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Les All Blacks "maîtres du temps"

Publié le 26 novembre 2013 par Tom_lexvnz @LEXVNZ

Au bout du bout ! Ce match c’est l’histoire d’un pays situé au bout du monde, qui est allé terminer et remporter sa longue saison internationale au bout de l’Europe, au bout du temps additionnel, au bout du suspense et au bout de ses forces … Inoubliable !

Comme quoi, les plus grands matches de rugby sont rarement ceux les plus aboutis … mais tout le monde se souviendra comme d’un « drame » ou comme d’une « apothéose » le finish de cette rencontre.

L’Irlande, dernier match de la tournée européenne des All Blacks. Dernier match à gagner, pour les gagner tous ! Pour devenir la 1ère Nation de l’ère professionnelle à conquérir toutes ses rencontres sur une année. Un dernier effort au bout d’une année éprouvante, sans répit. Les Néo-Zélandais le savent. L’Irlande n’est pas un cadeau avancé des fêtes de Noël. Ils viennent de contenir les assauts répétés des Français et des Anglais. Un nouveau virus a traversé leur équipe. Julian Savea a déjà été touché durement la semaine dernière. Cette fois c’est Luke Romano qui est isolé de ses partenaires pour ne pas le propager. Il leur faut pourtant livrer cette dernière bataille, pour rentrer dans l’histoire.

Mais un match n’est jamais gagné d’avance. Cela fait 108 ans que l’Irlande essaie de battre les All Blacks. Et les hommes de Brian O’Driscoll et Paul O’Connell veulent, eux aussi, rentrer dans l’histoire. Ils sont chez eux, à Dublin, à l’Aviva Stadium. Cian Healy a déjà annoncé la couleur. Il n’a que faire du haka et de cette équipe que l’on décrit ici ou là comme l’une des plus grandes que les Néo-Zélandais aient fournis.

Personne ne sait alors que ce match va prendre une dimension aussi « tragique», tendue, avec un départ canon et un dénouement si tardif. Tout ce que l’on sait, c’est que le long protocole irlandais fait monter la pression. L’Irlande est prête.

« C’était clair que les Irlandais étaient déterminés. On l’a vu pendant les hymnes. C’était clair sur leurs visages qu’ils allaient sortir quelque chose de grand, et ils l’ont fait. » Brian Lochore

D’entrée, les All Blacks sont comme « bombardés » par l’envie irlandaise, étourdis par la puissance collective et l’audace des Irlandais.

« Les All Blacks ne semblaient pas prêts à parer les assauts irlandais ». Brian Lochore

Connor Murray trouve la faille dès la 4ème minute de jeu.

Les All Blacks n’ont pas le temps de réagir, l’Irlande continue. Elle est « à bloc » et elle domine. Elle domine tellement, qu’elle marque à nouveau d’une manière totalement implacable. A la 10ème Rory Best aplatit en force au terme d’une action collective de haute volée. 14-0.

Les All Blacks se doivent de réagir, mais leurs avants sont dominés par des joueurs morts de faim. Les Irlandais contrôlent les breakdowns, frappent fort sur les zones de contact et n’hésitent pas à provoquer balle en main, à la tenir, la conserver et à faire reculer ces All Blacks médusés.

Kieran Read est privé de munition. Brian O’Driscoll et Gordon D’Arcy arrivent à couper toute relation entre Ben Smith et Ma’a Nonu quasiment obligés de reprendre l’axe ou l’attendent des garçons qui n’espèrent que ça comme Peter O’Mahony et Devin Toner. Cory Jane et Israël Dagg ne sont pas menaçants. Pourtant il va bien falloir revenir dans ce match… d’une manière ou d’une autre. Aaron Cruden tente tant bien que mal d’aérer le jeu et de sortir de l’étau vert. Israël Dagg, sous pression, finit par échapper la balle et donne un ballon de contre « assassin » à Rob Kearney.

Nul ne peut le rattraper, excepté Kieran Read poursuivant un effort qu’il sait d’avance vain, juste pour l’empêcher d’aplatir entre les perches. Jonathan Sexton manque la transformation, et le score passe cette fois à 19-0. Le tout à la 20ème minute de jeu. Le stade est en délire !

 « Au début du match, ils nous ont vraiment secoué. 19-0, c’était pas dans le script, c’est sûr. » Steve Hansen

Piqués à vif, les All Blacks deviennent agressifs. Charlie Faumuina, Richie McCaw, Brodie Retallick et Sam Whitelock commencent à peine à se mettre dans le rythme. Les sorties de balles deviennent de plus en plus rapides et Aaron Cruden reçoit un bon ballon avec davantage de temps devant lui pour choisir. Il arrive à trouver au pied Julian Savea sur son aile qui inscrit l’essai de l’espoir pour les All Blacks.

