Il n’est plus là. Le chapitre aurait pu se terminer sur la disparition de François s’il ne constituait pas une scène d’exposition. En effet, le jeune homme (précision utile pour la suite), ne sait pas encore que dans cinq minutes sa future femme, la très jolie Geneviève, traversera le pont dans le sens inverse, en direction du métro Crimée.
Il est à noter que pour l’instant un seul point commun semble unir les futurs amants. Il peut apparaître anodin mais marque assez le caractère de ces jeunes gens pour que l’on s’y attarde. François habite près de la station Crimée ; il prend le métro à Laumière parce qu’il utilise la ligne 5 direction place d’Italie. Geneviève habite près de Laumière ; elle prend le métro à Crimée parce qu’elle utilise la ligne 7 direction Villejuif – Mairie d’Ivry. Ecrit comme cela, le point commun n’apparaît guère. Creusons un peu : tous les deux pourraient prendre le métro à la station la plus proche de chez eux, puis changer à Stalingrad pour récupérer la ligne qui leur convient. Ce détour pédestre leur fait perdre cinq minutes à chacun ; ils s’obstinent : ils ne voudraient pas perdre le plaisir incommensurable que leur procure la traversée du canal, que ce soit par le pont ou par la passerelle.
Ceci amène naturellement à exposer l’un des seuls différends connus à ce stade : Geneviève préfère passer par le pont – il faut préciser qu’elle porte souvent des talons – et François apprécie les deux moyens de traverser le canal. S’il devait le faire en bateau, il continuerait à passer par là.
Ils ne se connaissent pas encore. Un temps viendra où ils riront de se rappeler qu’ils ne se connaissaient pas à cinq minutes près ; mais n’anticipons pas plus une idylle à venir. Geneviève arrive.