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Témoignage: "J'ai assisté au procès en appel de l'affaire Valentin" par Stéphane Krass

Publié le 02 décembre 2013 par Bigounours

Après avoir assisté en intégralité aux deux semaines du procès en appel de Stéphane Moitoiret et de sa compagne Noella Hego se déroulant à la cour d’assises du Rhône entre le mardi 12 novembre 2013 et le vendredi 22 novembre 2013, Stéphane Krass nous livre ses impressions. Précisons qu'il n'avait pas assisté au procès devant la cour d’assises de l’Ain en première instance.

Stéphane Moitoiret, âgé de 44 ans, a été condamné par la cour d’assises de l’Ain à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat du petit Valentin Crémault et Noella Hego, âgée de 53 ans, a été condamnée à une peine de 18 ans de réclusion criminelle pour complicité d’assassinat. Les deux accusés avaient interjeté appel dans le délai légal autorisé.

En novembre 2013, Stéphane Moitoiret comparait devant la cour d’assises du Rhône pour assassinat commis en 2008 sur mineur de moins de quinze ans accompagné d’actes de torture ou de barbarie et Noella Hego pour complicité d’assassinat avec les deux mêmes circonstances aggravantes que son concubin. Les deux accusés comparaissent également pour tentative d’arrestation, d’enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivi d’une libération avant le septième jour commise en 2006, à Latillé, dans le Poitou, sur un enfant qui, ironie du sort, s’appelait aussi Valentin. Une coïncidence ? Non pour la justice.

Tout d’abord, ce qui frappe en premier lieu est la physique des deux accusés, notamment celui de Stéphane Moitoiret. Dans le box des accusés, il est méconnaissable, il a énormément grossi au niveau du ventre et s’est rasé la barbe alors qu’au moment de son arrestation, il était beaucoup plus frêle et portait une barbe. Noella Hego a quant elle aussi beaucoup grossi par rapport à l’été 2008, moment où elle est placée en garde à vue par les enquêteurs. Le médecin qui suit Stéphane Moitoiret, le docteur Frédéric M, justifie cette prise de poids par deux causes majeures : les neuroleptiques qu’ingère l’accusé et le fait qu’il soit édenté , ce qui oblige Stéphane Moitoiret à avoir une alimentation calorifique. Quant à Noella Hego, il s’agit plus des médicaments qu’elle prend que de son alimentation.

Il convient de préciser que Stéphane Moitoiret est actuellement incarcéré à la maison d’arrêt de Corbas au Service Médico Psychiatrique Régional (SMPR) depuis 2011 alors que Noella Hego dépend de l’Unité Hospitalière Spécialement Aménagée (UHSA), bâtiment au sein d’un hôpital psychiatrique appelé le Vinatier, à Lyon, qui accueille les détenus souffrant de problèmes psychiatriques. On peut préciser que Stéphane Moitoiret a été hospitalisé en UHSA de juin 2010 à Janvier 2011.

Concernant les faits, il convient de rappeler succinctement que, dans la nuit du 28 au 29 juillet 2008, dans une petite commune de l’Ain, à Lagnieu (01), un enfant, âgé de 10 ans, Valentin Crémault, a été retrouvé mort dans une petite rue proche du domicile de ses parents. Il était au moment des faits sous la responsabilité de Michel P, voisin et en même temps ami de la mère de Valentin, Véronique Crémault. Le petit Valentin fait des va-et-vient seul sur son vélo entre le domicile de son voisin et l’extérieur proche. Vers vingt trois heures vingt cinq, le voisin, son fils et un ami, Philippe A, ne voyant plus Valentin revenir en vélo, partent à sa recherche, à pied, dans les rues de Lagnieu. C’est le fils du voisin, Grégory P qui découvre le corps de Valentin Crémault en sang dans une petite rue sans éclairage, le vélo de l’enfant projeté quelques mètres plus bas.

Rejoint par son père suite à des appels à haute voix, Grégory appelle les secours. La brigade de gendarmerie de Lagnieu ainsi que les Sapeurs Pompiers et le SMUR sont dépêchés sur place. Les gendarmes sont initialement envoyés sur un accident de la circulation. Puis, le médecin du SMUR rédige un certificat médical de décès dont la cause est des morsures d’un animal, type chien. L’enquête s’oriente donc dans un premier temps vers la recherche de personnes en possession d’un animal dangereux. Puis, deux nouveaux médecins établissent un deuxième et troisième certificat médical de décès concluant à un homicide sur l’enfant à la suite de l’autopsie du corps. Ce qui est certain, c’est que l’enfant a été tué volontairement et que sa mort n’est pas un accident. En témoignent les 44 coups de couteaux reçus et les dix plaies de défense sur le corps du petit Valentin.