Les Irlandais, euphoriques, sont comme transcendés et s’engagent totalement, mais perdent Rory Best et Brian O’Driscoll dans la bataille.

A la pause, l’Irlande mène 22 à 7 suite à une pénalité de Jonathan Sexton. Les All Blacks ont joué contre une équipe irlandaise complètement en surrégime qui les a asphyxiés et qui est parvenue à scorer. Ils ont pris la marée verte frontalement. Il reste 40 minutes aux joueurs irlandais pour tenir du mieux qu’ils peuvent, tout en sachant que chaque point qu’ils marqueront fera, dorénavant, très mal aux Néo-Zélandais.

« Je me suis dit que nous ne pouvions pas nous permettre d’en prendre plus. Le message principal à la pause était : « nous devons croire que nous pouvons le faire » ». Steve Hansen

« De notre côté, nous avons toujours parlé du fait qu’il y aurait bien une chance à un moment donné. Il faudrait simplement être assez bon pour pouvoir la prendre ». Richie McCaw

Au retour, les All Blacks reviennent bien, mais n’y arrivent pas. Les Irlandais tiennent bon. Ils sentent que l’exploit est à portée de main, que le jour historique est enfin arrivé.

Les All Blacks courent après le score. Après quelques échecs ils se décident à taper les pénalités et acceptent de revenir moins rapidement. Doucement mais sûrement. Aaron Cruden passe une pénalité à la 52ème. Les All Blacks sont toujours menés de 12 points. Les irlandais ont sorti aujourd’hui le grand « fighting spirit » et rien ne sera simple. Jusqu’au bout.

Steve Hansen s’active en coulisse, les changements s’enchaînent. Dane Coles, Ben et Owen Franks entrent en jeu. Ryan Crotty passe au centre. Ben Smith à l’arrière. Puis c’est Beauden Barrett qui fait son entrée avec Liam Messam.

Impossible de faire rentrer TJ Perenara dans ces conditions. Impossible également de faire sortir Richie McCaw.

L’apport du banc est indéniable. La pression change de camp. A force d’y croire, à force de pousser, les All Blacks marquent un nouvel essai, par Ben Franks, en force. Plus que 5 points d’écart. Il reste ¼ d’heure.

Les minutes défilent et rien ne vient. Jonathan Sexton manque même l’immanquable. Une pénalité largement dans ses cordes passe de peu à côté. Peut-être le tournant du match. A 4 minutes de la fin, un écart de 8 points aurait peut-être été fatal pour les Néo-Zélandais.

« Si la pénalité de Sexton était entrée, cela aurait scellé le match, mais elle n’est pas passée et j’ai senti qu’on s’est accroché à ça. Les Irlandais ont essayé de gagner du temps, mais j’ai toujours senti, en tant que joueur, que l’on pouvait renverser la vapeur.» Richie McCaw

Edit : Peut-être que cette pénalité manquée par Sexton sera aussi célèbre désormais que la transformation ratée de Barry McGann qui aurait donné la victoire à l’Irlande en 1973.

Les Irlandais commencent réellement à n’en plus pouvoir. Les efforts effectués se font sentir et ils en sont rendus à faire courir la montre par une série de « pick and go ». Et ça marche… jusqu’à la 79ème minutes et 33 secondes. A 27 secondes près, les Irlandais auraient pu dégager en touche et remporter le match. Mais il n’en fut rien.

Les All Blacks jouent à la main et doivent marquer un essai de 60 mètres, sur une seule action. Quasiment impossible.

Mais à force de courage, de conviction et de croyance, ils trouvent le sang-froid, les compétences et l’aérobie pour produire une dernière action d’anthologie. Une chance sur 1 000 pour que cela se produise et les All Blacks le font. En prenant des risques, en utilisant des joueurs de tous postes, en enchaînant les phases de rucks et les temps de jeu, ils parviennent à trouver un décalage en bout de ligne. Dans un ultime effort, Ryan Crotty pense à se rapprocher du centre pour ouvrir l’angle d’Aaron Cruden avant d’aplatir. La défaite est évitée in extremis. Reste à transformer !

« En ce qui concerne l’essai, je suppose que j’étais un peu chanceux. Je dois quelques bières à « Colesy » (Dane Coles) cet été. Il m’a offert une sacrée passe. Je suis très heureux, très fier, je suppose que je peux dormir tranquille maintenant ».Ryan Crotty

Tentant le tout pour le tout, les Irlandais chargent sur la transformation d’Aaron Cruden, qu’il manque. Nigel Owens la refait tirer.

