et se jurèrent une éternelle fraternité.
26. Depuis il repose au cimetière du Père-Lachaise (85 ème division, 2ème ligne, H, 13) devenu à l’occasion de chaque Toussaint, un lieu de réunions pour les compagnons des différentes associations. Voir sur le site internet du Centre de recherches sur la canne et le bâton : Laurent BASTARD, « Des cannes sur la tombe de Perdiguier », 02/06/2012. http://www.crcb.org/des-cannes-sur-la-tombe-de-perdiguier/.html.
27. Cet ouvrage n’a jamais été réédité du vivant de Perdiguier. Au XXe siècle, il est réédité en 1914, 1943, 1964, 1977. La dernière réédition est la suivante. Agricol PERDIGUIER, Mémoires d’un compagnon, préface de Maurice AGULHON, édition de l’Imprimerie nationale, Paris, 1992.
28. Le second volume des Mémoires comprend en tout 369 pages.
29. Perdiguier quitte Nantes, le 31 août 1826. Il arrive à Chartres peu de temps après (date non précisée), et part de cette ville pour Paris le 2 septembre 1827.
30. Troisième état du Compagnonnage qui suit la réception de l’affilié ou aspirant comme compagnon. Le compagnon ne peut pas être reçu et fini dans la même ville. Le terme de compagnon fini signifie que le compagnon est reconnu par les membres de sa société et participe à tous ses devoirs et obligations.
31. Jean-Michel MATHONIÈRE, « Agricol Perdiguier, premier historien du Compagnonnage français », in Provence historique, L'organisation du travail en Provence du Moyen Age au XIXe siècle, édition Fédération historique de Provence, Marseille, 2006, tome 56, p. 353-360. http://provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/n/2006/Pages/PH-2006-56-226_02.aspx.Cet article est également reproduit sur le site internet de son auteur. http://compagnonnage.info/blog/blogs/blog1.php/2011/01/22/agricol-perdiguier-premier-historien-du-compagnonnage-francais
32. Les recherches historiques contemporaines sur le Compagnonnage en font mention. Se référer à Laurent BASTARD et Jean-Michel MATHONIÈRE, Travail et Honneur : les Compagnons Passants tailleurs de pierre en Avignon aux XVIIIe et XIXe siècles, éditions La Nef de Salomon, Dieulefit, 1996.
33. Nous utilisons : les ouvrages de Perdiguier, des éléments présents sur le site internet du Musée du Compagnonnage de Tours www.museecompagnonnage.fr, et des études scientifiques sérieuses comme celle d’Émile COORNAERT, Les Compagnonnages en France du Moyen-âge à nos jours, Les éditions ouvrières, Paris, 1966 ; ou celle d’Étienne MARTIN-SAINT-LÉON, Le Compagnonnage, son histoire, ses coutumes, ses règlements et ses rites, éditions Jean-Cyrille Godefroy, Dijon, 2010, réimpression de l’édition de 1901.
34. Perdiguier tombe gravement malade à Nantes. Il est laissé sans soin par les membres de sa société, ce qui est contraire aux règles élémentaires du Compagnonnage. Il aurait pu se rendre à Tours où d’autres compagnons du Devoir de Liberté manquaient. Constatant l’indifférence des Gavots de Nantes sur sa condition et la suite de son tour de France, il décide de suivre sa première intention et de se rendre selon son souhait à Chartres.
35. Chef-d’œuvre de l’art gothique, Notre-Dame de Chartres est inscrite au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO depuis 1979.
36. Il n’existe pas d’exemplaires de l’Annuaire d’Eure-et-Loir pour l’année 1826. Dans celui de l’année 1827, conservé dans les fonds des archives départementales d’Eure-et-Loir, nous apprenons que la population de Chartres était alors de 13 809 habitants (p. 20). Il est donc normal que Perdiguier décrive ainsi la ville, lui qui est passé auparavant dans des localités plus étendues (Marseille, Montpellier, Bordeaux, Nantes, etc.)
37. Ici cela signifie que la population de Chartres est calme, et peu encline aux troubles et à la révolte. Perdiguier dépeint les populations des villes du sud de la France comme plus fiévreuses. Durant son enfance à Avignon, il a été choqué par la Terreur-blanche de 1815.
