Belfond, encore et toujours...

Par Filou49 @blog_bazart
02 décembre 2013

  Un mois après mon premier article sur des chroniques autour des dernières parutions de Belfond, voilà que je remets le couvert en vous parlant de trois nouveaux livres que les éditions Belfond Etranger m'ont généreusement envoyées depuis la rentrée littéraire. 

Des livres qui touchent tous trois par l'audace de leurs sujets, et l'ambition de leurs auteurs, et des livres que Michel et moi avons eu la chance de découvrir et bien sûr d'apprécier comme il se doit :

1. La liste de Freud; Goce Smilevski :

  Voilà un roman dont le sujet est explosif, et sur lequel les savants et experts historiques se sont longuement querellés, certains jugeant que le point de départ du livre est totalement faux et que l'image donnée par l'immense psychanalyste Sigmund Freud pas épargnée du tout  par ce romancier macédonien n'est pas du tout celle de la réalité.

En effet, dans cette "Liste de Freud", qui a reçu le prix européen de littérature en 2010, Goce Smilevski nous   y raconte comment le père de la psychanalyse a abandonné ses soeurs qui ont péri en camp de concentration. 1938, Vienne est sur le point d’être envahie par les nazis. Sigmund Freud qui a révolutionné la psychanalyse obtient des visas pour l’Angleterre. Il a le droit d’établir une liste de personnes qu’il souhaite amener avec lui. Au lieu de choisir ses sœurs Pauline, Maria, Rose et Adolphine, il inscrit son médecin, son infirmière, son chien et sa belle-sœur.  Or les frangines du psychanlyse elles seront déportées au Camp de Terezin.
C'est une des soeurs, Adolphine, qui est la voix de ce livre,  la "soeur préférée" de Freud, très proche de lui durant son enfance et qui la protégea d'une mère qui lui assénait à intervalles réguliers qu'elle "n'aurait jamais dû naître." Le début du livre s’ouvre sur elle et ses sœurs déportées mais la suite est le récit de sa vie. Alors forcément, cette image de Freud en un bourreau immonde qui condamne ses soeurs à une mort certaine dans les camps de la mort.. Et c'est d'ailleurs cette partie du livre, celle qui a trait à histoire d’Adolphine,  qui m'a semblé être la plus captivante, cette vie faite de sacrifices pour sa famille, de déceptions et d’impuissance  ne peut laisser indifférent.

Le reste du roman, et notamment toute la partie sur l'oeuvre et les actes particulièrement abjects de Freud laissent un peu plus circonspect, d'autant que l'auteur ne prend jamais le soin de distinguer par des notes de bas de page quand on a affaire à la réalité et quand on à  affaire à de la fiction.

Bref "une liste de Freud provocante" et pas toujours trés nuancée, mais en même temps on ne peut que louer l'audace de l'auteur d'oser aborder ce pan pleu glorieux de la vie de cet être, devenu une icone pour des milliers de psychanalystes.

.2 « Transatlantic »  Collum McCann,

1845, Frederick Douglass,  « nègre marron »premier esclave à avoir publié ses mémoires est accueilli en Irlande par son éditeur. Le pays est frappé par la  grande famine. Le « Dark Dandy »va changer le destin de Lily petite domestique qui  croise son chemin.

1919, premier vol transatlantique entre Terre-Neuve et l’Irlande. Jack Alcock et Teddy Brown parcourent 1980 miles sans escale en 16h et 12 minutes .Dans la poche du blouson de Jack Alcock une lettre confiée par Lottie, jeune photographe de 17 ans, transmise  de fille en fille elle sera le témoin muet de plusieurs existences.

1998, le sénateur américain George Mitchell chargé de négocier le processus de paix en Irlande du Nord rencontrera Lottie vieille dame de 96 ans.

Collum Mc Cann déroule le fil de l’Histoire qui lie les Etats-Unis à son pays l’Irlande, ce lien ténu qui uni  les hommes et les femmes des deux cotés de l’Atlantique sur presque deux siècles.  La campagne Irlandaise crevant de faim, une ferme de glace dans le Missouri, un hôpital de campagne en pleine guerre de Sécession, l’auteur excelle à nous raconter une vie, un destin en quelques pages bouleversantes.  Posant un regard tendre sur les gens les plus fragiles, il affronte avec  lucidité les problèmes politiques  de l’Irlande du XXe siècle.

Saga familiale habilement construite, l’écriture épurée de Mc Cann transmet une  émotion forte au lecteur captif de ce roman parfait.

3 « Le Don »  Helen Fitzgerald

 Will Marion,47 ans, papa poule de deux jumelles adolescentes qu’il a élevé seul, a un gros problème .Sur une feuille partagée en deux, pour/contre, il note les défaut et les qualités de Géorgie et de Kay. Géorgie : née malheureuse et l’est restée. Kay : née pleine de vie et l’est restée. Will doit faire un choix, ses  filles ont développées, toutes les deux, une maladie qui nécessite une greffe de rein, il veut donner un rein mais à laquelle, il doit aussi retrouver son ex épouse toxicomane, peut-être compatible, partie à l’autre bout du monde et pour cela il a très peu de temps, peu d’argent et des  parents pas du tout ,mais alors pas du tout, ressources.

Bon sang ! Quelle est la structure mentale d’un écrivain qui a une idée pareille, et surtout comment va-t-il se sortir d’un tel guêpier. Il faut le reconnaitre, Helen FitzGerld se débrouille pas mal, avec une distance toute Anglo-Saxonne, elle nous entraine, comme elle entraine son héros, chic type un peu passif, dans un univers  trash, décalé et ironique :  « Trainspotting » rencontre «  Coup de foudre à Notting Hill ».

Beaucoup de choses sont dites sur ces liens qui nous attachent, paternité, maternité, sororité, et  sur les tourbillons de sentiments que nous fait vivre la famille.  Malgré un humour fracassant, décalé, et surréaliste la lecture est parfois gâché par un cynisme et un nihilisme un peu gênant, c’est dommage car  Helen FitzGerald  a un vrai talent de conteuse et c’est de manière assez téméraire qu’elle boucle son histoire.

 Alors, dites moi, si vous deviez n'en choisir qu'un seul, lequel de ces 3 romans parus chez Belfond vous fait le plus envie?

 Et toujours chez Belfond, j'ai lu également un policier, Meutres à la sauce cajun  de Robert Crais, un auteur de polar que j'aime beaucoup habituellement pour l'efficacité de ses récits, paru d'abord en 1998, épuisé depuis des années et enfin réédité chez Belfond en 2013 –,  l'auteur de L.A. Requiem,  et, "Otages de la peur" deux excellents polar.

Ici, Crais  nous emmène en Louisiane  sous les traces de son détective privé Elvis Cole sous fond de rebondissements et de chantages un peu trop convenus  et confus pour convaincre...

Comme quoi même Chez Belfond, la déception est parfois au rendez-vous, mais trés rarement, et c'est cela le principal....