Le film "Quai d’Orsay", sorti dans les salles le 6 novembre 2013, apporte
deux heures de succulence cinématographique aux passionnés de la vie politique. Un nouvel aspect de la …Comédie humaine.
C’est un beau cadeau d’anniversaire pour les 60 ans de
Dominique de Villepin (né le 14 novembre 1953), devenir une personnalité légendaire du cinéma français.
Le réalisateur aux cinq Césars Bertrand Tavernier lui a offert l’audace de raconter sa pratique du pouvoir.
Le cinéaste avait dû relever deux défis en voulant tourner "Quai d’Orsay", une histoire basée sur le fonctionnement d’un cabinet ministériel, et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit du
Ministère des Affaires étrangères (situé au quai d’Orsay) lorsque Dominique de Villepin en était le titulaire (entre le 8 mai 2002 et le 30 mars 2004). Un période épique pour la personnalité
politique qui ne se renouvellera certainement plus si l’on en croit le sondage BVA publié par "Le Parisien" le 24 novembre 2013 : 75% des sondés ne voudraient pas de lui comme candidat à
l’élection présidentielle de 2017.
Les challenges de Bertrand Tavernier
Le premier défi était d’être fidèle à la bande dessinée dont le film devait s’inspirer, tout en prenant sa
part de créativité. Au contraire d’un livre où l’interprétation d’un réalisateur est plus large, adapter une bande dessinée au cinéma est plus délicat car la mise en scène est déjà établie.
Le second pari, c’était aussi de décrire le moins ennuyeusement possible une atmosphère qui n’est pas très
connue du grand public (la vie folle dans un cabinet ministériel) et qui n’est pas si ancienne que cela, puisque la période date d’environ onze ans (le scénario commence au début de l’été 2002 et
finit avec le discours au Conseil de sécurité de l’ONU prononcé le 14 février 2003). Ce qui signifie que
tous les acteurs brossés dans cette histoire sont non seulement encore en vie mais pour beaucoup, encore en fonction.
Par ailleurs, c’est toujours très délicat de réaliser des films sur des épisodes politiques récents, ou plus
ou moins récents : que ce soit sur Charles De Gaulle, Georges Pompidou, et même François
Mitterrand, voire Nicolas Sarkozy, peu voire aucun ne sont à la bonne mesure, tombant soit dans une hagiographie obséquieuse, soit, à
l’inverse, dans une caricature difficilement crédible.
C’était donc tout l’art de Bertrand Tavernier d’avoir réussi là où beaucoup avaient échoué. Globalement, cela
fait un film de presque deux heures (113 minutes exactement) de très bonne facture, croustillant d’anecdotes et de sketchs parfois humoristiques, avec un rythme soutenu qui est très en phase avec
les cadences ministérielles.
Un ministre incontrôlable
Le cabinet du ministre doit en effet sans arrêt gérer des urgences, tout en devant circonscrire également le
maître des lieux, à savoir Alexandre Taillard de Vorms (qui n’est donc autre que Dominique de Villepin), bouillonnant visionnaire des relations internationales, exigeant, mais fluctuant, à la
fois sincère, authentique mais aussi de mauvaise foi ou distrait.
Dans sa description dans la bande dessinée d’origine, son mode d’emploi est ainsi expliqué : « Taillard, il emmène ses ennemis dans un monde parallèle pour les vaincre. Un monde dans lequel il est le plus fort, là où personne ne comprend ses règles.
(…) Tu te pointes devant lui, tu lui parles du budget, par exemple, il te répond : "Ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est l’avenir du monde". C’est l’arme de l’irréel. Il invente trois ou
quatre concepts sans trop savoir ce qu’il va dire. Il répète ça partout jusqu’à ce que tout le monde en soit persuadé, sans comprendre exactement ce que ça veut dire. Y compris lui. Il t’élève
au-dessus de toi-même et tu perds tes repères. Lorsque tu es au-dessus de ton business, les enjeux te dépassent… Tu ne sais plus pourquoi tu te bats. Tu es à poil. …Là, il te tue. Il ne parle
jamais au niveau des gens. Il doit toujours être au-dessus. Il nous a dit un jour : "Une bonne négociation, c’est quand les mecs en face ont la berlue". Ce qui est dingue, c’est que ça
marche. Il subjugue. [Ce n’est pas du vent, son truc]. Il y croit. Derrière ça, il défend de vraies idées. (…) Il malmène les gens mais fait bouger les choses. Et c’est efficace. Il sait que la
technostructure est derrière lui. Il tend l’élastique au maximum. Il sait que les gens vont le rattraper. Il monte en température, il sait que des gens sont contre lui et vont essayer de le
contrer. Il évacue le problème réaliste. Il le laisse aux autres. (…) Il sait bien qu’on ne peut pas [tout] dire en diplomatie… et que Claude, par exemple, trouvera une
formulation. ».
