Confiscation des biens des riches : une solution illusoire

Publié le 29 novembre 2013 par Copeau @Contrepoints
Analyse

Confiscation des biens des riches : une solution illusoire

Publié Par Kevan Saab, le 29 novembre 2013 dans Économie générale

Croire qu’il serait possible de faire main basse sur les avoirs des ultra-riches sans détruire le système économique est une absurdité totale.

Par Kevan Saab.

On entend régulièrement des appels  plus ou moins ouverts au détroussage des riches en France. Rien de bien surprenant dans un pays où les vielles lubies révolutionnaires sont encore bien vivaces et où la haine du riche est latente. De fait, les 330 milliards des 500 familles les plus riches attirent toutes les convoitises, et beaucoup souhaiteraient voir la puissance publique se saisir d’une bonne partie, voire de la totalité de ce magot. Que pourrait-on en faire après ? Réponse : strictement rien.

La nature du patrimoine des « riches »

Contrairement à la vision que véhicule l’imaginaire collectif, les « ultra-riches », tout comme vous et moi d’ailleurs, ne gardent pas toute leur fortune cachée sous leur matelas, et encore moins endormi dans une banque suisse. En effet, comme le montre tous les classements établis, les ultra-riches sont en très grande majorité des entrepreneurs ou des héritiers d’entrepreneurs dont le patrimoine est très largement investi. Généralement plus de 80% de leur fortune est en fait composé d’actions des compagnies qu’ils ont fondé et dirigent encore de près ou de loin pour la plupart d’entre eux. Eh oui, les héritiers non-gestionnaires tels que Vivianne Bettencourt sont en fait une petite minorité. Ceux qui voudraient encore s’en convaincre peuvent aller voir par eux-mêmes la composition du top 500 annuel établi par le magazine Challenges (ici).

Imaginons maintenant que demain, le gouvernement, foulant sans complexe le principe du droit de propriété, décide de confisquer la majeure partie du patrimoine des 500 familles les plus riches. En un instant, le gouvernement français deviendrait actionnaire majoritaire de toutes les grandes entreprises du pays et propriétaire d’une vaste liste d’appartements luxueux et de châteaux de rêve.

C’est alors que l’affaire commence à se corser pour les amateurs de pillage à la Robin des Bois : si le patrimoine des ultra-riches vaut 330 milliards d’euros dans un marché libre, il n’en est rien dans un système économique collectiviste comme nous allons le voir.

Que pourrait-on tirer de tous ces palaces ?

Quelles richesses peut-on réellement tirer d’une propriété immobilière à plusieurs millions si celle-ci devient invendable à défaut de trouver des acheteurs encore assez riches et assez téméraires pour investir dans un bien qui pourrait à tout moment leur être retiré par l’État. Ne nous leurrons pas, une fois dans le giron de l’État, tous les manoirs, les hôtels particuliers et les duplexes parisiens de nos ultra-riches ne deviendraient rien d’autres que des bâtisses sans aucune valeur à la revente, et avec au passage un coût d’entretien non négligeable. Qu’en ferait la puissance publique ? Des HLM de luxe ? Bref, on réduirait ainsi des milliards d’euros de patrimoine à peau de chagrin.

Que pourrait-on tirer de toutes ces actions ?

On l’a dit, le gros de la fortune des ultra-riches existe sous forme de dizaines de milliards d’euros d’actions. S’en saisir reviendrait tout simplement à faire passer du jour au lendemain dans le giron de l’État toutes les grosses entreprises françaises, l’État prenant ainsi le rôle du capitaliste. Et c’est là que les choses se gâtent. En effet, une action n’a de valeur que si on peut soit la revendre (si possible en réalisant une plus-value), soit en tirer des dividendes. Avec un État collectiviste à la tête de toutes les grosses entreprises, s’en suivra immédiatement la nomination d’équipes de direction issues de la fonction publique allant de pair avec un changement profond dans les objectifs des firmes : la recherche du profit cédera sa place à un fonctionnement de type service public.

L’inconvénient pour l’État actionnaire, c’est que quand on ne fait pas de profits, on ne verse pas de dividendes. Seulement voilà, sans profits pas d’investissements aujourd’hui, donc point d’emplois demain. Donc, sans monopole ou protectionnisme agressif, les firmes françaises socialisées se feront croquer tout crue par la compétition nationale et internationale avec en bout de piste des faillites retentissantes en l’espace de quelques années. Dans ces conditions, nul besoin d’être prix Nobel en économie pour comprendre que la valeur des dizaines de milliards d’actions confisquées par l’État sera réduite à néant.

Conclusion

Les ultra-riches sont un atout phénoménal pour le développement d’un pays, de par les entreprises et les emplois qu’ils créent. Par idéologie égalitariste, certaines personnes ne sont pas prêtes à accepter cette réalité, néanmoins, croire qu’il serait possible de faire main basse sur leurs avoirs sans détruire le système économique est une absurdité totale que même un égalitariste doit être capable de reconnaître. En effet, la valeur d’un bien n’est en aucun cas intangible.

Ainsi, un patrimoine immobilier évalué à plusieurs milliards d’euros peut très bien valoir une poignée d’euros le lendemain si on lui ôte ce qui fait sa valeur : c’est-à-dire un marché libre ou des acheteurs potentiels sont à tout moment prêts à racheter le dit patrimoine si celui-ci était mis en vente. De même, les centaines de milliards d’euros d’actions de nos ultra-riches n’ont de valeur que parce que ces derniers s’avèrent être pour la plupart des gestionnaires d’entreprises hors normes et que des gens sont prêts à payer pour acquérir une part des entreprises qu’ils dirigent.

Enfin, qui peut croire une seconde qu’un pillage unique avec un butin de 330 milliards d’euros puisse changer quoi que ce soit à notre situation ? La dette publique atteint bientôt les 1 900 milliards d’euros et le déficit annuel se situe à 80 milliards d’euros. Les 330 milliards ainsi obtenus, qui ne pourront jamais être transformés en écus sonnant et trébuchant comme nous l’avons vu, ne pourraient au mieux stopper l’hémorragie budgétaire que pendant 4 ans tout au plus.

è