Hong Kong : un miracle économique qui se poursuit
Publié Par Jean-François Minardi, le 28 novembre 2013 dans Économie internationaleHong Kong représente l’un des exemples les plus frappants et concluants au monde d’une société qui est parvenue à sortir du sous-développement en s’appuyant sur des politiques libérales.
Par Jean-François Minardi.
Un article de l’Institut économique de Montréal.
Hong Kong est aujourd’hui une porte d’entrée pour les investisseurs étrangers en Chine et dans le reste de l’Asie et l’une des sociétés les plus prospères au monde. Le produit intérieur brut par habitant des Hongkongais est même supérieur à celui des Britanniques1. Pourtant, après la Seconde Guerre mondiale, ce minuscule territoire de l’Empire britannique dépourvu de ressources naturelles était confronté à une problématique de pays en développement, avec une population pauvre en pleine expansion. En 1960, le revenu moyen par habitant ne représentait toujours que 28% de celui des habitants de la lointaine métropole2. Qu’est-ce qui explique ce miracle économique et le dynamisme actuel de l’économie de Hong Kong ?
De la misère à la richesse
Lorsque l’occupation japonaise a pris fin en 1945, l’économie de Hong Kong était complètement dévastée. De plus, avec la mise en place d’un embargo sur le commerce avec la Chine en 1951 lors de la guerre de Corée, Hong Kong n’était plus en mesure de maintenir le commerce d’entrepôt sur lequel reposait une grande partie de son activité économique traditionnelle3.
Le territoire est néanmoins parvenu à relever ce défi en trouvant de nouvelles sources de développement qui ont été à l’origine du décollage industriel des années 1950. Il a largement profité pour cela de l’arrivée de centaines de milliers de réfugiés fuyant la guerre civile à la recherche d’un emploi, de même que des entrepreneurs, du savoir-faire et des capitaux de Shanghai, la grande ville capitaliste chinoise de l’époque.
Les entrepreneurs de Hong Kong ont créé durant cette période un nombre impressionnant de petites et moyennes entreprises, surtout dans le secteur du textile. Ces PME, qui se diversifièrent progressivement dans l’habillement, l’électronique et les plastiques, produisaient essentiellement pour répondre à la demande croissante de produits manufacturés bon marché en Amérique du Nord et en Europe. Leur succès fut remarquable et le niveau des exportations est passé de 54% du PIB dans les années 1960 à 64% dans les années 19704.
L’industrialisation rapide des années 1950 s’explique par un contexte où les droits de propriété étaient protégés, le pouvoir judiciaire était indépendant et les tribunaux impartiaux, ainsi que par un minimum d’interférence de la part des autorités coloniales dans les échanges internationaux.
Alors que la Grande-Bretagne mettait en place un État-providence très interventionniste, le territoire a également tiré avantage d’une politique économique foncièrement libérale incarnée par Sir John Cowperthwaite, le secrétaire aux Finances de Hong Kong entre 1961 et 1971. Malgré l’opposition de Londres mais avec le soutien de la communauté d’affaires locale, Cowperthwaite a misé sur le libre-échange, la non-intervention de l’État dans l’économie, une politique budgétaire stricte, un niveau d’imposition des particuliers à taux unique de 15% et un marché du travail flexible5.
Cette politique économique, qui favorisait la concurrence et l’esprit d’entreprise, a créé les conditions d’une croissance économique très rapide. C’est à cette époque que Hong Kong est devenu l’un des quatre tigres asiatiques avec Singapour, la Corée du Sud et Taïwan.
Le PIB réel par habitant de Hong Kong a été multiplié par neuf entre 1961 et 2009 (voir Figure 1). Le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat est aujourd’hui le 13e le plus élevé au monde6. Hong Kong est ainsi parvenu, en quelques décennies seulement, à faire de son économie l’une des plus prospères au monde.
D’une économie manufacturière à une économie de services
La première phase du développement de Hong Kong s’était appuyée sur l’industrie manufacturière. Les réformes économiques en Chine continentale et la politique d’ouverture aux investissements étrangers, mises en place par Deng Xiaoping à partir de 1978, vont profondément modifier la nature de l’économie de Hong Kong pendant les années suivantes.
Dès la fin des années 1970, le secteur manufacturier de Hong Kong commença à décliner en raison d’une augmentation du prix de la terre et des salaires. Toutefois, l’intégration économique accrue de Hong Kong à la Chine continentale lui a permis de relocaliser sa production dans les zones économiques spéciales du Guangdong, la province limitrophe de Hong Kong.