Claude, c’est Claude Maupas, alias Pierre Vimont, devenu par la suite ambassadeur de France à Washington et depuis le 25 octobre 2010, le numéro deux de la
"diplomatie européenne" auprès de Catherine Ashton, autrement dit, précisément, le secrétaire général exécutif du Service européen pour l’action extérieure. Dans l’histoire, il est le directeur
de cabinet du ministre, la pièce maîtresse décrite comme un caractère complètement opposé à celui du ministre : calme, posé, arrondissant les angles, diplomate, consensuel. C’est un homme à
la fois désabusé, coulant, liquide presque, las, mais aussi extraordinairement efficace en cas de crise majeure. Ancien élève de l’ENA comme le ministre, il le tutoie comme il tutoie les membres
du cabinet ; il est l’intermédiaire entre le sommet et la base.
La bande dessinée
Mais justement, rappelons d’abord le matériau de base, à savoir, la bande dessinée dont le premier tome est
sorti le 7 mai 2010 et le second le 2 décembre 2011. L’initiateur de l’aventure, c’est Abel Lanzac, le héros de l’histoire (pour la BD), esquissé sous les traits d’Arthur Vlaminck, qui est allé
chercher le dessinateur Christophe Blain pour réaliser l’ouvrage.
C’est l’histoire d’un jeune normalien qui est recruté par le Ministre des Affaires étrangères pour s’occuper
des "langages", à savoir rédiger les discours et autres éléments de langage du ministre. Or, s’occuper de l’essence même de la parole ministérielle n’est pas de tout repos avec un ministre
planant dans un "monde parallèle", des membres de cabinet parfois féroces entre eux, avec des luttes de pouvoir et d’influence entre le cabinet et les directions des grandes administrations… de
quoi casser un couple qui supporterait mal le travail le dimanche, le travail en pleine nuit et sous tension !
Le mystérieux scénariste Lanzac
Abel Lanzac est un pseudonyme qu’il a voulu garder secret (pour sa carrière de diplomate ?) jusqu’à ce
que le second tome ait été récompensé par le prix du meilleur album (le Fauve d’or) au 40e Festival d’Angoulême le 3 février 2013. Certains avaient imaginé que l’ancien ministre (à
l’époque en exercice) Bruno Le Maire, ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin à Matignon
entre le 31 mai 2005 et le 15 mai 2007, se cachait derrière Abel Lanzac, ce qui lui vaut une apparition furtive dans le film de Bertrand Tavernier, furtive et anachronique puisqu’il joue un
député félicitant le ministre de son intervention à l’Assemblée Nationale alors que l’histoire se passe lorsqu’il était encore membre de cabinet dudit ministre.
Mais le scénariste de la BD avait dû démentir à la sortie du second tome (dans "L’Express" du 2 décembre
2011) : « Ce n’est un mystère pour personne : au Quai, Bruno Le Maire n’était pas la plume mais la superplume, celui qui supervisait le
processus chaotique conduisant à l’élaboration des discours. Or tous les membres du cabinet ont progressivement été obligés par le ministre de rédiger des discours, des langages ou des tribunes.
Bruno est une personne à part et un ami intime. (…) Nous entretenons une amitié très forte, qui n’a rien à voir avec la politique. Dans cette bande dessinée, Bruno n’est pas incarné par un
personnage, mais sa présence irradie tout l’album. ».
Il s’agit en fait d’Antonin Baudry, polytechnicien (X-Pont) et normalien (une double casquette qui en fait un
superdiplômé) mais pas énarque, qui est devenu, de 2005 à 2007, le conseiller pour les questions d’économie et de culture internationales du Premier Ministre, de 2007 à 2010, conseiller culturel
à Madrid, puis depuis 2010, conseiller culturel à New York.
Son objectif avec cette bande dessinée : « J’ai voulu y
montrer les relations au travail : comment les décisions se prennent, le mélange de professionnalisme et de rapports humains, comment l’affectif joue dans les décisions au sein d’un cabinet
où l’on est en permanence les uns sur les autres, comment s’entrecroise une négociation diplomatique, qui aboutit sur des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, avec le travail
quotidien. ».
La bande dessinée est donc succulente, à la fois par son graphisme très rythmé (plus agréables à voir qu’à entendre, les portes qui claquent et les
feuilles qui volent au passage du ministre), et par son sujet très original et la description très convaincante d’un ministre hors normes.
Les personnages du film
Quand j’ai entendu parler de l’idée du film et que l’on pensait à Thierry Lhermitte pour Alexandre Taillard
de Vorms, j’ai été un peu inquiet, le trouvant un peu trop "gentil" et surtout, peu "impressionnant" par rapport au personnage qu’on voulait lui prêter, même s’il a déjà joué le rôle d’un
ministre (assez opportuniste) dans le film "Promotion canapé" [de Didier Kaminka, sorti le 10 octobre 1990]. Finalement, je l’ai trouvé étonnamment bon dans ce rôle, crédible, montrant ainsi un
grand talent de comédien loin des clichés et de ses rôles habituels, même s’il lui manquait un peu d’ossature dans les épaules pour mieux terrifier ses interlocuteurs.