38. La mère désigne le lieu (maison, auberge, cabaret), dans lequel sont logés des compagnons d’une même société. Par extension le terme de mère désigne également une femme qui est responsable du lieu où vivent les compagnons.
39. Sur le site internet des archives départementales de l’Eure-et-Loir, http://www.archives28.fr/article.php?larub=1&titre=archives-en-ligne sont reproduites à partir de 1836 les listes de recensements quinquennaux. Pour Chartres ces documents commencent en 1818, puis 1822. Dans le registre de 1822 à Chartres, section A à C, intra-muros (AD 28, 6 Mi 24, p. 300), nous trouvons la présence d’un Louis Choupart, cabaretier, né le 12 juillet 1787, et de Honorée Bouilly (épouse Choupart, née en 1792, il s’agit de la mère dont parle Perdiguier). Ils ont 3 enfants. Louis né en 1817, Adélaïde née en 1820, Charles né en 1821. Ils sont bien domiciliés près de la porte St-Michel, à Chartres, au n°19 du vieux Marché au blé ou de la volaille, actuellement rue de la Volaille.
40. Commune à 3 Km au sud-est de Chartres. En 1827, sa population est de 669 habitants (Annuaire d’Eure-et-Loir, p. 26)
41. La culture de la vigne était importante en Eure-et-Loir. Nous savons que dans l’arrondissement de Chartres, il y avait 2524 Ha de vignes, et 5792 Ha de vignes dans le département (Ibid., p. 2-3). En 1827, le revenu de ces vignes, était de 94601 francs pour l’ensemble du département. Cela représente le deuxième revenu le plus conséquent, derrière les terres labourables. L’industrialisation et la venue du chemin de fer sont à l’origine de son déclin. Pour en savoir plus, se référer à l’étude de Jean-Jacques FRANÇOIS, Au temps des vignes et des vignerons du Pays chartrain, 840-1920, Mainvilliers, 2003, 3 volumes.
42. Le maire de Chartres, auquel est présenté Perdiguier est Nicolas-Pierre-Dominique Billard. Pour en savoir plus sur les maires de Chartres, voir Roger JOLY, « Petite histoire des maires de Chartres depuis 1789 », in Bulletin des Sociétés archéologiques d’Eure-et-Loir, n°24, 1er trimestre 1967.
43. Nogent-le-Roi est situé à 25 Km au nord-est de Chartres. À ce moment sa population est de 1242 habitants (Annuaire, d’Eure-et-Loir, p. 30). Pendant la Révolution de 1789, cette commune prend le nom de Nogent-le-Roulebois, nom de l’affluent de l’Eure (le Roulebois) dont les sabotiers et charrons (métiers compagnonnisés), se servent pour le transport du bois.
44. L’affilié est le terme compagnonnique, chez les Gavots, qui désigne l’ouvrier qui intègre le Compagnonnage et dont le nom est inscrit sur le registre d’une société. Perdiguier rappelle dans Le Livre du Compagnonnage, op.cit., (première partie, fêtes patronales, p. 64), que « Dans les sociétés des Compagnons de Devoir de liberté, Compagnons et Affiliés sont aux mêmes tables, et mêlés autant que possible. » Chez les compagnons du Devoir, le terme d’affilié est remplacé par celui d’aspirant.
45. Les rixes existent déjà dans le Compagnonnage, sous l’Ancien Régime. L’intervention des autorités est fréquente, et les archives publiques en font mention, comme une ordonnance du lieutenant-général Nicole, en date du 25 septembre 1755 (archives municipales de Chartres, J 3-2, fol. 24-25), voir Maurice JUSSELIN, « Police du Compagnonnage à Chartres en 1755 », in Beauce et Perche, histoire locale, n°6, février 1962, p. 15-16. Au XIXe siècle, les rixes reprennent entre des sociétés qui se considèrent comme ennemies. Des compagnons vont alors prendre des noms guerriers, symboles de fierté, d’identités belliqueuses et viriles.