« Il y avait beaucoup de pression, je ne sais pas pourquoi ils ont chargé. Aaron Cruden est un joueur de classe, si vous lui donnez une seconde occasion comme ça, il ne va pas la manquer ». Ryan Crotty

Il ajuste sa frappe et la passe !

« Ce doit être un des plus grands « com- backs » j’imagine ! » Graham Henry

L’ambiance était sympa dans le vestiaire. Peut-être qu’on a fait un mauvais match, mais ce que l’on a réalisé est « spécial ». Dans ces conditions, cela me remplit de fierté. Quand j’étais un jeune joueur et que je commençais dans le championnat provincial, notre capitaine était Todd Blackadder. Il m’a appris quelque chose de très important. On était mené de beaucoup, 29 points à très peu, je pensais que le match était terminé. Il m’a demandé d’y croire. Et nous sommes rentrés dans le match. Depuis, je n’ai jamais abandonné. Vous ne devez jamais cesser de croire qu’il y a une chance. Nous avons 15 gars qui y croient jusqu’au bout. Alors des choses incroyables peuvent arriver. Pour moi, en tant que capitaine, si je laisse tomber ma tête, la leur va peut-être tomber aussi. Si tout le monde se soutient, la chance peut venir. » Richie McCaw

Edit : McCaw parle de l’improbable victoire de Canterbury en Ranfurly Shield face à Wellington en 2001.

Les All Blacks terminent l’année invaincus et heureux, bien que ce fût une joie mesurée face au désarroi irlandais.

«Je tiens à féliciter l’Irlande qui a réalisé une performance sensationnelle. Je ne pense pas qu’ils croient réellement qu’ils sont aussi difficiles à jouer. Mais ils le sont» Steve Hansen

Les joueurs irlandais ont été superbes. Sean O’Brien, Jamie Heaslip, Connor Murray et Paul O’Connell en tête.

Les deux équipes ont pris des options courageuses. Les Irlandais n’ont fermé le jeu qu’en toute fin de match. Ils sont restés une menace pour les Néo-Zélandais la majeure partie du match, freinant ainsi le retour des hommes de Steve Hansen.

Malheureux plusieurs fois ces dernières années contre les All Blacks, les Irlandais ont assez régulièrement utilisé cette technique du « surrégime » :

En 1992 par exemple, ils menaient 12-0 à Dunedin. Le score était de 18-18 à la pause. Les All Blacks l’ont emporté finalement 24-21.

En 2001, les Irlandais avaient également une belle avance (21-7). Mais ils ont fini par craquer. Les All Blacks l’emportent 40 à 29 (1er match international de Richie McCaw).

En 2012, c’est un drop de Dan Carter dans la dernière minute qui donne la victoire aux Néo-Zélandais 22 à 19.

Cette fois ils ont réussi à marquer 3 fois et à résister jusqu’à la 81ème. Ils n’ont jamais été aussi proche de battre la Nouvelle-Zélande. Mais un match est fini quand il est fini, pas avant. Et ces 81 minutes n’ont pas suffi. Pas contre ces All Blacks là.

« Nous étions pourtant en possession à 20 secondes de la fin … mais vous devez être prêt à défendre jusqu’à la fin ! C’est un pas en avant, mais une occasion manquée. En 108 années d’efforts, nous n’avons jamais gagné ces gars-là. Nous voulions faire ce qui n’était jamais arrivé. Ce résultat est dévastateur » Joe Schmidt

Le rugby est un sport, c’est un « jeu » qui dure 80 minutes. Les All Blacks n’ont pas oublié ces éléments. En répartissant au mieux leurs efforts dans le temps, ils ont fini par l’emporter… de justesse.

Nous avons réalisé une grande année, mais nous avons beaucoup de travail à accomplir pour rester où nous sommes. » Steve Hansen

BRAVO ! UNBELIEVABLE !

