Hollande consulte, beaucoup.
Pendant qu'Ayrault lance ses premières consultations sur la réforme fiscales avec le patronat et les syndicats, Hollande multiplie les entretiens direct, à l'Elysée, en cascade avec des ministres: Fleur Pellerin, Najat Vallaud-Belkacem, Laurent Fabius, Arnaud Montebourg. La démarche n'est pas anodine. Mercredi, il file à Madrid pour un sommet franco-espagnol. Jeudi, il visite une usine Solvay à Aubervilliers.
Une simple phrase - en gros, que la lutte contre le chômage prendra le temps qu'il faut - suffit à plonger quelques membres à vie du microcosme médiatico-politique dans le plus grand émoi. Avait-il renoncer à sa promesse d'inversion de la courbe du chômage ? Oh mon dieu ! Nous pouvions écrire, débattre, commenter, interpréter, écrire encore, débattre toujours, gloser surtout sur cette sortie présidentielle. Que Hollande était "insondable" !
Quelques plumes croient deviner une rivalité avec Ayrault. D'autres théâtralisent la solitude du premier ministre qui s'est attelé à cette remise à plat fiscale dont finalement personne ne voudrait. On lit avec effroi ou dégout ces commentaires de ministres ou conseillers anonymes "qui n'y croient pas". Ayrault, seul contre tous ? Les représentants syndicaux y croient. Thierry Lepaon (CGT) défonce Michel Sapin, le ministre du travail qui s'était autorisé d'évoquer la piste d'une "CSG progressive" alors même les débats n'avaient pas commencé: "Il faut que Michel Sapin s’occupe de ses affaires".
Lundi, journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes,
on se rappelle le plan triennal de la ministre Najat Vallaud-Belkacem. Un numéro - le 3919 - centralisera tous les appels, y compris ceux pour l'hébergement d'urgence des femmes battues. Il paraît que cela ne suffit pas. Vendredi, la loi pénalisant les clients de la prostitution déboule à l'Assemblée. La boucle est bouclée. Le projet se veut une réponse aux trafics, désormais internationaux: la prostitution est une infraction et une souffrance, le proxénétisme déjà un crime. La honte était ce vendredi dans l'hémicycle: les rangs étaient déserts.
Mercredi, le patronat a eu peur. Très peur. Très très peur.
L'un des siens, Philippe Varin président de PSA, a failli ne pas renoncer à sa retraite chapeau de 21 millions d'euros découverts par la CGT dans les comptes de l'entreprise. Tout ce que compte le MEDEF de dirigeants s'est empressé de presser leur collègue de renoncer à l'affaire. Pendant 24 heures durant, même le Figaro se dépêcha de fournir diversion et argumentaire. Côté diversion, le Fig fournit un article exemplaire sur la retraite chapeau ... des fonctionnaires. Il fallut ressortir combien la retraite de ces derniers nous coûtait cher. Quelle horreur ! Côté argumentaire, le même Fig lança qu'un million de Français bénéficiaient aussi de retraite chapeau... On se pinçait. En fait, la plupart de ces bénéficiaires ne touche pas 20 millions mais ... 2000 euros... Les Echos, fort heureusement, avaient trouvé 180 banquiers qui allaient toucher au moins l'euro-million.
20 millions, c'est aussi le petit bonus que le gouvernement accord à 570.000 bénéficiaires du minimum retraite. La réforme Ayrault est enfin adoptée définitivement, mardi à l'Assemblée. Marisol Touraine, ministre de la Famille, accorde aussi une revalorisation d'une quinzaine de millions d'euros de l'aide à la souscription d'une retraite complémentaire pour les retraités modestes.
Le chômage a trop de définitions pour qu'on s'accorde sur sa baisse.
Celui des sans-emplois - catégorie A en langage Pôle Emploi - a bel et bien diminué de plus de 20.000 inscrits en octobre. L'inversion de la courbe du chômage "se dessine", commente-t-on chez Michel Sapin. "L’inversion de la courbe du chômage est désormais amorcée" ajoute Hollande jeudi. On critiquera la hausse des radiations administratives de Pôle Emploi (+11.000, soit +25,8% en un mois), mais elle est plus que compensée par une baisse des cessations d’inscription pour défaut d’actualisation (-15.000, soit -7,4%).
