Il a tout juste trente ans. Il dit qu’il vit avec son temps, et que le jour où il aura des enfants, il prendra peut-être sa part de congé parental *, du moins, il y réfléchira, il sait bien que le chef n’y sera pas indifférent. Mais porter le nom de son épouse, ou l’accoler au sien, ah, ça, non, il lui est impossible de se faire à cette idée.
Je dis que nous n’avons pas le choix, que la nature est ainsi faite. Que parfois, ce serait bien que les pères portent les enfants, ils réaliseraient alors que les discriminations que les mères subissent au travail du fait de leur maternité sont une double peine avec l’aspect physique de la reproduction de l’espèce.
Il a trente-cinq ans. Il est papa depuis quelques mois. Sa femme n’a repris le travail qu’à mi-temps. Il trouve cela normal. Elle gère. Il fait carrière.
Je dis que c’est très bien s’ils sont d’accord. Je dis que je ne suis pas sûre qu’elle se soit vraiment posé la question de savoir si elle est d’accord.
Ils disent que c’est normal de faire des choix. Qu’une femme qui choisit d’avoir plein d’enfants, elle sait qu’on ne lui proposera pas de grosses responsabilités. Que si elle veut faire mumuse avec la hiérarchie, elle n’a qu’à pas faire d’enfants.
Je dis « pourquoi ? ». Je dis que ces enfants ne se font pas tout seuls. Je dis que je ne vois pas pourquoi nous sommes plus concernées qu’eux. Je dis que je connais des patrons qui ont plus d’enfants que moi. Je dis qu’on ne demande pas aux hommes combien ils ont d’enfants lors de l’embauche. Ni s’ils en veulent. Contrairement aux femmes, même célibataires. Je dis que je ne vois pas le rapport. Je dis que chaque personne, homme ou femme, a ses raisons personnelles de vouloir évoluer dans son boulot, ou pas. Qu’on est assez grandes pour faire nos choix toutes seules. Et que j’en ai marre qu’on me dise ce que je suis ou ce que je veux parce j’ai des enfants.
Ils ont la trentaine, ils sont pétris de certitudes patriarcales.
Je dis qu’à force de répéter, un jour ils vont entendre ?