Ces zones, mises en place à partir de 1980, offraient aux investisseurs de Hong Kong l’occasion de renforcer leur compétitivité en s’appuyant sur une main-d’œuvre abondante et bon marché, tout en profitant des mêmes conditions de non-interventionnisme de l’État chinois qu’à Hong Kong. Entre 1978 et 1997, le commerce entre Hong Kong et la République populaire de Chine a augmenté à un taux moyen de 28% par an. À la fin de 1997, les investissements directs de Hong Kong représentaient presque 80% de l’ensemble des investissements directs étrangers au Guangdong7.
Ces nouveaux développements ont considérablement modifié l’économie de Hong Kong. La part de l’industrie dans l’économie a décliné, passant de 31% en 1980, à 14% en 1997 et 8% en 2008 ; la part du secteur des services a de son côté considérablement augmenté, passant de 68% en 1980, à 86% en 1997 et 92% en 20088.
L’économie de Hong Kong est devenue depuis 1997 un centre de services à haute valeur ajoutée (finance, gestion, logistique, conseil aux entreprises, commerce, etc.), autant pour les entreprises chinoises désirant se lancer sur les marchés internationaux que pour les entreprises du monde entier désirant avoir accès aux marchés de la Chine continentale et du reste de l’Asie.
Le maintien des institutions libérales
À partir du début des années 1980, la perspective d’un retour prochain de Hong Kong à la souveraineté chinoise suscite une grande incertitude en ce qui a trait au maintien des institutions qui avaient fait la prospérité du territoire. Cette crainte a toutefois rapidement été apaisée.
Dans le cadre de la Déclaration conjointe sino-britannique du 19 décembre 1984, il a été établi que Hong Kong cesserait d’être un territoire sous contrôle britannique le 1er juillet 1997. Le principe « un pays, deux systèmes » fut également affirmé à cette occasion. Il octroie, à l’exception des affaires étrangères et de la défense nationale, une large autonomie au territoire et lui permet de garder son système capitaliste ainsi que son mode de vie pendant une période de 50 ans, jusqu’en 2047.
Hong Kong est désormais une région administrative spéciale de la République populaire de Chine qui a conservé l’essentiel du système politique, judiciaire, économique et financier qui caractérisait la colonie lorsqu’elle était dans le giron britannique. Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir politique et continue d’opérer dans le cadre de la « common law » héritée des Britanniques. Le droit de propriété est garanti par la Loi fondamentale, qui sert aujourd’hui de constitution à la région administrative spéciale de Hong Kong, et les citoyens jouissent de l’ensemble des libertés individuelles.
Selon l’indice de liberté économique dans le monde de l’Institut Fraser, l’économie de Hong Kong est la plus libre au monde depuis 1970 (voir Figure 2). Cette liberté économique s’appuie sur trois éléments :
1. Un État de taille réduite
Les dépenses publiques en pourcentage du PIB sont de seulement 19,2% à Hong Kong alors qu’elles sont de 42,9% au Canada9. L’impôt sur le revenu des particuliers est un impôt à taux unique de 15% et l’impôt sur les bénéfices des entreprises est de 16,5%10. Il est important de noter qu’il n’y a pas de taxes sur les ventes, sur les dividendes et sur les gains en capital.
2. Une réglementation souple et efficace de l’activité économique
Hong Kong est le deuxième endroit au monde où il est le plus facile de faire des affaires, selon le rapport Doing Business de la Banque mondiale qui mesure annuellement le coût pour les entreprises de la réglementation des affaires11. Hong Kong a toujours eu un marché du travail flexible même si la législature a adopté en 2011, pour la première fois de son histoire, une loi sur le salaire minimum. Enfin, le dollar de Hong Kong est une devise stable et pleinement convertible.
3. L’ouverture aux échanges internationaux
Hong Kong ne prélève aucun droit de douane et n’impose aucun quota. L’essentiel des échanges de marchandises se fait avec la Chine continentale, qui comptait en 2012 pour 54,1% de la valeur totale des exportations et pour 47,1% des importations12. Il n’y a pas non plus de restrictions à l’entrée ou au rapatriement du capital, ni sur la conversion et le transfert des bénéfices et des dividendes provenant d’investissements directs. Cela explique que Hong Kong se soit classé troisième dans le monde après les États-Unis et la Chine continentale en termes d’entrées d’investissements directs étrangers en 2012 et au quatrième rang après les États-Unis, le Japon et la Chine continentale pour ce qui est des sorties13.
La libre circulation des capitaux a contribué à faire de Hong Kong un centre financier international de première importance. Ainsi, en septembre 2012, la bourse de Hong Kong était la sixième en importance au monde et la deuxième plus grande en Asie en ce qui a trait à la capitalisation14. Selon le Global Financial Centres Index, Hong Kong est également le centre financier le plus concurrentiel en Asie et le troisième au monde derrière Londres et New York15.
