Restaurant Le Meurice Alain Ducasse par Patrick Faus
: cuisine banale
: cuisine d’un bon niveau
: cuisine intéressante et gourmande
: cuisine de haut niveau… à tous les niveaux
: cuisine exceptionnelle
… Cuisine française par et en excellence ? Certainement ! ……
Pendant quelques mois, la succession de Yannick Alléno au Meurice occupa les gazettes parisiennes et chacun y alla de son pronostic ou de sa rumeur. On parla alors de Philippe Etchebest, de Christophe Moret de Lasserre, et surtout de Frédéric Anton du Pré Catelan. Puis, plus rien. A la surprise générale ce fut Alain Ducasse qui l’emporta. Il est vrai que le chef protéiforme est déjà dans le groupe Dorchester puisqu’il dirige le restaurant éponyme de Londres (*** Michelin). Excellente table au demeurant… Et le Plaza Athénée étant fermé pour plusieurs mois, il arrive donc avec bagages et équipes déjà parfaitement rodés.
Le voilà à nouveau omniprésent sur la scène gastronomique parisienne avec le Meurice et Allard, tous deux répondant à des stratégies différentes mais qui accentuent encore l’extension du domaine ducassien sur la capitale. Bonne ou mauvaise chose ? L’avenir le dira.
En apparence, rien n’a changé dans la magnifique salle du Meurice qui, à chaque fois, coupe le souffle par son immensité de plafond, son volume unique et la conception du décor de Philippe Starck qui ne prend pas une ride. Pourtant quelques détails indiquent que les choses bougent. L’entrée se fait directement du hall de l’hôtel et non plus par le Dali, l’organisation des fameuses « banquettes » a changé, l’accueil est plus chaleureux et peut-être moins guindé, petits détails qui contribuent à faire une différence. Service toujours aussi impressionnant de professionnalisme discret
et efficace sous la houlette amicale et omniprésente de Frédéric Rouen, belle vaisselle, nappes douces et épaisses, blancheur immaculée de l’ensemble qui vous entraîne l’espace d’un rêve hors du monde. Vous êtes empli d’un bonheur presque enfantin de se sentir si bien dans ce luxe finalement protecteur puisque le luxe sert à se protéger de l’autre et du monde. Tout cela, avant même de déguster… Et après ?That is the question. Bien sûr, l’ombre de Yannick Alléno plane dans cette salle qu’il a marquée de son talent pendant des années. La charge est lourde et le challenge immense pour le chef Christophe Saintagne, passé par diverses maisons dont Jean-François Piège au Crillon et la galaxie Ducasse des Lyonnais au Plaza en passant par le 59 Poincaré.
Une pré-entrée qui définit les codes, marque le territoire, instaure l’identité par un classique de Ducasse : la cocotte. Ici, des légumes d’automne croque au sel cuits simplement à la vapeur, présentés en cocotte, rehaussés par une délicate sauce à l’oseille. Il l’avait dit « une cuisine plus végétale et en harmonie avec le moment ». Le Pâté chaud de pintade au chou est déjà le plat « star » de la carte. A juste titre car remarquablement réalisé, puissant, d’une rusticité joyeuse dans ce décor sophistiqué, pour un vrai plat d’automne finissant. Le Chambolle-Musigny Clos du village de chez Guyon en 2008 a parfaitement joué le jeu des accords parfaits. Sobrement intitulé : Bar, fenouil, citron, le plat est simplement magnifique avec une cuisson impériale, une sauce à tomber de sa chaise sur un fond de jus citronné. Perfect, mister Ducasse !
Sur le même registre, le Saint-Pierre, navets, raisins est moins convaincant, n’arrivant pas à trouver son harmonie intérieure et restant à la surface des choses avec une légère surcuisson qui assèche un poisson fragile. Volaille Albufera, tartuffi di Alba dont le suprême est étrangement fade malgré la présence des truffes qui sauve le plat de l’indifférence. Enfin le Ris de veau vint ! Cerclé d’une sauce superbe et d’une saveur ferme et exquise, il trône au centre de l’assiette en majesté de goût. Un roi paysan… ou le contraire.
Cédric Grolet, chef pâtissier, entre en scène. Agrumes tout en fraîcheur, Baba au rhum d’anthologie dans son classicisme décomplexé, et le Chocolat de notre Manufacture en variation diverses et variées, dont un soufflé miraculeux. Arnaud Beaulieu, en sommellerie avec Estelle Touzet, sortit un pur joyau des caves : Golser Strohwein, Cabernet sauvignon, 2008, Vin de paille, Weingut Lunzer , purement incroyable de finesse et de douce complexité.
Cuisine française par et en excellence ? Certainement. Cuisine sophistiquée mais si limpide et si évidente, si loin des chichis, des modes et des gimmicks, si indifférente au maniérisme et aux poses de la modernité insolente qui commence à se prendre pour ce qu’elle n’est pas. Un retour aux sources du bon et du bien. Ce n’est pas le moindre mérite d’Alain Ducasse.
Le Meurice228, rue de Rivoli
75001 Paris
Tél : 01 44 58 10 10
www.dorchestercollection.com/paris/le-meurice-hotel
Voiturier
M° : Tuileries
Fermé samedi & dimanche
Veste de rigueur, cravate conseillée
Menu déjeuner : 130 €
Menu dégustation : 380 €
Carte : 250 € environ