Au Lucernaire, la Compagnie des Camerluches présente un texte de Jacques Hadjaje, auteur qui rejoignit l'équipe il y a bientôt dix ans et lui offrit depuis "Dis-leur que la vérité est belle" ou "Adèle a ses raisons", deux succès que vous avez peut-être applaudis. "Entre temps j'ai continué à vivre" (titre de cette création) prend la forme de neuf tableaux. Neuf tranches de vie succinctes évoquant la difficulté, pour l'homme, d'avancer chargé d'un passé parfois pesant ou encombrant. Un travail appliqué, rigoureux, aux intentions louables, auquel nous fûmes relativement hermétiques, en raison d'une partition disparate, effleurant les situations plus qu'elle ne les explore, et d'un ton qui se cherche une heure quinze durant. Frustrant...
Décor commun à l'ensemble des saynètes qui nous sont proposées : une ville minière de l'est de la France dont le dernier puits exploitant un gisement de charbon vient de stopper toute activité. Tandis que la population manifeste dans les rues en guise de protestation, les protagonistes (un couple, des ami(e)s, des frères et soeurs, des ouvriers, un marathonien...) voient resurgir leur passé, plus ou moins douloureux, et tentent de l'apprivoiser. Certains y parviendront.
Evoluant sur une sorte de malle géante transperçant littéralement le plateau et semblant renfermer les histoires, les secrets des uns et des autres (scénographie signifiante réussie !), cinq acteurs au jeu profondément nourri interprètent les dix-huit rôles de cette pièce chorale. L'ouvrage de Jacques Hadjaje n'est pas sans faire penser à un recueil de nouvelles. Pourrait s'avérer plaisant. Mais la forme courte est un art délicat à manier. Les "nouvelles" sont ici trop nombreuses. Tout va trop vite. Le dramaturge-metteur en scène veut dire trop de choses. A peine un climat est-il installé qu'un autre lui succède. Les personnages défilent. Se débattent, souvent en vain, pour exister. Et ce bout à bout peine au final à constituer un tout, empêchant le public de véritablement rentrer dans le spectacle.
De jolies images qui n'ont hélas le temps de nous parler ou de nous émouvoir...
Photos : Pierre Dolzani