Sur les vêtements de la victime, sont présentes des taches de sang appartenant à la fois à la victime mais aussi à un homme dont l’identification est inconnue au Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG). Il apparaît au cours de l’enquête que, quelque temps avant les faits, deux témoins ont croisé un individu au comportement suspect, il marchait vite, le regard hagard, dans le vide. De plus, une caméra du distributeur automatique de billets du Crédit Agricole de Leyment, village voisin de Lagnieu, a capté la silhouette d’un individu vers minuit trente minutes. Des traces de sang du petit Valentin et de ce même homme sont retrouvées sur une gouttière jouxtant un café poste du village. De plus, les gendarmes ont contrôlé deux individus étrangers au village quelque temps avant le drame et ont établi un rapport avec les identités du couple contrôlé.

Ils dressent un portrait robot du couple qui est diffusé dans la presse sur commission rogatoire du juge d’instruction G. Une patrouille de gendarmerie interpelle le couple en Ardèche, au Cheylard (07), alors qu’il dormait dans une cour intérieure pastorale, après avoir été reconnue par un passant. Les auditions des deux suspects sont délirantes. Ils sont tous deux dans un monde parallèle, « divin » expliqueront-ils aux enquêteurs. Ils sont en « pèlerinage, poursuivent une mission divine consistant à effectuer des obligations divines, un but humanitaire, sauver les gens dans le monde ». « Ils sont environ 300 000 sur Terre à faire cette mission, c’est sa Majesté (Noella Hego) qui donne les ordres à son Secrétaire (Stéphane Moitoiret) à accomplir ». Le lien de supériorité hiérarchique semble donc être pré établi.

L’ADN inconnu masculin retrouvé sur les vêtements de la victime appartient à Stéphane Moitoiret. Interrogé sur les faits, il nie et impute l’assassinat du petit Valentin à un clone, un démon, une force mystique, appelé « Belbar ». Noella Hego explique quant à elle que son concubin est parti le soir des faits mais qu’elle ne savait aucunement qu’il partait tuer un enfant.

Ce couple est hébergé le soir des faits à la cure paroissiale de Saint Sorlin en Bugey (01). Cette cure est perquisitionnée, les gendarmes y retrouvent des taches appartenant à Stéphane Moitoiret ainsi que des bougies. Sur les indications de Noella Hego, les gendarmes retrouvent à Chazey sur Ain (01) dans un bois longeant le Rhône un couteau et des étuis tachés de sang, sang appartenant à Stéphane Moitoiret.

Aucune certitude formelle ne se dégage au procès sur le point de savoir si ce couteau de type laguiole retrouvé est l’arme du crime. Les experts psychiatres divergent quant à la pathologie mentale de Stéphane Moitoiret uniquement. Concernant Noella Hego, les dix experts psychiatriques qui se penchent sur le dossier sont unanimes : Noella Hego souffre d’une pathologie mentale rare : la paraphrénie. Pour Stéphane Moitoiret, un premier collège de trois experts a des conclusions opposées, deux d’entre eux, le docteur Agnès P et Serge B, expliquent que l’accusé est aussi atteinte de paraphrénie alors que le troisième expert, Paul B, explique que l’accusé est atteint de schizophrénie. Les conséquences sont dramatiques : en effet, dans le cas d’une paraphrénie, les experts concluent à une altération du discernement au moment des faits alors que, dans le cas d’une schizophrénie, il y a abolition du discernement au moment des faits. Or, l’article 122-1 du Code pénal dispose qu’en cas d’altération du discernement au moment des faits, il y a responsabilité impliquant un procès pénal avec une sanction pénale et une condamnation alors que dans le cas il y a irresponsabilité, ce qui signifie que l’accusé doit être interné en hôpital psychiatrique.

Tout le débat de ces 15 jours d’audience repose sur les rapports des expertises. A l’audience, Stéphane Moitoiret est très prolixe au début du procès. Lorsqu’on lui demande de s’expliquer sur ses croyances religieuses, il part dans un délire où il est très difficile pour le président de l’arrêter. Il explique que ce procès est mieux que celui de Bourg en Bresse car il est en meilleure santé. « Au premier procès, je ne parlais même pas avec mes avocats, j’étais pas bien, je me sens un peu plus frais aujourd’hui » expliquera-t-il.

Lorsque, au contraire, la cour aborde les questions qui dérangent à savoir les faits, l’accusé ne s’est plus quoi dire hormis : « je ne pense pas, je ne sais pas, peut être, c’est possible mais dans une vie antérieure ». Noella Hego s’exprime relativement bien et part parfois dans des délires comme son concubin. Il y a du délire dans ce dossier et même les gens normaux arrivent presque à délirer. On peut noter que Stéphane Moitoiret prend systématiquement la défense de Noella Hego, il ne comprend pas ce qu’elle fait là.

Noella Hego semble donner une version plutôt plausible des faits et d’une éventuelle explication. Le problème de ce dossier est que tout repose sur les déclarations de Noella Hego qui, on le rappelle, souffre quand même de paraphrénie. Faut-il accorder une totale importance à ces déclarations ? Visiblement, oui pour le parquet. L’accusé ne peut pas se défendre face à l’évidence et il le reconnaît : « je sais que j’ai tout contre moi dans ce procès, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise, je vais me prendre perpét et puis c’est tout ». Toutefois, il reste dans une « logique » de négation des faits. « Ce n’est pas moi, ce n’est pas moi, je ne suis pas responsable de çà » sera son leitmotiv tout au cours de l’audience.

