Les anglophones nomment ' skycrapers ' les buildings à la hauteur vertigineuse, ' l’Appel d’airs ' semble, lui aussi, ' gratter ' le ciel du bout de ses doigts, perchée en altitude sur sa
colline au milieu de nulle part.
Les semaines se suivent mais ne se ressemblent pas pour Moriarty, après Bourges et son festival accueillant le gratin de l’univers musical hexagonal, voici la commune de Trébry, ses ' ribouls '
(petites routes de campagnes) ses calvaires à chaque croisements, ses culs de sac…
Il faut donc prendre la voiture, rouler un moment et après de nombreux demi-tour et une patience bien entamée, se dresse devant vous cette ancienne boite de nuit, dont pourrait vous parler
pendant des heures tous les quarantenaires de la région en vous évoquant de mémorables soirées, des nuits agitées et des réveils embrumés…
Malgré une programmation des plus intéressantes ' l’Appel d’airs ' n’affiche que trop rarement complet. En effet, l’assistance était plus que clairsemée pour la venue de Syd Matters il y a
quelques semaines alors que ce soir, faute de réservation, certains se voient refuser l’entrée. Des déçus surpris que la salle soit pleine et étonnés que le folk-blues de Moriarty puisse attirer
autant de curieux.
La première bière terminée le concert peut commencer sous les yeux de l’assistance venue pour eux, en effet, le public est réactif et connaît par cœur ' GEE WHIZ BUT THIS IS A LONESOME '.
L’univers du groupe est maintenant connu, une ambiance de cabaret, un paravent et une lampe a l’abat-jour ' rétro ' forme le décor, nous sommes plongé dans le passé.
Lors de son entrée en scène le visage de la chanteuse, Rosemary, est fermé, presque carnassier, et pourtant elle vous attire, vous transporte. L’esquisse d’un sourire se lira enfin sur ses
lèvres lorsque la salle reprendra en cœur le refrain de Jimmy.
Le concert est un livre, un recueil de nouvelles qui nous sont comtés par le groupe.
Le son est parfait, l’esthétique (décor, tenues de scènes) est travaillé, le set est carré mais derrière ce sérieux il reste une place pour la spontanéité, les Moriarty ont de l’humour et le font
partager.
Le groupe rend un hommage posthume au défunt cerf Gilbert -du moins ce qu’il en reste- en reprenant ' enjoy the silence ' de Depeche Mode.
Alors que le livret de l’album annonce ' Le cirque Moriarty ', on imagine aisément Rosemary sous le grand chapiteau du cirque Tetrallini, présenté les uns après les autres les ' Freaks ' de la
monstrueuse parade de Tod Browning, ou alors dans un cabaret de la ' Belle époque ', ou encore en tôlière derrière le comptoir d’une maison close…
Moriarty se présente comme un groupe Franco-américain, et c’est vrai que leur musique sent l’Amérique, celle des saloons, des grands espaces, du désert, de ces routes qui ne se terminent
jamais…
Ce concert est donc un road-trip lors duquel nous traversons l’Amérique à bord d’une vieille mustang décapotable, le vent souffle dans l’harmonica posé sur le tableau de bord, le sable s’envole
et caresse la guitare étendu sur le siège arrière, la batterie et la contrebasse rythment le bruit étrange du moteur fatigué. Le prochain saloon est annoncé dans quelques miles…' l’Appel d’air,
Bar où on danse tard la nuit ' annonce le panneau....
Photos : Nicolas Ollier (concert au vauban à Brest, mercredi 7 mai 2008)