Le Fonds Régional d’Art Contemporain de Lorraine a été condamné à verser 3000 euros aux cathos intégristes de l’AGRIF (Alliance Générale contre le Racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne) parce que Mme Grolet, candidate FN aux municipales à Metz, s’est sentie outragée par l’exposition l’ »Infamille » de 2008. Vous pouvez lire les minutes du procès ici.
Inutile de préciser que les fachos, qui n’ont de cesse de maugréer contre les juges francs-maçons-crypto-communistes anti-français, se la pètent comme s’ils avaient annexé l’Autriche sans bouger les oreilles. Inutile aussi de présenter l’AGRIF, connu pour son harcèlement judiciaire contre Charlie Hebdo dans les années 90.
Nos amis les batraciens de bénitier clament que le FRAC a été sanctionné de façon exemplaire, que l’ordre et le bon droit de la famille-cellule-de-base-de-la-société a été rendu, n’en déplaise à ces gauchistes dégénérés d’artistes qui se croient tout permis. Non contents de se comporter comme le plus obtus des mollahs du fin fond de l’Iran, ces braves gens devraient aussi apprendre à lire. Le juge précise bien qu’il n’est pas de sa compétence de juger de la qualité ou de la moralité de l’œuvre, mais bien que le législateur a laissé un vide juridique qui permet à des gens moins regardants sur la violence de leur ouvrage de référence ou sur l’histoire de leur secte d’ester en justice avec un léger mépris pour la laïcité.
D’ailleurs le blog de Bernard Antony, le président de l’AGRIF, m’a donné une charmante idée dans son compte-rendu de l’affaire. Évoquant le passage « Les enfants, nous allons vous tuer par surprise, vous êtes notre chair et notre sang, Papa et Maman« , il signale (en le déplorant) que le blasphème n’étant pas reconnu en droit français l’association n’a pas porté plainte sur ce grief qui évoque les aventures du petit Jésus. Il me semble qu’en Moselle, département toujours pas libéré du joug des superstitions antiques, il doit être possible de saisir un juge sur ce thème, mais tentons le diable, lui au moins n’est pas procédurier, comme dit Florent Pagny, un artiste qui ne doit pas trop déranger l’AGRIF. L’idée est la suivante: reportez-vous aux minutes du procès, et dans tous les passages invoqués, remplacez « les enfants » par « Jésus« . N’est-ce pas une charmante façon de rendre la monnaie de leur pièce à tous ces coincés du culte en toute légalité?
Je rappelle à toutes fins utiles que comme son nom l’indique le FRAC expose de l’art contemporain. Quand on s’accroche à des fariboles plurimillénaires, quand on frise l’hystérie parce qu’on entend dire que l’homme et la femme descendent plus certainement d’acides aminés arrivés sur Terre en comète que d’un vieux barbon colérique, quand on est persuadé que le monde est peuplé d’immigrés avides de minima sociaux et de délinquance qui ne rêvent que de faire périr la France éternelle, quand on s’accroche à l’idée que l’homme est fait pour honorer la femme d’une tripotée de marmots, je comprends que le terme contemporain puisse être difficile à appréhender. Quand à l’art, cela fait bien longtemps que les réactionnaires s’en sont accommodés pourvu qu’il réponde à des critères moraux et politiques bien définis.
Continuons à rire avec l’extrême-droite, et rendons nous sur le blog de Mme Françoise Grolet, la ratcheuse qui ferait bien de s’occuper du respect de la dignité humaine dans le programme de son propre parti au lieu de chiner dans les lieux d’exposition en quête d’immoralités. Mme Grolet se réjouit également de la condamnation du FRAC en affirmant que « les textes de l’« artiste » Eric Pougeau (extraits de son livre « Fils de pute/salope ») avaient de quoi faire blêmir un spectateur normalement constitué », textes qu’elle cite néanmoins avec gourmandise sur son blog que n’importe quel enfant mineur peut consulter (que fait la justice?). On appréciera au passage le « normalement constitué » qui insinue qu’il faut vraiment être un pervers pour aimer l’art contemporain. Tonton Adolf aurait adoré.
Mme Grolet s’insurge ensuite contre la « christianophobie » assumée du FRAC et des tableaux d’Eric Pougeau. Françoise, ma douce, rassurez-vous, personne n’a peur des chrétiens. Vous nous faites même bien rire avec vos traditions surannées, votre masochisme et vos contes de fées. Là où vous êtes relous, c’est quand vous vous piquez de politique (et aussi votre tendance à toujours vous plaindre alors que votre Dieu vous a bien dit que vous étiez sur Terre pour en baver des ronds de chapeaux, mais c’est un autre débat). Je ne déteste pas non plus les chrétiens ou les autres religieux, du moment que vous faites ça dans les endroits appropriés. Je n’ai rien contre la famille, pourvu qu’on ne m’ordonne pas d’être un reproducteur au bénéfice de l’idée moyenâgeuse qui voudrait qu’on mesure la puissance d’un pays à la vigueur de sa fécondité. Je trouve qu’on vit encore pas trop mal en France, mais qu’il n’y a aucune raison logique que ce soit moins bien ailleurs, et je trouve encore moins indispensable de se frapper le cœur à la vue d’un chiffon tricolore ou au son d’un hymne méridional écrit au fil du Rhin.
Je n’ai pas peur non plus de l’AGRIF ni du Front National, de la paranoïa qu’il essaie d’instiller dans le débat public comme une vulgaire UMP ou comme un pape falot recensant les sanctions perpétuelles censées tomber du ciel sur ceux qui se risquent à profiter de la vie. En revanche j’ai bien peur que vous, Françoise, ne soyiez totalement flippée par le monde qui vous entoure. Eussiez-vous mieux étudié l’art (contemporain ou pas) et l’ethnologie, que la Bible et les éructations de la famille Le Pen, vous auriez pu avoir une autre perspective sur le monde et vous dispenser de mettre votre photo en grand format en bas de chacun de vos articles comme si vous aviez peur qu’on vous oublie.
Nous sommes par contre bien d’accord sur un point: il faut surveiller de près les finances publiques. L’État a remboursé 8 004 225 euros de frais de campagne au Front National en dépit de l’avis de la décision de la Commission des comptes de campagne. C’est 8 004 225 euros de trop.