Je ne serais jamais tombé sur ce livre sans Corinne Desarzens. Elle l'a signalé dans son recueil Dévorer les pages, et le conseille à toute occasion depuis sa sortie toute récente (cet automne). Notamment à une rencontre à la librairie le Rameau d'or où elle présentait son ouvrage. En lisant Florian Eglin, on comprend cet engouement. L'histoire et le style de Cette malédiction qui ne tombe finalement pas si mal sont insolites et remarquables.
Le narrateur, Solal Aronowicz, commence par assassiner une nonagénaire dans un supermarché en lui passant dessus avec une tracteur pour tondre le gazon. Un beau modèle, à double rotor pour trancher les racines récalcitrantes. En agonisant celle-ci lui lance une malédiction mystérieuse.
Il n'en a cure et regagne l'Institut dont il est le factotum incompétent, haï, surpayé à cause d'une erreur administrative. Évidemment, c'est pour y glander. Rien d'autre ne l'intéresse que fumer des cigares de luxe, boire des whiskys rares et porter des chaussures princières.
Ah si, quand même. Ce docteur en littérature, qui avait commencé « une carrière poussive » à l'université avant qu'une supercherie découverte dans un colloque ne l'en exclue, collectionne les éditions rares.
Après d'autres épisodes sanglants (le syndicaliste de l'institut le cogne et lui pisse dessus, la Séide du directeur charcute des élèves...) ou mystérieux (il reçoit une lettre bizarre qu'il n'ouvre pas) le voilà à Barcelone pour acquérir une édition rare d'Huysmans, Là-bas, roman qui, comme chacun le sait, parle de satanisme et de messes noires...
L'auteur a composé son roman à partir des textes d'un blog, centré sur le personnage de Solal, nommé Le journal d'un con : le blog de Solal Aronowicz. Il se veut inscrit « dans deux lignées littéraires, l'une classique issue du genre épique et symbolique et l'autre moderne issue des romans d'horreur noirs et ironiques. »
Il y a un dispositif de roman policier, dans ce texte hénaurme, mais aussi du fantastique, du masochisme, du sadisme, évidemment, et beaucoup de parodie. On rit souvent. On se laisse aussi prendre par le désespoir qui sourd de cette écriture paradoxale, rythmée, précise, jouissive.
Florian Eglin, Cette malédiction qui ne tombe finalement pas si mal, La Baconnière