Les règles du jeu sont équitables pour tous les investisseurs, qu’ils soient des résidents de Hong Kong ou non. Il n’y a pas de restrictions sur la propriété étrangère et les étrangers peuvent investir dans une entreprise locale et détenir jusqu’à 100% du capital16. La propriété intellectuelle est protégée et Hong Kong est l’une des sociétés les moins corrompues au monde17.
L’accès pour les investisseurs étrangers est facilité par le fait que Hong Kong a conclu en 2003 un accord de partenariat économique renforcé (CEPA) avec la Chine continentale.
Désormais, la presque totalité des biens et des services produits à Hong Kong peuvent entrer sur le marché de la Chine continentale sans payer de droits de douane. Il est important de noter que les entreprises étrangères peuvent bénéficier des mêmes conditions en externalisant leurs activités ou en constituant une coentreprise avec une firme de Hong Kong.
Hong Kong va entamer en 2014 des négociations sur un accord de libre-échange avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) qui regroupe dix pays de la région. Les membres de l’ASEAN ont pour objectif de constituer un marché unique d’ici 2015. L’association est constituée à la fois de pays émergents comme l’Indonésie, la Malaisie ou la Thaïlande, dont la classe moyenne est en pleine expansion, et de pays en développement avec un faible coût de main-d’œuvre comme le Viêt Nam, le Laos, la Birmanie ou le Cambodge.
La signature d’un accord de libre-échange avec l’ASEAN permettra de plus à Hong Kong de participer aux négociations de l’Accord de partenariat économique régional intégral. Ce projet a pour ambition de créer d’ici 2015 une vaste zone de libre-échange des biens, des services et des investissements entre les pays membres de l’ASEAN et les pays avec lesquels l’organisation a signé des traités de libre-échange (l’Australie, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud et la Nouvelle-Zélande). Un tel traité couvrirait donc l’ensemble des grandes économies de l’Asie.
Conclusion
Hong Kong représente l’un des exemples les plus frappants et concluants au monde d’une société qui est parvenue à sortir du sous-développement en s’appuyant sur la liberté économique. Avec le passage à la souveraineté chinoise, Hong Kong a conservé l’essentiel de ses libertés et maintenu le dynamisme de son économie. La prospérité future du territoire dépendra en grande partie de la préservation des institutions libérales et du maintien des politiques économiques qui l’ont si bien servi jusqu’à présent.
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Sur le web.
- Le produit national brut par habitant en parité de pouvoir d’achat des résidents de Hong Kong est 40% plus élevé que celui des Britanniques (52 830 $US par rapport à 37 860 $US). The World in figures: Hong Kong et United Kingdom, The Economist, 21 novembre 2012. ↩
- Milton Friedman, « The Hong Kong Experiment », Hoover Digest, no 3, 1998. ↩
- Le commerce d’entrepôt est un commerce qui s’appuie sur l’importation et la réexportation de marchandises à l’abri de la perception d’un droit de douane ou de taxes. ↩
- Catherine Schenk, « Economic History of Hong Kong », EH.Net Encyclopedia, 16 mars 2008. ↩
- Milton Friedman, op. cit., note 2. ↩
- Central Intelligence Agency, The World Factbook. Country Comparison: GDP per capita (PPP), 2012. ↩
- Catherine Schenk, op. cit., note 4. ↩
- Kui-Wai Li, Economic Freedom: Lessons of Hong Kong, 2012, p. 53. ↩
- Heritage Foundation, Index of Economic Freedom, 2013. ↩
- Kui-Wai Li, op. cit., note 8, p. 507. ↩
- The World Bank, Ease of Doing Business in Hong Kong SAR, China, 2014. ↩
- Hong Kong Special Administrative Region Government, Hong Kong: The Facts. Coming to Hong Kong, 2013. ↩
- United Nations Conference on Trade and Development, World Investment Report 2013, 2013, p. xiv-xv. ↩
- Hong Kong Special Administrative Region Government, Hong Kong: The Facts. Financial Services, 2013. ↩
- Z/Yen Group, The Global Financial Centres Index 14, septembre 2013. ↩
- À l’exception des entreprises publiques et dans les secteurs de la radiodiffusion et de la câblodistribution, où la participation étrangère ne peut dépasser 49%. Deloitte Touche Tohmatsu Limited, Taxation and Investment in Hong Kong, 2013, p. 2. ↩
- Hong Kong est classé 14e dans l’Indice de perception de la corruption 2012 de Transparency International, devant des pays comme le Japon, le Royaume-Uni, les États-Unis et la France. ↩