Régulièrement, je supprime mon compte facebook, atterré par le tout et n'importe quoi que je peux y trouver : de l' « ami » qui affiche on ne peut plus clairement des idées politiques nauséabondes à celui qui vous informe de son rhume et de son incapacité à mettre la main sur un mouchoir... Mais je sais aussi que lors de ces déconnexions je loupe pas mal d'événements à même de rattraper cette rancœur épisodique. Heureusement, fort heureusement, je ne suis pas passé à côté des coups de cœur vidéo de la librairie Critic à Rennes, dans lequel, tenez-vous bien, figurait The Cape, comic inspirée d'une nouvelle de Joe Hill.
L'histoire est axée sur l'histoire d'Eric, victime d'un grave accident lorsqu'il était môme et qu'il jouait aux super-héros avec son frère Nicky. Emporté par son scénario, et muni de sa cape cousue avec l'écusson des marines de son père disparu au Vietnam, Eric était en effet tombé d'un arbre avant de s'empaler l'épaule sur la branche qui l'avait accompagné dans sa chute. Des années plus tard, marqué par des maux de tête incessants, l'enfant est devenu un homme un peu paumé. Il quitte sa nana, retourne vivre chez sa mère, se réfugie dans la cave et retrouve la cape qu'elle lui avait pourtant avoué avoir jeté. Il l'enfile, se met à voler...
A l'heure des séries à rallonge, je suis impressionné, tourneboulé, scotché d'avoir trouvé un one shot d'une telle densité, avec une histoire qui brasse tant de thèmes sans faire office de catalogue, tout en les abordant d'une manière sensible et percutante à la fois. Sensible parce qu'on touche à l'enfance, aux jeux qui les jalonnent et à l'importance qu'ils revêtent alors. Sensible encore parce que Joe Hill dans son histoire, parle du passage à l'âge adulte, de la relation avec les parents, de l'absence de l'un d'entre eux, de la relation amour / haine / jalousie fraternelle et des blessures qu'elle provoque. Sensible enfin, parce qu'il met l'accent sur les choix qui guident nos vies et la difficulté qu'on peut avoir à mesurer leur impact à plus ou moins long terme. Et percutant je le disais, parce qu'à travers cette histoire, Joe Hill nous raconte le mal, de sa naissance à son accomplissement irrémédiable, implacable et ravageur, citations d'Hemingway, de Auden ou Genet à l'appui à l'appui. Il y a une scène particulièrement révélatrice dans ce comic qui va littéralement vous faire palpiter le palpitant à deux cent à l'heure tant la surprise est grande et ne comptez pas sur moi pour vous gâcher le plaisir. Mais lorsqu'elle survient - aouch ! - vos synapses vont en prendre un coup...
Les dessins participent forcément à rendre cette sensibilité et cette force narrative dont je parlais. La tonalité dominante est assez sombre, hormis lors des souvenirs d'enfance et certaines scènes... déterminantes. Si la symbolique qui en résulte est ici assez évidente, elle n'en demeure pas moins efficace.
Je vous refourgue The Cape et j'en suis bien content ! Juste une chose : faites-en bon usage...
The Cape, de Joe Hill, Jason Ciaramella et Zach Howard, Milady (Milady Graphics), 2013, 160 p.