Indéniablement et c'est la principale qualité que je trouve à ce roman, l'auteure sait "claquer" les phrases. page 92 : Je ne sais pas si c'est un passage obligé,mais quand on a perdu un bébé on se rend compte qu'on peut donner la mort. C'est une possibilité. Donner la vie/donner la mort. Donner la vie donner la mort. Le corps peut fabriquer l'un ou l'autre. Pas forcément par notre faute, pas du tout notre décision. On est dépossédée du choix. Tu voulais un bébé vivant ? Tu en as un mort. Tu voulais un bébé mort ? Il est vivant. Tu as un bébé vivant ? Il peut mourir. On ne pense pas assez à la mort quand on donne la vie.
Ce court extrait résume le livre : Julie Bonnie y parle de vie, de mort, d'abandon, de déception, d'adaptation et parfois de résignation. Le contenu confronte la forme : les phrases écorchées souvent malhabiles décrivent pourtant le vrai. Julie Bonnie n'évite malheureusement pas l'écueil du toujours pire : un corps médical en pleine débâcle (contraignant les parturientes à l’allaitement exclusif) et oublieux de sa propre souffrance, une jeune femme qui n'arrive plus à se réaliser dans ce qu'elle fait, nostalgique d'un passé artistique aux débuts joyeux et qui vire au tragique.
Tout est sombre dans ce livre : sans enjoliver le climat hospitalier et la pression exercée sur les femmes d'aujourd'hui, le discours énoncé me paraît excessif. L'auteure veille à ne pas plonger son lectorat dans la sinistrose en alternant souvenirs auprès de Gabor, des Pierre, de Paolo et puis auprès des enfants et la visite des chambres de la maternité (chacune représentant une personnage féminin, une mère possible). La lecture est aisée mais rien ne m'a retenu au texte : le phrasé ne m'a guère enthousiasmée, les scènes décrites dans les hôpitaux déjà lues chez Winckler et consorts. Je regrette l'absence de nuance (normal, me direz-vous, de la part d'une dépressive, ce que semble devenir Béatrice): aucun homme ne tient la route (à part un ou deux et encore, en quelques rares moments de leur paternité), les justes sont lourdés au profit des comploteurs : Julie Bonnie semble se complaire dans cet univers morbide où pourtant nait la nouvelle génération. Et que de deuils, il faudra affronter avant de clore Chambre 2. Je prendrai bien un Prozac, tiens !
Éditions Belfond
Rentrée littéraire 2013
emprunté à la bibliothèque
avis : Sharon, Clara , Kathel,
et un de plus pour les challenges d'Anne, de Piplo et d'Asphodèle (Prix du roman FNAC 2013 : un vrai mystère pour moi)