Les bienfaits de la démocratie directe
Publié Par Jacques Garello, le 27 novembre 2013 dans PolitiqueLa fronde actuelle, et la révolte des Bretons, ne sont-elles pas les marques d’une volonté de rompre avec la démocratie centralisée ?
Par Jacques Garello.
Un article de l’aleps.
La démocratie à la Suisse
Prenons quelques exemples spectaculaires de ces « votations » qui marquent la volonté des citoyens helvétiques de contrôler le pouvoir politique.
- En juillet 2001, un nouvel article constitutionnel, le « frein à l’endettement », est approuvé par référendum par 85% de la population et 100% des cantons. Pour éponger la dette, 83% des Suisses avaient estimé qu’il fallait réduire les dépenses publiques. À partir de 2006, le budget fédéral est en excédent et la dette est réduite à 30% du PIB.
- Le 15 février 2008, le Conseil Fédéral demande au peuple de revenir sur une votation demandant l’expulsion des étrangers criminels ; la votation rejette la demande.
- Le 6 mai 2008, les électeurs ont à se prononcer sur une initiative populaire sur « l’équité fiscale » prévue dans un texte qui dit « stop aux abus de la concurrence fiscale (entre cantons) ». 59% des électeurs rejettent ce texte : les Suisses aiment la concurrence fiscale.
- Le 10 juin 2010, le Conseil Fédéral revient à la charge sur l’expulsion des étrangers criminels et soumet la mesure une fois de plus et, une fois de plus, elle est rejetée par 53% des citoyens.
- Le 8 novembre 2010, tous les cantons et 58% des électeurs ont refusé le projet socialiste « pour des impôts équitables » taxant les plus hauts revenus.
- Le 13 février 2011, les Suisses rejettent par 56% des voix une proposition d’initiative populaire tendant à limiter l’achat et la détention d’armes de guerre par les particuliers.
Ainsi, les sujets sur lesquels portent les référendums sont d’une grande variété et l’initiative appartient tantôt au Conseil Fédéral, tantôt aux cantons, tantôt aux citoyens pour contester une loi fédérale (50.000 citoyens) ou pour soumettre une pétition (100.000 signatures sur 18 mois).
La participation n’est jamais massive, mais cela semble normal et il y a un délai très long entre le moment où la question est soulevée et celui où intervient la votation, le plus souvent deux ans environ. Cela permet de donner toutes les informations voulues aux électeurs. En cours de route, plusieurs projets disparaissent. On est loin de la production en chaîne de textes que personne ne comprend, comme c’est le cas en France, où le Parlement se félicite de voter plus de 1.000 lois par an, qui se prolongeront par des milliers de décrets et d’arrêtés.
Si les Suisses vivent ainsi leur démocratie, c’est qu’ils sont très attachés à rappeler à tout propos que ce sont les électeurs, et non les gouvernants, qui détiennent le pouvoir.
Les bienfaits du fédéralisme
Une des raisons pour lesquelles la Suisse pratique la démocratie directe est sans doute la structure fédérale du pays. Certes, depuis fort longtemps (1515 peut-être), la Suisse n’est pas une confédération au sens strict, ce qui signifie que les cantons ont renoncé à faire sécession (bien que la question ait été relancée avec le canton du Jura). Mais les cantons gardent une large autonomie et le pouvoir confédéral ne peut leur imposer des lois et des impôts sans leur consentement, qui est souvent refusé. En tous cas, l’administration « confédérale » est réduite à sa plus simple exception.
On trouve les mêmes caractéristiques en Allemagne, au Canada, et le pouvoir local a beaucoup plus d’importance que le pouvoir central dans de nombreux pays comme l’Espagne (allant jusqu’à la pétition d’indépendance des Basques et des Catalans), l’Italie (avec la puissance des régions du Nord et de la ligue lombarde). Il n’y a guère qu’aux États-Unis que la tendance centralisatrice s’affirme depuis quelques décennies, en dépit des réactions de la Cour Suprême.
La France est délibérément jacobine, dans la tradition de l’Ancien Régime d’ailleurs. Est-ce un argument pour dire que les citoyens ne peuvent avoir d’initiative référendaire ? Je ne le crois pas, bien au contraire c’est peut-être le seul contrepoids possible aux abus du pouvoir central. Sans doute faudra-t-il en venir tôt ou tard à la renaissance des provinces et des pays, se substituant au « millefeuille » administratif actuel. Mais pour amorcer une véritable évolution vers la démocratie directe, le referendum d’initiative populaire est un instrument efficace. La fronde actuelle, et la révolte des Bretons, ne sont-elles pas les marques d’une volonté de rompre avec la démocratie centralisée ?
Restauration du droit référendaire
La première liberté que l’on devrait rendre aux Français, c’est celle de rejeter les lois votées par le Parlement et d’instaurer le referendum négatif, ou referendum « véto », comme en Italie, à partir de pétitions qui devraient recueillir 500.000 signatures. Pourquoi ne pas avoir soumis à référendum les lois de Madame Taubira, dont beaucoup de ministres eux-mêmes ne voulaient pas ? Le recueil des signatures et la rencontre des pétitionnaires devraient déjà rendre les élus plus prudents et diffuser une information plus sincère sur les divers aspects de la question évoquée.
Vaut-il mieux soumettre la loi à la rue, pour la valider ou pour l’abroger ?La deuxième étape à franchir est celle de l’initiative populaire et du referendum positif : « le peuple législateur » disait Rousseau. Il faut instaurer constitutionnellement un partage de l’initiative législative entre les citoyens et leurs représentants. Cela aurait pour mérite de mettre les élus sous contrôle permanent des électeurs, ce qui ne se produit aujourd’hui – et de façon inégale – qu’au moment des échéances électorales.
C’est dans le domaine de la fiscalité que le référendum est le plus efficace, car les gouvernants ont besoin d’argent pour étendre leur pouvoir. Aujourd’hui, ils ne craignent pas l’ingérence des contribuables dans le débat fiscal, contrairement à l’article 3 de la Déclaration Universelle qui posait le principe de l’impôt consenti et limité.
Restaurer le droit référendaire, c’est rappeler l’origine de la « souveraineté populaire ». Elle a fleuri partout dans le monde libre pour faire pièce à la souveraineté absolue d’un monarque ou d’une caste. Il est surprenant que l’on parle à tout propos de la République (jusqu’à évoquer « les droits de la République » qui ont un parfum de Terreur) alors même que les citoyens ont perdu tout pouvoir politique, autre que celui de voter pour des « représentants » qui ne respectent en rien les préférences et les désirs des « représentés ». La démocratie française n’est plus une démocratie représentative, c’est une démocratie de représentation, un spectacle permanent, qui tourne maintenant à la tragi-comédie, et que nous payons en chômage, en injustice, en arbitraire, en insécurité.
—
Sur le web.