Quelques statistiques :

  • L’Irlande a été pénalisée seulement 5 fois du match (dont une seule fois en 1ère période). La Nouvelle-Zélande 8 fois.
  • La dernière séquence a été la plus longue du match. Partis de leur camp, les All Blacks ont assuré 24 passes et 11 rucks.
  • Tous les All Blacks, sauf Brodie Retallick et Richie McCaw ont touché la balle sur la dernière action.
  • Match où les All Blacks ont le plus chargé balle en mains (134) et le plus gagné de mètres (554) de l’année 2013.
  • 10 des 14 plaquages manqués par les All Blacks ont eu lieu en 1ère période.
  • Sam Whitelock termine meilleur plaqueur du match avec 16 réussis, 4 en tant qu’assistant et 0 raté. Richie McCaw (16 + 1 + 1) et Kieran Read (12 + 0 + 1) le suivent.
  • Richie McCaw termine en tête des arrivées aux breakdowns (35 fois dans les 3 premiers). Sam Whitelock (34) et Brodie Retallick (32) terminent le podium.
  • Faute de parvenir à battre les All Blacks, Gordon D’Arcy et Brian O’Driscoll reprennent tout de même le record « d’association » à Ma’a Nonu et Conrad Smith avec 52 titularisations commune.

 

Irlande 20 : Essais de Connor Murray, Rory Best et Rob Kearney/ 1 pénalité et 1 transformation de Jonathan Sexton.

Nouvelle-Zélande 22 : Essais de Julian Savea, Ben Franks et Ryan Crotty/ 1 pénalité et 2 transformations d’Aaron Cruden.

L’arbitrage de Mr.Owens : A laissé de nombreux débordements sur les zones de rucks, comme une sorte de récompense à l’énergie (ceci dit, les joueurs ont été exemplaires et ne sont jamais tombés dans la brutalité). A avantagé l’équipe qui possédait la balle. Assez réticent à sanctionner le fait de ne pas relâcher la balle au sol. Un match idéal en somme pour voir s’épanouir de longues séquences de jeu.

 

Les notes Lexvnz :

  • Wyatt Crockett : Bonne défense, mais il a été mis en difficulté. Semblait peut-être un peu trop sage pour ce genre d’engagements. 5/10
  • Andrew Hore : A assuré ce qu’il avait à faire. Mais n’avait pas le jus pour apporter davantage. 5/10
  • Charlie Faumuina : A répondu présent, il a été l’un des premiers à se « réveiller ». Dommage qu’il perde 2 bons ballons. 6/10
  • Brodie Retallick : Quelque peu dépassé et surpris par le « fighting spririt » irlandais, il a eu de bonnes réactions. Très présent aux breakdowns + 14 charges balle en main. 7/10
  • Sam Whitelock : Il a subi en 1ère période, mais réalise au final un très bon match. 7/10
  • Steven Luatua : 7/10
  • Richie McCaw : A lutté toute la partie. N’a jamais baissé les bras et a montré l’exemple à suivre. Encore un combat gagné.7/10
  • Kieran Read : Oppressé, il n’a pas été « génial », mais bien présent malgré tout. 6/10
  • Aaron Smith : En difficulté derrière des zones de « rucks sauvages » et un pack qui recule. Il a néanmoins trouvé les ressources pour augmenter le rythme à des moments clés. 6/10
  • Aaron Cruden : Un peu le symbole du match côté All Blacks. Quelques errements, un peu absent par moments. Mais il a su se ressaisir pour être décisif et gagner. 6/10
  • Julian Savea : Très bon match. Toujours efficace sur ses actions. Il était au-dessus physiquement que ses partenaires, en ce sens, il aurait peut-être pu se présenter encore davantage. 7/10
  • Ma’a Nonu : Mitigé. Quelques mauvais choix et 3 plaquages manqués. Mais il a toujours cette présence défensive imposante (8 plaquages + 4 en tant qu’assistant) et n’a jamais baissé les bras balle en main. 6/10
  • Ben Smith : Il a retrouvé tout son allant dès qu’il a joué arrière puis ailier, venant beaucoup se proposer. 7/10
  • Cory Jane : Inoffensif. A court de rythme et de repères. 5/10
  • Israël Dagg : Des mauvais choix, plusieurs turnovers, dont un décisif. Remplacé à la 52ème. 4/10

Le banc de touche :

  • Dane Coles : Excellente rentrée. Superbe offload décisif. 4/5
  • Ben Franks : A apporté beaucoup de vitalité au pack néo-zélandais. 13 arrivées aux breakdowns en 19 minutes. 4/5
  • Owen Franks : Un luxe de l’utiliser en tant qu’impact player. 16 arrivées aux breakdowns en 23 minutes. 4/5
  • Liam Messam : Sérieux, il a bien relayé le bon match de Luatua. 3/5
  • Sam Cane : Non entré
  • TJ Perenara : Non entré
  • Beauden Barrett : Entrée remarquée. Des défenseurs battus, des mètres gagnés. Beaucoup d’énergie positive. 4/5
  • Ryan Crotty : Solide. Un essai qui compte. 4/5

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