Concernant Noella Hego, sa culpabilité repose uniquement sur l’ordre ou la provocation qu’elle aurait donné à son compagnon le soir du drame afin que puisse être reconnue la complicité par instigation. Il s’avère au fil de l’audience que cet ordre ou cette provocation ne semble pas avoir existé. Tout le monde s’accorde à le dire même Stéphane Moitoiret, sauf les avocats des parties civiles et l’avocat général. Plusieurs hypothèses sont envisageables pour expliquer ce crime atroce : Noella Hego dit que Stéphane Moitoiret a tué Valentin Crémault car ils se sont disputés le soir du drame. De plus, elle voulait se séparer de son concubin depuis environ un mois avant les faits, et Stéphane Moitoiret n’était pas d’accord avec cette décision. La mort de Valentin serait donc une « vengeance » pour Noella Hego car, comme elle aime les enfants, Stéphane Moitoiret a « voulu lui faire mal » en tuant ce que sa concubine aime par-dessus tout.

Stéphane Moitoiret aurait donc tué le premier enfant qu’il croise par vengeance. D’autres expliquent que Stéphane Moitoiret aurait eu peur de l’enfant, caractéristique du schizophrène, et qu’il a voulu se défendre de lui. D’autres expliquent que, comme l’enfant s’appelle Valentin et qu’en 2006, le couple a tenté d’enlever, puis acheter un enfant portant le même prénom, Stéphane Moitoiret l’aurait tué par colère. C’est à chacun de se faire sa propre opinion.

Pour notre part, ce crime n’est en rien prémédité, il y a certes meurtre mais pas assassinat pour plusieurs raisons : la probabilité de trouver ce soir là un enfant qui s’appelle Valentin est minime. De plus, lorsque Stéphane Moitoiret quitte la cure de St Sorlin, rien n’indique qu’il part pour tuer. C’est donc pour nous le hasard qui aboutit à cette rencontre dramatique. Ensuite, sur le point de savoir si Stéphane Moitoiret est conscient au moment des faits ou complètement fou, sans aucun doute, nous optons pour l’altération du discernement. Stéphane Moitoiret part le soir du drame dans un état de colère immense, il risque de perdre sa « Majesté », il s’est disputée avec elle, elle veut le quitter, il emmène avec lui la carte d’identité de sa compagne (les cartes d’identité ont pour eux une grande valeur), il croise d’abord deux femmes (il aurait très bien pu les tuer elles), il croise un enfant (nous pensons qu’il ignore son prénom) et là, il tente de l’enlever comme en 2006, sauf que l’enfant se débat.

Stéphane Moitoiret expulse sa colère à de nombreuses reprises sur l’enfant. Puis, il quitte les lieux, prend soin de ne pas reprendre le même chemin qu’à l’aller, nettoie son couteau dans l’eau, se fait prendre par le système de vidéosurveillance d’un établissement bancaire et rentre avouer son crime à Noella Hego. Puis, il se lave, emballe ses vêtements sales dans des sacs poubelles et les jette le lendemain dans un bois. Pour nous, tout est conscient dans ce crime atroce. Certes, l’accusé présente une pathologie mentale indiscutable mais son discernement n’est pas aboli pour nous au moment des faits, il conserve une part de lucidité importance en tout point du déroulement des faits. Nous pensons qu’il sait très bien ce qu’il fait. Après, il est possible également de comprendre l’autre thèse mais elle fait moins appel à de la rationalité et plus à la folie de l’être humain. La cour d’assisses opte aussi pour la thèse de l’altération puisqu’elle n’envoie pas Stéphane Moitoiret en hôpital psychiatrique mais bien en prison pour 30 ans avec une peine de sûreté de 20 ans. La préméditation n’est pas retenue.

Par conséquent, Stéphane Moitoiret est condamnée à la peine maximale pour l’infraction de meurtre. Noella Hego est acquittée de complicité d’assassinat, la cour d’assisses a estimé à juste titre qu’elle n’a donné aucun ordre ou provocation à Stéphane Moitoiret qui a agi seul. En revanche, elle est condamnée à une peine de 5 ans d’emprisonnement ferme dont un an avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans pour tentative d’enlèvement d’un enfant en 2006. La durée de la détention provisoire couvre cette peine, ce qui mathématiquement, engendre la libération de Noella Hego. Noella Hego est aussi condamnée à des peines complémentaires, à savoir l’interdiction d’entrer en contact avec Stéphane Moitoiret, l’interdiction de paraître dans l’Ain, la Vienne, la Haute Vienne, et l’interdiction d’être en contact avec des mineurs dans le cadre professionnel. Véronique Crémault très stressée avant le verdict semble soulagée que Stéphane Moitoiret soit incarcéré et non interné. Quant à la situation de Noella Hego, Maître Gilbert Collard, l’avocat de Madame Crémault, dira que dans l’ensemble il est satisfait du verdict.

Stéphane Krass


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