
Antonio Visentini (Venise, 1688-1782) et
Francesco Zuccarelli (Pitigliano, 1702-Florence, 1788) ,
Paysage avec un arc de triomphe à George II, 1746
Huile sur toile, 81,5 x 132 cm, The Royal Collection
© Her Majesty Queen Elizabeth II
Lorsqu'en 1998, alors que la crise du disque n'avait pas encore fait les ravages que l'on connaît aujourd'hui, Jordi Savall avait décidé de s'affranchir des circuits traditionnels et de créer son propre label, nul ne pouvait imaginer que ce qui était apparu alors comme un pari un peu fou était, en fait, une fabuleuse intuition. À sa suite, nombre de chefs ont décidé de se lancer dans l'aventure, comme John Eliot Gardiner, Philippe Herreweghe ou, tout récemment, William Christie. Mue par le même désir d'indépendance, c'est aujourd'hui à une véritable institution, l'Academy of Ancient Music, de devenir son propre éditeur et de nous proposer, l'année même de son quarantième anniversaire, son premier né, une anthologie orchestrale intitulée Birth of the Symphony.
La symphonie va réellement commencer à s'imposer comme genre indépendant en Europe dans les années 1740, quittant progressivement le statut d'ouverture d'opéra, dont elle va néanmoins conserver un certain temps la structure vif-lent-vif. En effet, celle qui nous paraît aujourd'hui évidente, à savoir le schéma classique en quatre mouvements avec menuet et trio en troisième position, a mis du temps à se fixer. Sans entrer dans les détails, les évolutions de cet hybride qu'est la symphonie peuvent être regardées comme une « contamination » de l'ouverture d'opéra par d'autres genres qui fleurissaient au début du XVIIIe siècle, comme la suite, le concerto ripieno (une forme pour cordes et basse continue, sans solistes, que l'on trouve, entre autres, chez Vivaldi) ou le divertimento, dont certaines parties (jusqu'à sept parfois) auraient été retranchées au fil du temps. Le récital de l'Academy of Ancient Music, grâce à sa progression intelligemment pensée, rend cette évolution clairement perceptible. Débutant par la Sinfonia ouvrant Saul, un oratorio composé par Händel durant l'été 1738 et créé en janvier de l'année suivante, qui, par sa structure en quatre mouvements (vif-lent-vif-lent) mêlant les deux modèles de sonate italienne (da chiesa et da camera),

Dès les premières mesures de la Sinfonia de Händel, on retrouve cette alliance de raffinement, de recherche d'équilibre et de lisibilité qui a forgé à l'Academy of Ancient Music l'identité sonore qu'elle a su préserver au fil de ses longues années d'activité. Il faut dire que sur les cinq compositeurs du programme, trois au moins sont inscrits de longue date dans la tradition d'un ensemble dont les lectures händeliennes, mozartiennes et haydniennes ont indubitablement marqué leur époque et sont encore souvent citées comme référentielles aujourd'hui, et qu'il est donc assez logique qu'il y paraisse à ce point à l'aise et à son avantage. Dirigés du clavecin par Richard Egarr, à l'exception de la symphonie de Haydn, un choix que l'on pourrait discuter à l'infini d'autant que le Freiburger Barockorchester a su montrer qu'un continuo de clavier pouvait parfaitement y trouver sa place, les musiciens savent trouver la respiration juste, la densité sonore adéquate,

C'est donc par une très belle réussite que l'Academy of Ancient Music inaugure son parcours discographique individuel et je conseille sans hésiter cet enregistrement à ceux qui voudraient se faire une idée de la belle aventure de la symphonie en ses débuts, mais aussi à tous ceux qui souhaitent simplement passer un excellent moment en compagnie de pièces de grande qualité du XVIIIe siècle. Si les trois prochaines parutions de ce tout jeune label seront exclusivement dédiées à Johann Sebastian Bach, on souhaite ardemment qu'il n'oublie pas les répertoires symphonique et concertant, car les talentueux musiciens dont il est appelé à documenter le travail ont visiblement beaucoup à nous y offrir.

Academy of Ancient Music
Richard Egarr, clavecin & direction
1 CD [durée totale: 70'56"] AAM records AAM001. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. Franz Xaver Richter : Grande simphonie en ut majeur :
[I] Allegro
2. Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n°1 KV16 :
[II] Andante
3. Joseph Haydn : Symphonie en fa mineur Hob.I.49 :
[IV] Finale : Presto
Un extrait de chaque plage du disque peut être écouté ci-dessous grâce à Qobuz.com :
BIRTH OF THE SYMPHONY | Compositeurs Divers par Richard EgarrIllustrations complémentaires :
Page de garde de la seconde partie des Six Grandes Simphonies de Franz Xaver Richter, Paris, 1744. Paris, Bibliothèque nationale de France
Merci à Toby Chadd pour la photographie de l'Academy of Ancient Music jouant la Sinfonia de Saul.