46. Contient tous les effets personnels des compagnons, dont leurs outils.
47. Dans l’état de recensements de la population de Nogent-le-Roi pour l’année 1836 (AD 28, 6 Mi 80, p. 4), nous trouvons la mention d’un Pierre Louis Castaing (et non Casting comme l’écrit Perdiguier), menuisier, âgé de 50 ans. Son adresse n’est pas précisée. Il a une femme, un fils, Pierre, âgé de 21 ans et une fille, Louise, âgée de 12 ans. Perdiguier mentionne pour 1826, que le menuisier Casting à des filles en bas âge, et un jeune garçon. Pierre avait 11 ans et Louise 2 ans. La confrontation de ces observations nous prouve qu’il s’agit bien des gens dont Perdiguier parle dans ses Mémoires.
48. Science et art pour désigner la technique de dessin propre aux compagnons. Elle est utilisée par les tailleurs de pierre, les charpentiers, les menuisiers, etc.
49. Agricol Perdiguier réalisa une maquette d’escalier en noyer, à dessous coulissant, lorsqu’il suivit des cours de trait à Bordeaux en 1825. Elle est exposée au Musée du Compagnonnage de Tours.
50. Le compas est un outil répandu dans le Compagnonnage, nous le trouvons chez les charpentiers, menuisiers, sabotiers, tailleurs de pierre, maréchaux, tonneliers, bourreliers, cordonniers, vitriers, chapeliers, etc. Leurs formes et tailles sont diverses. Un compas de charpentier peut mesurer plus de 80 cm de hauteur. Ces outils sont souvent en bois, ou entièrement en acier, avec des pointes en acier. Il s’agit donc d’une arme redoutable, qui doit occasionner des blessures conséquentes. Lors des rixes tous types d’armes sont utilisés offensivement et défensivement (cannes, bâtons, outils, pierres, poings, pieds, etc.).
51. Compagnons tailleurs de pierre, enfants de Salomon (compagnons du Devoir de Liberté). Perdiguier rapporte dans Le Livre du Compagnonnage, op.cit., (édition de 1841, première partie, Enfants de Maître Jacques, tailleurs de pierre, p. 37) que ces qualificatifs de passants et étrangers viennent du fait que les tailleurs de pierre travaillant à la construction du temple de Salomon n’étaient pas originaire de Judée, mais de Tyr et de ses environs. Ces tailleurs de pierre étaient donc étrangers dans Jérusalem et passant car ils ne prétendaient pas y rester. Toutefois, comme nous le précise Laurent Bastard, cette explication de Perdiguier n’est pas fondée sur le plan historique. Le terme « étranger » renvoie plutôt à une immigration d’ouvriers tailleurs de pierre des pays germaniques au XVIIe ou au XVIIIe siècle, ou bien au fait qu’ils étaient « étrangers » au Devoir de leurs rivaux, les compagnons passants tailleurs de pierre (compagnons du Devoir).
52. Il s’agit de l’accompagnement de compagnons quittant la ville. L’effectif des participants et la complexité du rituel varient en fonction de l’importance de la ville et de la qualité des partants.
53. Commune situé sur la rive droite de l’Eure, à 1 Km au nord de Nogent-le-Roi. Épernon, commune limitrophe du département des Yvelines, est situé à une dizaine de kilomètres de Nogent-le-Roi.
54. Dans l’état de recensement de la population de Chartres de 1822, p. 291, nous trouvons la mention de Pierre Luton, menuisier né le 14 juillet 1764, domicilié avec son épouse, au n°36 de la rue des Bouchers, à Chartres.
55. La Sainte-Anne (28 juillet) est la fête patronale des menuisiers. Chaque corps de métiers dans le Compagnonnage reconnaît un saint-patron. Par exemple Joseph est célébré par les charpentiers (19 mars) car il exerçait cette profession. Le jour de la fête patronale est le jour au cours duquel les ouvriers rendent hommage à leur saint. Ce jour est celui de la fraternité et de l’amitié. Souvent une messe est célébrée et un cortège des compagnons traverse la ville. Pour en savoir plus sur ce point se référer à Laurent BASTARD « Les Saints patrons des métiers du Compagnonnage », in Fragments d’histoire du Compagnonnage, Musée du Compagnonnage, Tours, cycle de conférences 2003, vol. 6, p. 7-59.