Le chômage des autres, c'est-à-dire le chômage partiel, est toujours en hausse. Il reste des points noirs, graves: le nombre de chômeurs inscrits depuis plus d’un an à Pôle emploi dans les 3 premières catégories dépasse les 2 millions (42% du total). L'ancienneté moyenne a grimpé à 505 jours ! Les seniors souffrent plus que d'autres. Pire, les entrées dans le chômage restent massives, encore 505.000 pour le seul mois d'octobre ! Pôle emploi rassemble 5,25 millions d'inscrits, un record.
Sur iTélé, Bruce Toussaint s'inquiète, encore, de ces 500.000 offres d'emplois non pourvues. Le chiffre est bidon; argument néo-lib bidon jamais prouvé. Les offres d'emploi à fin octobre chez Pôle Emploi sont à un niveau "historiquement bas", à peine 230.000. Et certaines défient l'entendement.
Manuel Valls est revenu.
France inter, il fallait qu'il parle. Trop de silence. Une réforme du droit d'asile se profile, un rapport rédige par la sénatrice UDI Valérie Létard et le député socialiste Jean-Louis Touraine lui a été remis ce jeudi. Leurs recommandations visent à désengorger les bureaux d'accueil, et accélérer le traitement des dossiers (17 mois en moyenne).
Quid du bon traitement des demandeurs ? De la protection des personnes persécutées ? 80% des demandes sont aujourd'hui refusées, le budget de l'asile est systématiquement sous-évalué. Le raisonnement suit une logique trop "comptable", dénoncent les associations. D'autres s'indignent à l'idée de supprimer les allocations aux demandeurs d'asile qui refusent une place d'hébergement. Les auteurs du rapport préconisent des quotas de place par région, ou la création de centres pour déboutés.
Le patron de l'Opfra parle plus calmement. Mais son ministre de tutelle, Manuel Valls, déboule et dérape, comme souvent. Comme toujours. Sur France inter mercredi, il ne retient que le spectre du "débordement", il dénonce cet asile "dévoyé" pour des fins migratoires: "L'asile est en train d'exploser, parce qu'il est utilisé à des fins d'immigration et donc pour le sauver il faut le réformer". Faut-il sauver le droit d'asile ou protéger les persécutés du monde ?
Jeudi, le coup est rude pour Copé.
D'après un mauvais sondage, quelque 1% des sympathisants de l'UMP l'espèrent comme candidat à la présidentielle...A Paris, la campagne de NKM s'enlise. D'autres combats sont plus prometteurs, comme à Mulhouse, anciennement dirigée par l'ex-transfuge sarkozyste Bockel. Côté écolo, Dominique Voynet jette l'éponge à Montreuil. Elle ne se représente pas, écoeurée.
Le Parti socialiste fait à peine davantage rire. Une petite messe emplie de bons sentiments contre le racisme et les méchants tentent de motiver les foules mardi soir. Retour vers le futur, back to SOS Racisme version 1986, les pin's en moins, Christiane Taubira en mieux qui sauve le peu de meubles qu'il y avait récupérer.
La gauche "s'enrichit" d'un nouveau parti, Nouvelle Donne, gros clin d'oeil au New Deal de Franklin R. Roosevelt. Pierre Larrouturou en est l'un des instigateurs principaux. En vue, les élections européennes.
Vendredi soir, le Parti de Gauche tient meeting à Paris. Jean-Luc Melenchon râle et proteste contre la hausse de la TVA sur la restauration, les transports publics et quelques autres secteurs. Combien va coûter cette "incroyable" hausse de TVA ? Rien, pas grand chose. Est-elle systématiquement injuste ? Non, pas systématiquement, sauf à penser que le cadeau tant décrié à gauche de cette réduction sarkozyste pour la restauration était finalement légitime. D'autres hausses, à l'inverse, comme sur les travaux ou les transports, sont mauvaises. Plutôt que de se mobiliser pour un "basculement" général de la fiscalité, profiter de la remise à plat proposée, le leader du PG prolonge ce combat inaudible.
A Paris, dans l'indifférence générale, la reconnaissance du vote blanc a été adoptée. Mais pour... plus tard, à cause d'un amendement socialiste.
Faut pas déconner.
Joyeux Noël, bientôt.
Crédit illustration: DoZone Parody