Magazine France

Retraites: quand le Figaro défend l'euromillion de Philippe Varin.

Publié le 28 novembre 2013 par Juan
Retraites: quand le Figaro défend l'euromillion de Philippe Varin. Pour vingt millions d'euros, on n'a vraiment plus rien. Ou beaucoup trop.
20 millions d'euros, c'est beaucoup et trop peu à la fois. C'est peu pour les retraités, le bonus du jour que se partageront 570.000 retraités au titre d'une meilleure indexation de leur minimum vieillesse.
20 millions d'euros, c'est beaucoup pour un seul homme. Comme la cagnotte de l'euro-million, ou ... la retraite d'un président de PSA.
On découvre donc que d'indécentes retraites-chapeaux sont toujours en vigueur. On a oublié qui devait donc "moraliser le capitalisme financier".
Retraite discrète
Foutage de gueule ! s'est indignée Anne Rosencher dans les colonnes de Marianne.net. Philippe Varin quitte PSA, comme quelque 8.000 autres salariés. Mais lui, c'est l'ancien patron. Les autres sont licenciés ou envoyés en pré-retraites. Philippe Varin, président du directoire de PSA depuis moins de cinq ans, devait partir en janvier avec 21 millions d'euros de retraite chapeau réglés par le groupe. Philippe Varin voudrait-il provoquer l'opinion qu'il n'aurait pas fait mieux. Même les instances dirigeantes du MEDEF se sont émues. L'organisation patronale a annoncé qu'elle se "saisissait" de l'affaire. Un cas pareil, en pleine crise, alors que les débats sur la réforme fiscale commencent, ça fait tâche.
Pire, le récent accord compétitivité/emploi signé le 24 octobre dernier avec 4 des 6 syndicats, sous l'égide du ministre du Redressement productig Arnaud Montebourg, prévoyait gel des fermetures d'usines et des salaires en 2014 (avec revalorisation au prorata des performances de l’entreprise jusqu’en 2016), mobilité volontaire, réduction des RTT et flexibilité accrue sur le temps de travail, le tout pour dégager environ 125 millions d'euros d'économies pour l'entreprise.
Dans les colonnes de la presse conservatrice, patrons, économistes et éditocrates en tous genres se succèdent pour expliquer combien les entreprises françaises sont trop taxées. Pourtant, ce PSA en difficulté, incapable de dénicher un patron en son sein (quel management de la relève !) , a trouvé de quoi réserver l'équivalent de 1082 années de SMIC pour les vieux jours de son futur ex-président.
Sauver le soldat Varin
Assez rapidement, quelques plumes viennent à sa rescousse.
Environ un million de Français, dans 11.000 entreprises, bénéficient de retraites-chapeau, précise le Figaro . Ouf ! On est rassuré ! Philippe Varin n'est pas seul ! En fait, le Figaro précise que ce "régime de retraite qui vient s'ajouter aux régimes de retraite obligatoires", intégralement financé par l'employeur, est loin d'être aussi généreux habituellement: "Dans la moitié des cas, les bénéficiaires perçoivent cependant une rente inférieure à 2000 euros par an, loin des 310.000 euros qui devraient être perçus par Philippe Varin." La précision est d'importance. Car le Monde avance d'autres données: "En août 2009, date des dernières estimations officielles diffusées par le gouvernement, 761 cadres dirigeants d'entreprises françaises bénéficiaient de ces régimes d'exception."
Pire, le Figaro nous rappela fort opportunément combien les retraites des fonctionnaires étaient bien plus scandaleuses (sic!). dans un article sobrement titré "Retraites des fonctionnaires : un gouffre pour l'État", Guillaume Guichard, aidé du service infographie de son journal, nous assénait quelques vérités: "Les retraites des fonctionnaires souffrent d'un déséqui­libre abyssal; (...) d'après les calculs actualisés du COR, seul un quart des pensions est financé par les cotisations salariales." Et d'ajouter: "L'État, qui ne verse pas à proprement parler de cotisation employeur, subventionne discrètement les retraites des fonctionnaires à hauteur de… 73 % de ses besoins. Concrètement, la facture atteindra 37,3 milliards d'euros cette année, selon les prévisions du COR". Le zélé journaliste aurait pu rappeler que les cotisations des non-salariés agricoles ne couvrent que 13% des pensions...
Le même est même allé interrogé Bruno Chrétien, le président de l'Institut de la protection sociale, un thinktank sur les questions de retraites, pour commenter: "une majorité de fonctionnaires bénéficient d'un “coup du chapeau” avant leur départ en retraite, une forte augmentation de traitement dans les six derniers mois de leur carrière".
Avez-nous noté la très habile utilisation du terme "chapeau" ?
Osons une question sacrilège: comment peut-on qualifier de "discret" un financement à hauteur de 37 milliards d'euros en 2013 ? Osons une question de mémoire: pourquoi ce journaliste du Figaro était-il aussi "discret" quand, en juin 2010 Eric Woerth passait "discrètement" sous le tapis ce financement de l'Etat pour clamer que la réforme Sarkozy plaçait l'ensemble des régimes de retraite à l'équilibre ?
Finalement, le Conseil d'Orientation des Retraites, dont ce journaliste avait pompé le rapport mensuel pour livrer cette charge urgente, corrigea quelques incorrections: l'Etat ne verse pas des subventions mais des cotisations.
Face au tollé, M. Varin a choisi la voie de la sagesse. Il a renoncé, apprenait-on mercredi soir. 
Et la retraite des petits ?
Fâcheuse coïncidence, la réforme Ayrault des retraites a finalement été adoptée la veille de cette révélation outrancière. Le parcours législatif fut aussi rocambolesque que les oppositions dispersées. Cette réforme, critiquée ici et ailleurs pour l'injustice de sa disposition phare - l'allongement que l'on devine sans fin de la durée de cotisations, a été amendée dans tous les sens au Sénat pour être vidée de toute substance et retoquée à l'unanimité.
A l'Assemblée, pour éviter tout détricotage, le gouvernement a préféré recourir au vote bloqué, après deux gestes symboliques pour les petites retraites: primo, le minimum vieillesse sera revalorisé à deux reprises en 2014 - alors que l'indexation annuelle des pensions a été reculée d'avril à octobre pour le cas général. la mesure concerne 570.000 personnes, pour un coût global d'environ 20 millions d'euros.
Secundo, le gouvernement a renforcé de 50 euros l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (environ 500 euros par an pour les plus de 60 ans), soit 15 millions d'euros au total.
Vingt millions, somme indécente quand il s'agit d'un seul, patron d'une entreprise qui supprime par ailleurs 8.000 postes. Vingt millions, somme insuffisante pour quelque centaines de milliers de retraités modestes.
[NDR: cet exemple fournit une excellente démonstration de l'incroyable décalage des situations. La lutte des classes est bien là.]

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Juan 53884 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte