En marchant est la nouvelle exposition qui se tient en ce moment au CRAC de Sète. Elle est consacrée à l'artiste britannique Hamish Fulton, ancien élève de la Saint Martin's School, et qui a côtoyé Richard Long. Il a réalisé à ses côtés ses premières marches, qui vont devenir le point de départ systématique de ses œuvres : « Si je ne marche pas, je ne peux pas faire une œuvre d'art. »
Hamish FULTON, Mountain Skyline, 2012 (Pyrenées) 2130 x 546 cm. © Hamish FULTON. Photo: Crac Languedoc-Roussillon, Sète
Les murs du rez-de-chaussée sont investis par des peintures murales. Certes monumentales, elles n'ont pas le relief des chaînes de montagnes qu'elles représentent. C'est à l'aide d'un savant mélange entre outils visuels – formes, couleurs – et de langage – lettres – que l'artiste nous fait part des différents paysages qu'il a traversés. Chaque peinture contient du texte, qui nous renseigne froidement sur la durée et les lieux de ces marches : « Un voyage de 18 jours de marche depuis Valence sur le Rhône jusqu'à la côte Basque à la frontière Atlantique entre la France et l'Espagne printemps 1995 ». Des formes géométriques évoquent platement le paysage, un cercle renvoie à la lune, un triangle à la montagne, ainsi que les couleurs, bleu pour l'eau, blanc pour la lune, gris pour la nuit. Parfois, c'est la disposition du texte qui est symbolique, ainsi les mots Brain, Heart, Lungs (Cerveau, Cœur, Poumon) écris les uns sous les autres représentent un corps. Pour The Way (Le Chemin), l'artiste utilise un pictogramme, cette écriture imagée de l'Asie, point d'orgue de ce glissement entre texte et image qui ici ne font plus qu'un.
Hamish FULTON, The way, 1996 (Japon) 557,5 x 543 cm. © Hamish FULTON. Photo: Crac Languedoc-Roussillon, Sète
Il ne s'agit pas pour Hamish Fulton de dessiner les paysages qu'il a vus, ni de se photographier en train de marcher, mais à chaque fois, de nous renvoyer à l'idée de ces choses. Ainsi, ces images que nous devons reconstituer mentalement, nous renvoient aux marches qu'il a véritablement réalisées, c'est-à-dire à des expériences physiques qu'il a vécues. Or l'artiste s'est intéressé à des courants spirituels comme le bouddhisme ou le zen qui ne distinguent pas l'espace physique de l'espace mental. La marche l'a conduit à la méditation, et l'expérience physique à l'expérience spirituelle. L'interaction entre l'activité du corps et celle de l'esprit est un aspect primordial de son travail.
Hamish FULTON, Brain Heart Lungs, 2000 (Tibet) 689 x 543 cm. © Hamish FULTON. Photo: Crac Languedoc-Roussillon, Sète
Les dimensions physiques et performatives sont mises en évidence à l'étage. D'abord une vidéo montre une performance collective réalisée par l'artiste sur une plage d'Angleterre où plusieurs personnes marchent en cercle. Une série de photos de sentiers, placée non pas à hauteur de vue mais du tronc, évoque le lien entre le corps et la nature. Enfin, Walking into the distance beyond imagination, qui s'étale en largeur le long d'un couloir étroit, oblige le visiteur à faire plusieurs allers-retours pour le lire.
Hamish FULTON, A 31 Day Road Walking Journey, 1994 (Europe) 1050 x 430 cm. © Hamish FULTON. Photo: Crac Languedoc-Roussillon, Sète
Ainsi, ces images impalpables, qui relèvent plus de la pensée que de la peinture, laissent l'espace d'exposition entièrement vide. C'est donc en s'impliquant physiquement, en parcourant ce paysage imaginaire, en piétinant d'un étage à l'autre, que le spectateur peut accéder à la réflexion et décrypter les œuvres. Il s'agit d'un véritable périple du corps et de l'esprit.
Ophélie.
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Hamish Fulton, En marchant, Du 30 octobre 2013 au 02 février 2014, CRAC Languedoc-Roussillon de Sète. Ouvert de 12h30 à 19h. Fermé le mardi. ENTRÉE LIBRE.