56. « Mettre aux pièces ». Signifie que l’ouvrier est payé en fonction des ouvrages (pièces) qu’il réalise. D’autres maîtres payaient les compagnons avec une rétribution journalière fixe.
57. Les compagnons ont peu d’heures de repos. Perdiguier le rappelle dans ses Mémoires, lors de son passage à Chartres (édition de 1855, volume II, p. 45) : « Le matin à l’établi à cinq heures précises, le soir n’en sortant qu’à huit heures sonnées, et cela, six jours de la semaine, l’hiver, l’été, et toujours ! et toujours ! Le septième était notre jour de repos, de récréation. ».
58. Dans l’état de recensement de la population de Chartres (1822), p. 26, nous trouvons la mention de Louis Vercasson, menuisier, né en 1788. Il a une épouse et deux fils, Louis, né en mars 1820 et Auguste, né en novembre 1822. Ils sont tous domiciliés au n° 4 de la rue de la Foulerie, à Chartres. En outre vivent avec eux des compagnons menuisiers.
59. La conduite dite « en règle » se fait en tenue d’apparat avec haut de formes, cannes, couleurs. Comme toutes les autres conduites elle se déroule aux sorties d’une ville.
60. Compagnon chargé pour un temps déterminé (une à deux semaines) de l’accueil et de l’embauche des arrivants et du levage d’acquit (formalité précédent le départ d’un compagnon de chez un maître, pour savoir s’ils ne se doivent rien) et de la conduite des partants. Il est aussi chargé des convocations d’assemblées, d’accompagner les malades à l’hôpital, etc.
61. La canne est un attribut compagnonnique important. Tout ouvrier qui devient « compagnon reçu » achète une canne (elle est chère). Ces cannes sont souvent conçues en jonc, matériel souple et résistant. La canne et le bâton sont souvent employés par les compagnons lors des rixes. En 2011, pendant nos recherches aux archives départementales de l’Indre-et-Loire, au moment de la réalisation de notre mémoire de master II d’histoire contemporaine, portant sur les rixes entre compagnons dans l’arrondissement de Tours au XIXe siècle (1804-1848), nous trouvons la mention de l’usage d’un bâton à deux bouts (AD 37, 1 M 190). Voir sur le site internet du Centre de recherche sur la canne et le bâton : Laurent BASTARD, « Le bâton à deux bouts interdit aux compagnons de Tours en 1806 », 19/03/2012. http://www.crcb.org/le-baton-a-deux-bouts-interdit-aux-compagnons-de-tours-en-1806/.html.
62. Couleurs spécifiques des menuisiers et serruriers du Devoir de Liberté (Gavots). « Il faut considérer les couleurs d’une Société comme le drapeau d’une nation. », Le Livre du Compagnonnage, op.cit., première partie, Rubans ou couleurs, p. 60-61.
63. Commune à 3 Km au nord de Chartres. En 1827, sa population est de 1004 habitants (Annuaire d’Eure-et-Loir, p. 27).
64. Gestes rituels et solennels (accolades) pratiqués entre compagnons d’une même société à l’occasion d’une cérémonie (départ, réception, enterrement, etc.).
65. Nom donné dans certains corps de métiers au chef d’une société locale.
66. Le Livre du Compagnonnage, op.cit., première partie, p. 77.
67. Il s’agit d’ouvriers membres de sociétés dissidentes ou parallèles au Compagnonnage. Ils n’ont pas de fondateur mythique comme Jacques, Soubise ou Salomon. Les sociétaires sont par exemples présents chez les cordonniers à partir de 1811. Dans cette profession ils sont issus d’une scission entre aspirants et compagnons. Il en existe aussi chez les boulangers à partir de 1820. Pour ce métier il s’agit de réfractaires ou de dissidents aux associations de boulangers se disant compagnons du Devoir. Par ailleurs, les boulangers et les cordonniers sont souvent les victimes d’agressions lors des rixes, car ils ont emprunté au début du XIXe siècle, le modèle compagnonnique (le Compagnonnage est le principal organe de défense des ouvriers jusqu’à l’autorisation des syndicats par la loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884). Cela leur vaut la haine implacable des autres professions intégrées au Compagnonnage.
