Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Last Tango in Halifax n’est pas une série à propos d’une danse argentine bien connue, ni à propos d’une banque écossaise. Bien que le titre soit un poil déconcertant, j’en conviens, il n’y a pas assez de mots pour décrire à quel point Last Tango est une excellente série. Du tango il y en a, il est cependant métaphorique et renvoie à l’histoire d’amour que vivent Celia Dawson (Anna Reid) et Alan Buttershaw (Derek Jacobi). Directement inspirée de l’histoire vraie de sa mère, Sally Wainwright nous raconte l’histoire de deux veufs d’un peu plus de 70 ans qui se retrouvent après de longues années sans se voir, ni se parler. Lorsqu’ils avaient 15 ans, la vie les a séparés et aujourd’hui ils entament une dernière danse accompagnés de leurs filles respectives et de leur petits-enfants. Avec son lot de surprises, le quotidien d’Alan et de Celia s’avère bien plus mouvementé qu’ils ne l’auraient pensé.
Après un premier épisode convaincant (jétais over the moon), Last Tango a délivré une première saison tout aussi convaincante sinon plus. Les retrouvailles entre Alan et Celia sont également un prétexte à découvrir leurs vies depuis qu’ils se sont quittés, il y a presque 60 ans. Au cours de ces six épisodes, la série parvient à dresser le portrait -pas toujours très glorieux- des personnages, à commencer par les filles, Caroline et Gillian. Elles, qui ne pourraient pas être plus différentes, apprennent à se connaître sans vraiment le vouloir. Les aventures d’Alan et de Celia les rapprochent constamment, de la course poursuite à la nuit imprévue dans un château hanté, laissant tout le loisir à Sally Wainwright d’exposer sans juger ni pointer du doigt les différences de classe sociale entre les deux familles. L’une, Caroline, est Directrice d’une école privée réputée, et l’autre Gillian, travaille à temps plein entre un supermarché et la ferme familiale. Sans pour autant les rendre amies -on en est encore loin à la fin de la saison-, c’est finalement ensemble et sûre de leur fait qu’elles accepteront le futur mariage de leurs parents malgré quelques embûches semées ici et là, notamment des non-dits des deux côtés. Chaque épisode apporte un nouvel éclaircissement sur ces deux personnages, beaucoup plus complexes qu’une simple différence de classe sociale. Alan et Celia, quant à eux, apprennent à se connaître après toutes ses années et se découvrent des points communs comme des différences fondamentales qu’un jeune couple aurait déjà probablement décidé comme rédhibitoire du reste (les opinions politiques aussi ont été traitées avec intelligence). Cet aspect est intéressant car avec leur âge se posent des problèmes que tous couples rencontrent, et d’autres en adéquation avec leur vie passée : Où habiter ? Quelle bague de fiançailles ? Finalement ce sera une décapotable. Les voir répondre à leurs interrogations nous amène d’une certaine façon à remettre en cause la vision que l’on se fait d’un couple de personnages âgées. Ils sont les deux à la fois, un vieux couple et un jeune couple.
D’ailleurs, bien plus qu’une série à propos de l’amour à un certain âge, et donc de la mort qui les attend, Last Tango tend à poser une question essentielle lorsque l’on arrive à un moment de notre vie où il s’agit de passer à autre chose : What’s next ? Dans leur quarantaine, Caroline et Gillian ne sont pas heureuses, n’ont pas tout ce dont elles avaient rêvé, et vivent même une vie quotidienne mouvementée, en dehors de leurs parents lorsqu’ils n’ajoutent pas leur grain de sel. Quand Caroline ne doit pas composer avec son futur ex-mari infidèle, elle doit de l’autre côté assumer son homosexualité et surtout, la faire accepter par sa famille, et tout particulièrement sa mère, Celia qui a refusé de voir la vérité en face il y a des années. Gillian, n’est pas en reste, son ex-beau-frère, Robbie, et son fils Raff ont bien du mal à se remettre de la mort du père de ce dernier, à commencer par simplement en parler. Perdue entre l’agressivité de Robbie et le désarroi de Raff, Gillian se voit prendre des mauvaises décisions qu’elle regrette par la suite. Plus réfléchie (et froide aussi), Caroline traite ses problèmes avec plus de fermeté mais reste très sensible surtout lors de ses scènes avec Kate. Avec des storylines aussi réalistes on pourrait penser que leur prévisibilité pourrait être un frein à la série la rendant ainsi ennuyeuse, mais il n’en est rien car c’est loin d’être un problème : l’histoire est fichtrement bien racontée, l’écriture est fine, parfois osée, souvent touchante et surtout drôle. Les vies de chacun des quatre personnages s’entremêlent pour donner une comédie dramatique des plus réussie. Chacune de leurs rencontres aborde avec douceur, folie et tendresse un lien amical et familial qui se construit petit à petit autour de l’amour retrouvé d’Alan et de Celia. Sans parler d’une très belle photographie britannique à en faire pâlir les hauts plateaux auvergnats.
La principale qualité, et non des moindres, de Last Tango réside dans son casting cinq étoiles. En un quart de seconde Derek Jacobi et Anna Reid parviennent à nous faire passer du rire aux larmes, du sourire enjoué au sourire triste. Lorsqu’ils rient, on rit aussi, lorsque Caroline pleure on a envie de la réconforter, même John, parfois, arrive à nous décrocher un rire amusé entre deux soupirs pathétiques à son encontre. On aime les voir discuter, interagir, on aime leurs conversations qui à chaque fois sont pleines d’humour, d’espoir, d’un peu de folie, de tendresse. Tantôt l’on a à faire à deux adolescents, tantôt à deux parents face aux décisions de leurs enfants, impuissants mais toujours en soutien important. Sarah Lancashire et Nicola Walker, respectivement Caroline et Gillian, délivrent avec efficacité la palette de sentiments que les personnages ressentent. Avec un casting d’une telle qualité il est très difficile de ne pas apprécier Last Tango in Halifax et encore plus de ne pas la recommander très chaudement.