Les éditions Flammarion ont publié tout récemment Écrits sur la poésie, 1981-2012 de Jean-Paul Michel.
La chaussure de Giacometti
Le défi c’est les choses : la résistance, la lourdeur, l’étrangeté des choses.
Comment un poème pourrait-il leur « répondre » ? Se porter par des signes à la hauteur de leurs poids de silence ?
Comment un poème pourrait-il « tenir » aussi bien que les choses ?
La meilleure figure de cette difficulté : Giacometti. Il sculpte en enlevant, et quand il ne reste presque rien, leste le solde d’une lourde chaussure de métal.
Il n’est pas interdit à la poésie de tenter d’agir à son exemple en usant de la ressource typographique pour tenter de produire un équivalent visuel lisible de la double commande contradictoire qui gouverne le projet de ces propitiations.
Des caractères courts, lourds et trapus, pour un sol solide où assurer son pas (littéralement : un bas de casse) et une poignée d’eau, de minuscules et d’étaoiles pour les lignes légères des parties hautes de poème (ce qui reste, quand on a presque tout enlevé de ce qui pèse).
Nice, 15 Août 1997
Bordeaux, 15 juin 2013
Jean-Paul Michel, Écrits sur la poésie, 1981-2012, Flammarion, 2013, p. 117.