Les héros ne sont plus. C’est le triste constat qui s’est imposé à moi lors d’une discussion animée avec Jean-François Bège (mon rédacteur en chef), qui, dans l’un de ses élans de sagesse récurrents, m’a mis face à une réalité déconcertante. Si les jeunes filles se montrent de moins en moins emballées par l’idée de partager leur toit avec quelqu’un, c’est parce que les hommes d’aujourd’hui ne leur vendent plus du rêve. Hélas. J’ai moi-même du mal à me souvenir de la dernière fois où j’ai rencontré quelqu’un qui susciterait en moi un semblant d’admiration, sentiment pourtant ô combien indispensable à l’amour.
Couverture de Crown Comics #5 par Matt Baker, 1946.
En affirmant « on ne naît pas femme, on le devient », Simone de Beauvoir ne pensait pas si bien dire à propos du sexe fort. Virilité, force, honneur, courage : autant de qualités jugées désuètes et désormais absentes de l’homme moderne, qui préfère jouer les précieux androgynes à grands renforts de pingrerie. Féminisé, perdu entre les genres comme un postérieur entre deux chaises. Alors que les « princes charmants » ont rejoint depuis longtemps les espèces en voie d’extinction, les héros actuels semblent eux aussi bien partis pour s’évaporer plus vite que le H2O. Peut-être vont-ils rejoindre un monde meilleur, là où on ne leur demandera pas de mettre leur slip par dessus le pantalon.
Certains voient en cette démission du masculin la rançon du féminisme, vécu ni plus ni moins comme une véritable castration. Dans un monde « pacifié » (les guillemets sont de mise) où les occasions manquent désormais d’enchaîner les prouesses guerrières, rien n’empêche de faire preuve d’héroïsme au quotidien et créer l’étincelle qui ennoblira la plus profonde des banalités. Car si les femmes n’ont besoin de personne pour être fortes, elles oublient trop souvent qu’en compagnie des hommes elles peuvent se payer le luxe d’un instant de faiblesse. À condition bien sûr qu’il y en ait dans le froc.