Ce roman jeunesse est beaucoup moins simple et enfantin qu’il n’y paraîtrait à la lecture de la quatrième de couverture. Certes, on entre dans le petit univers d’un chat, où les animaux parlent, tissent des liens, s’amusent et sont jaloux. J’ai beaucoup aimé voir le héros s’insurger contre Rasmine, le magnifique chat angora blanc que l’on destine comme mari à sa bien-aimé Graziella. J’ai beaucoup aimé le voir épargner une souris ou un pivert parce qu’il est dans un bon jour, ou léchouiller l’oreille d’une jolie minette. C’est frais, plein de charme et on les entendrait presque ronronner ou feuler lorsqu’ils se brûlent la queue pendant une attaque.
Mais ce qui m’a le plus surprise, c’est la noirceur dans laquelle le récit bascule et la fable du racisme et même du fascisme à peine dissimulée qui se met en place. Les brigades, les dénonciations, la collaboration, les affiches de propagande, aucun détail ne manque pour reconnaître une société totalitaire bien réelle qui se livre à un massacre en règle d’une catégorie précise d’individu. La critique est sévère: la corruption des puissants et la manière dont la population manipulée accepte ce massacre sont tout à fait poignantes, et lorsque même les chats qui ne sont pas noirs ferment les yeux sur la situation, on ne peut que constater l’amère pertinence du titre.
Et c’est probablement là la grande force de ce roman: arriver à créer ce malaise de voir ce monde félin si mignon et enfantin gagné par une humanité brutale et grinçante. Il y a un peu de Maus dans ce contraste froid. J’ai souvent eu envie de crier “mais noooooon pas ça à mes petits minous!!!” car certaines scènes sont réellement dures: on les voit se débattre dans des sacs, plonger dans des lacs de chaux vives ou noyés dans des hammam. La mort de Goudron, le malheureux chat qui ne voulait que rejoindre sa petite maitresse, est une apothéose de pathos qui m’a réellement retourné et mis un coup au coeur. Passer par l’attachement à nos petites bêtes pour faire réagir sur la bêtise humaine de masse est décidément très efficace.
La note de Mélu:
A mettre entre toutes les jeunes mains. Un grand merci à
Un mot sur l’auteur: Eugène Trivizas (né en 1946) est un écrivain grec qui a déjà signé de nombreux livres pour la jeunesse.
catégorie “animal”