Dernière fenêtre sur l’aurore par David Coulon

J’ai toujours été intéressé par les personnages en situation de « rupture mentale ». Peut-être est-ce dû à ma formation de psychologue ? C’est possible. Mais je pense aussi que c’est là l’essence même du roman noir. Comment un homme (ou une femme), tout à fait normal, tout à fait comme vous et moi, verse-t-il tout à coup dans l’horreur, le crime, la folie ? Prenez un individu lambda. Métier : flic, à la brigade des mineurs. Confrontez-le toute la journée, tous les jours, aux récits d’enfants et d’ados abusés, meurtris. Comment réagit un cerveau « normal » ? Prend-il de la distance ? Est-ce normal de prendre de la distance ? Ou ingère-t-il ces discours, sans pouvoir les digérer, jusqu’à ce que ces horreurs, fassent partie intégrante de son cerveau ?

C’est l’histoire de Dernière fenêtre sur l’aurore. C’est l’histoire de ce flic, Bernard Longbey, qui n’arrive pas à mettre de la distance. Car il ne peut pas. Car la normalité (l’anormalité ?), ce n’est pas de laisser faire la justice, car laisser faire la justice, c’est, justement, « laisser faire ». Lorsque ces récits terribles d’enfants abusés et meurtris restent gravés dans votre cerveau, que devient votre vie de couple ? Que devient votre vie sexuelle ? Que devient votre vie ?

J’ai voulu dépeindre, dans Dernière fenêtre sur l’aurore, la lente descente aux enfers de ce flic qui, persuadé de faire le bien, deviendra le Mal absolu. J’ai voulu dépeindre cette lente descente aux enfers dans un contexte social où il n’y a plus aucune rédemption possible. Je ne me suis rien interdit pendant l’écriture, aucun tabou mental, social. Le roman est, je pense, cru et dur, mais la rupture mentale l’est aussi. Un personnage dit, à un moment donné, « les hommes sont hantés ». J’ai tenté décrire ce mécanisme de possession. Mais qu’on se le dise. Aucun exorcisme n’est possible.