Après le psychodrame de l'écotaxe, le gouvernement vient d'annoncer sa volonté de remettre à plat toute la fiscalité du pays, au moment où l'exécutif est au plus bas dans les sondages. D'où certainement la tempérance des propos du président de la République qui, en marge d'un voyage à Rome, annonçait que ce grand soir fiscal prendrait "le temps du quinquennat"...
Dans ce billet, je vous propose de dresser un rapide tableau de l'impôt sur le revenu, puis de voir en quoi la fiscalité est "injuste" en France. Pour finir, nous chercherons à savoir quelle réforme est envisageable. Pour les lecteurs intéressés par les hausses d'impôt et plus généralement par la question est-on trop taxé en France ?, je les invite à lire ou relire ce billet que j'avais écrit il y a quelques temps sur le sujet (courbe de Laffer, dépenses publiques,...) et qui fait écho au chapitre 13 de mon dernier livre, les grands débats économiques actuels.
Qui paie l'impôt sur le revenu ?
Un graphique pour résumer la situation (cliquer sur l'image pour l'agrandir) :
[ Source : Les Échos ]
Ainsi, bon an mal an, on compte environ 36 millions de foyers fiscaux dont la moitié qui paye l'impôt sur le revenu.
La fiscalité est-elle "juste" en France ?
Plutôt qu'un long discours, il suffit encore une fois de regarder ce graphique issu d'une étude réalisée par Thomas Piketty et son équipe, qui montre le taux global d'imposition, en incluant tous les prélèvements, selon le niveau de revenus :
[ Source : Alternatives économiques ]
La fiscalité en France est donc loin d'être juste, puisqu'elle est faiblement progressive jusqu’au niveau des classes moyennes (au fait, qu'est-ce qu'une classe moyenne de nos jours ?) et devient régressive au niveau des classes les plus riches.
La fiscalité française souffre donc essentiellement de trois maux :
* une très grande complexité : cela se traduit en pratique par le mécontentement des foyers fiscaux qui ne comprennent
pas pourquoi leurs impôts augmentent, d'autant qu'il semble que Bercy soit également à la peine pour l'expliquer simplement.
* une absence de transparence : qui paie quoi et pourquoi ? En voilà des questions qui restent sans réponses pour
nombre de citoyens !
* la régressivité de l'impôt sur le revenu (IR) : alors qu'il devrait compenser le caractère régressif des impôts sur la consommation et des cotisations sociales, l'IR est lui-même régressif (ce qui signifie que le taux effectif d'imposition diminue au fur et à mesure que les revenus déclarés augmentent) comme nous venons de le voir sur le graphique ci-dessus. Cela tient pour l'essentiel aux niches fiscales et autres règles dérogatoires (dont j'ai parlé dans ce billet), qui permettent à une minorité bien lotie de s'affranchir de la contribution collective.
Que peut-on faire ?
Parmi toutes les idées de réforme qui fleurissent depuis quelques années, celle de Thomas Piketty me semble la plus intéressante pour répondre aux trois grand maux dont souffre notre fiscalité.
Elle consiste en un nouvel impôt sur le revenu, individualisé et prélevé à la source sur les revenus du travail et du capital, qui prendrait dès lors la forme d'une extension de l’actuelle CSG, Contribution Sociale Généralisée, dont il faut rappeler qu'elle est un impôt individuel et proportionnel taxant tous les revenus à un taux de 8%, les recettes servant aux dépenses sociales.
[ Source : Le Figaro ]
Mais cette fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu se ferait avec un barème progressif (exprimé en taux effectif applicable à la totalité du revenu, et non en taux marginal), puisque c'est tout l'enjeu de cette réforme. Cela permettrait aussi de simplifier grandement le système de prime pour l'emploi, qui actuellement reverse à 8 millions de salariés une "prime" issue de la CSG prélevée à la source un an auparavant. On attend donc plus que la volonté politique !
Malheureusement, je crains qu'en fait de Grand Soir fiscal, nous n'assistions qu'à une temporisation qui débouchera encore une fois sur le néant sur une poursuite des politiques d'austérité. En effet, le ministre de l'économie, Pierre Moscovici, vient d'annoncer lors d’une réunion de l'Eurogroupe que la France prendrait toutes les mesures nécessaires pour tenir l’objectif de réduction du déficit public à 3 % du PIB en 2015.
Bref, on ne change pas une stratégie économique qui perd, d'autant que j'ai appris par la presse que le chantier fiscal voulu par le Premier ministre allait s'accompagner de la nomination de François Villeroy de Galhau au poste de Directeur du Trésor. Mais si je ne m'abuse, François Villeroy de Galhau est directeur général délégué de BNP Paribas ?
Un peu surprenant ce choix lorsqu'on se rappelle que la Direction du Trésor a, entre autres attributions, de "veiller à la régulation du financement de l’économie et des institutions intervenant en matière d’assurance, de banque et d’investissement sur les marchés financiers"...