68. Les chansons font partie de la culture compagnonnique. Les ouvriers y chantent leurs peines, leurs joies, leurs fondateurs, etc. Elles ont une importance considérable pendant les cérémonies. En cette période d’apogée des rixes sur le tour de France, les chants se font guerriers, ils constituent des provocations, des insultes, des moqueries, des appels au combat. Perdiguier et d’autres compagnons comme Jean-François Piron, dit Vendôme la clef des Cœurs, entameront un processus de régénération du Compagnonnage en composant des chants pacifiques et fraternels.
69. Unité de masse de faible valeur. Une once équivaut à 28 grammes.
70. Peu de temps après, Perdiguier se bat avec ce maître qui a tenu des propos insultants contre les méridionaux. Il lève son acquit, quitte l’atelier, et rejoint celui d’un nouveau maître, M. Charon, aussi domicilié à Chartres. Dans l’état de recensement de la population de Chartres (1822), p. 270, nous trouvons la mention de Germain Charron, ébéniste, né le 3 août 1789, domicilié au n° 10 de la rue de la Clouterie à Chartres. Hormis le nom de famille de cet individu, rien ne nous permet d’affirmer qu’il s’agit bien du troisième employeur de Perdiguier à Chartres. Toutefois des compagnons menuisiers vivent aussi dans la rue de la Clouterie, et le métier d’ébéniste est aussi intégré dans le Compagnonnage. Nous pouvons supposer pour ces raisons, que Perdiguier qui était menuisier a pu être employé chez cet ébéniste. Dans ses Mémoires Perdiguier précise que bien des années après cet incident regrettable, il est devenu ami avec M. Vercasson et qu’ils se sont revus à plusieurs reprises. Dans les fonds d’archives publiques, nous attestons l’existence d’affrontements entre patrons et compagnons. Le plus souvent ces conflits portent sur la revendication de la hausse des salaires, la réduction de la journée du travail, le départ d’un compagnon vers une société non-compagnonnique. Lorsqu’ils se brouillaient avec un maître, les compagnons interdisaient à tout ouvrier, même aux non-compagnons, de travailler dans son atelier. Cela se nomme la « mise en interdit ». Pour un compagnon, travailler dans un atelier « mis en interdit », est un motif d’exclusion du Compagnonnage, et parfois de rixes. Si des compagnons se sont brouillés avec plusieurs maîtres, ils peuvent mettre une ville entière en « interdit ». Cela a le fâcheux inconvénient de priver les maîtres d’une main d’œuvre qualifiée. Cela peut aussi réduire à néant l’économie locale. Par exemple en 1768-1769, la ville entière de Dijon est mise en interdit par les compagnons menuisiers suite à la diminution du vin servi à leurs repas.
71. Cet établissement est tenu par Pichon et Jousse (Annuaire d’Eure-et-Loir, p. 177).
72. Eugène Scribe (1791-1861), auteur dramatique. Il collabore avec le danseur et maître de ballet, Jean-Pierre Aumer (1774-1833), sur un ballet narratif, chef-d’œuvre romantique, La Somnambule (1827). Ce type de production chorégraphique est très à la mode sous la Restauration. Le ballet narratif est plébiscité par le public des boulevards et de l’Opéra. Après la Révolution de 1789, beaucoup de salles privées émergent, et plusieurs se composent de danseurs et de comédiens.
73. Charles-Simon Favard (1710-1792). Directeur de l’Opéra Comique (1758), il est l’auteur de livrets, de comédies, de vaudevilles. Son patronyme s’orthographie aussi sous cette forme « Favart ».
74. Perdiguier n’a connu qu’un amour platonique avec cette jeune femme. Il s’oppose aux compagnons qui se marient sur le tour de France, profitent des femmes, les abandonnent et les laissent dans le plus grand dénuement. Il écrit à ce propos dans ses Mémoires, op.cit., p. 81. « Cependant je n’étais pas un scélérat, je n’emportais point de remords : je la laissais avec ses dix-sept ans et toute sa vertu. ». Sur l’énonciation de la sexualité dans les Mémoires de Perdiguier, nous renvoyons à l’étude de Nicolas ADELL-GOMBERT, « L’écriture de la sexualité », in CLIO. Histoire, femmes et sociétés, n°23, 2006, p. 293-309. http://clio.revues.org/1924.
