Ce matin, le brouillard était là, un brouillard épais, qui avait grignoté le paysage. Les lointains avaient disparu et avec eux la belle forêt de hêtres qui barrait l’horizon. La ferme au bout du petit chemin n’était plus là non plus, pas plus que les pâtures où rêvaient les chevaux. Des haies qui clôturent mon jardin, on ne devinait que quelques feuilles, encore fallait-il écarquiller longtemps les yeux et avoir beaucoup d’imagination. Aucun bruit, aucun chant d’oiseau, rien. Tout était mort.
Quand j’ai ouvert la porte de la maison, il m’a semblé être devant un mur. On ne distinguait aucun objet à plus de trois mètres. Je me suis avancé lentement dans cette brume étrange, me demandant si je n’étais pas le dernier habitant encore en vie dans le village. Même les chats n’étaient plus là, eux qui d’habitude accouraient quand je mettais le nez dehors. J’ai foulé l’herbe humide de la pelouse et me suis dirigé à tâtons vers la barrière. En me retournant, j’ai vu que la maison, elle aussi, avait disparu. Il me fallut garder mon calme pour continuer malgré tout. Enfin, après avoir hésité un peu, je suis arrivé près de la boîte aux lettres. Comme d’habitude, elle était vide, désespérément vide. Aucune lettre, aucune carte, rien.
Alors j’ai rebroussé chemin comme j’ai pu. En hésitant, j’ai retrouvé la maison et son seuil. J’ai refermé la porte derrière moi et me suis assis près du feu. Les flammes brillaient dans l’âtre, comme si toute la vie du dehors s’était réfugiée là, comme s’il ne restait plus au monde que ces trois bûches incandescentes qui bientôt seraient réduites en cendres.
J’ai pris un livre que je n’ai pas ouvert et j’ai écouté le silence. Le grand silence des jours de brouillard, où même les facteurs ne trouvent plus leur chemin.