75. Pour cette période nous trouvons dans le journal, Feuilles d’annonces du département d’Eure-et-Loir (AD 28 PER 3 art. 1826-1827) un nombre assez important de mariages de « compagnons » de divers métiers (tanneur, maçon, tonnelier, menuisier, tourneur, charron, serrurier, bottier, tuilier, etc.) avec des civiles dans la rubrique « état-civil de la commune de Chartres ». Cela mettait souvent un terme à leur formation. Les compagnons se mariaient et ouvraient un atelier ou une boutique à leur compte, ou demeuraient ouvriers sédentaires. On disait qu’ils « remerciaient la société » (des compagnons).
76. Annuaire d’Eure-et-Loir, 1827 p. 99. Il s’agit de Claude-Hypolite Clausel de Montals, évêque de Chartres.
77. Il s’agit du livret ouvrier. Il est instauré à partir du 12 avril 1803. Il est obligatoire pour les compagnons moyennant une somme de 75 centimes de francs. Il y est inscrit l’état civil, les noms des patrons successifs, les motifs d’embauche, etc. En cas de conflit l’employeur peut garder le livret de l’ouvrier qui se retrouve dans l’incapacité de trouver du travail. Le livret est visé par le maire ou la gendarmerie, après que l’ouvrier a mentionné dans quelle ville il se rend. Sans ce document, l’ouvrier peut être condamné pour vagabondage et six mois de prison. Le livret ouvrier sera aboli en 1890.
78. Il s’agit ici d’une assemblée forcée, réunion extraordinaire provoquée par un événement majeur.
79. Perdiguier a bonne mémoire. De nos jours, il existe toujours une rue du Commerce dans le centre de la ville de Lèves.
80. Signifie se rendre auprès du rouleur.
81. Se référer à la liste des Mémoires de compagnons présente sur le site internet du Musée du Compagnonnage de Tours, http://www.museecompagnonnage.fr/genealogie-memoires.html.
82. Il existe des contributions portant sur l’étude de métiers intégrés au Compagnonnage en Eure-et-Loir. Se référer à Maurice JUSSELIN, « Les peintres-verriers à Chartres au XVIe siècle » in Mémoires de la Société archéologique d’Eure-et-Loir, tome XVI, 1923-1936, p. 153-249 ; Michel SCHONN, Les potiers d’étain de Chartres, éditions Alphonse-Marré, Fontenay-sur-Conie, 1982. Charles MARCEL-ROBILLARD, dans Le Folklore de La Beauce (15 volumes, éditions G.-.P Maisonneuve & Larose), évoque à plusieurs reprises des métiers compagnonnisés. Dans le volume 4, « Forges et forgerons du Pays chartrain, suivi des souvenirs d’un maître-serrurier chartrain », il reproduit un contrat d’apprenti maréchal-ferrant (p. 19-20). Dans le volume 9, « Le Mobilier traditionnel. L’Équipement domestique » il traite de l’apprenti menuisier (p. 16-18). Dans le volume 10, « Le Costume traditionnel », il parle du métier de sabotier et des sabotiers de Jouy (à partir de la page 81). Dans le volume 11 « Du berceau à la tombe », est reproduit le certificat « de fin du tour de France », d’un certain « Bosseron-le-bien-aimé ». Ce document a été produit par les compagnons charrons du Devoir de la ville de Paris à la Sainte-Catherine (25 novembre) 1857. Il est commenté (p. 69-71) par l’historien chartrain, Henri Lizier, qui l’avait en sa possession. Dans le volume 12 « Le Folklore de la route », Robillard parle des compagnons (p. 46-49) et aborde en quelques lignes le passage de Perdiguier à Chartres.
83. Jean-Michel MATHONIÈRE, « Agricol Perdiguier, premier historien du Compagnonnage français », art.cit.
L'homme pense parce qu'il a une main. Anaxagore (500-428 av. J.-C.)