Le conseiller langages, Arthur Vlaminck, joué par Raphaël Personnaz, réussit à faire rentrer le spectateur
dans ce monde spécial de la diplomatie avec un regard candide. Il lui manque cependant d’un peu d’imagination "border line" par rapport à la BD et son fou rire avec Claude Maupas lorsqu’ils
mettent des citations d’Héraclite à la sauce aux anchois, n’est pas trop crédible dans le film. De plus, mais c’est visiblement volontaire, il se fait voler la vedette par le ministre (dans la
BD, c’est le personnage principal).
Quand j’écris "candide", c’est pour se rappeler la phrase dite dans la BD par le directeur de cabinet
lorsqu’il accueille ce nouveau conseiller : « Vous êtes le seul, ici, à avoir un cerveau à peu près fonctionnel. Les nôtres sont déjà sévèrement
endommagés. ».
Dans l’ensemble, tous les personnages sont bien joués, avec de très bon acteurs, même s’il est assez dommage
que l’âge n’est pas du tout en rapport avec la réalité. Ce sont des jeunes en général qui travaillent dans les cabinets ministériels, pas des vieux routards qui n’ont plus l’aptitude à faire des
nuits blanches pour les beaux yeux de leur ministre.
Ainsi, le "dircab" Claude Maupas, qui devrait avoir 53 ans, est joué tout en douceur par l’impressionnant
Niels Arestrup qui a onze ans de plus (et cela s’en ressent, peut-être pour caricaturer à l’extrême la lassitude et l’épuisement).
Certains conseillers sont aussi joués par de très bons acteurs mais un peu âgés qui pourraient presque
bénéficier de leur retraite dans l’administration, comme Stéphane Cahut, le conseiller Moyen-Orient, joué par le très imposant Bruno Raffaelli (63 ans), et même des quinquagénaires là où l’on
imaginerait plutôt des trentenaires, Thierry Frémont (51 ans) dans le rôle de Guillaume Van Effentem, le conseiller Amérique, qui n’hésite pas à chanter des chansons paillardes tout fort dans les
couloirs, et Thomas Chabrol (50 ans) dans le rôle de Sylvain Marquet, le conseiller Europe, d’autant plus que ce dernier partage des affinités musicales avec Arthur Vlaminck (27 ans). Même le
ministre est trop âgé : Thierry Lhermitte a 61 ans alors que Dominique de Villepin avait seulement 49 ans à l’époque.
L’histoire se déroule essentiellement au Ministère des Affaires étrangères, tournée dans les vrais lieux du
pouvoir où l’on reconnaît la fameuse salle de réunion avec une verrière en demi-cercle (visible aussi dans la BD). Endroit majestueux fait de hauts plafonds, lustres et luxe, qui contraste
parfois avec les conditions assez étriquées et spartiates dans lesquelles végètent les conseillers du cabinet (bureaux exigus, couloirs très étroits etc.).
Le film supplante la bande dessinée
Le film est très proche de la bande dessinée, sauf dans des petits détails factuels, comme remplacer le
Moldave (dans la BD) par le Croate (dans le film) ou encore le Norvégien (dans la BD) par le Danois (dans le film). Le film est également plus exact en parlant de "la" Ministre de la Défense au
lieu "du" ministre. D’ailleurs, il n’y a pas que Michèle Alliot-Marie qui en prend pour son grade, il y a
aussi Jean-Pierre Raffarin (le film évoque le projet de création de France 24, la BD n’en fait pas état),
Jacques Chirac préoccupé par la disparition d’un ours en pleine crise internationale, et même,
subliminalement, Nicolas Sarkozy lorsqu’il est évoqué le Ministre des Finances (même si à l’époque, il était à l’Intérieur).
Le film est meilleur que la bande dessinée pour les deux éléments suivants.
Le premier, c’est de faire arriver Alexandre Taillard de Vorms à la manière d’un dinosaure de Jurassic Park,
en entendant comme des pas, de bureaux en bureaux, avant d’atteindre son but (portes qui claquent, feuilles qui volent). Cela fait un bel effet au cinéma.
Le second, au niveau du scénario, améliore la romance amoureuse entre Arthur et Marina (très élégamment jouée
Anaïs Demoustier) en faisant vivre Marina dans son école primaire (elle est ici institutrice), ce qui permet d’évoquer le risque d’expulsion de la famille d’un écolier (la BD n’en parle
pas ; ce sujet arrive très à-propos quelques semaines après l’affaire Leonarda). Dans le film, Marina est une vraie fiancée prête à tous les
sacrifices tandis que dans la BD, rien n’est vraiment clair, les rapports sont plus distendus, dans le second tome, on croit même qu’Arthur a perdu sa copine à cause de son travail trop
prenant.
Dans le casting, la prestation (certes brève) de la charmante Jane Birkin (quasi-silencieuse) est excellente.
Elle joue le rôle de Molly Hutchinson (au patronyme régulièrement écorché par les conseillers), une vieille romancière britannique ou américaine qui a eu le Prix Nobel de Littérature (serait-elle
Doris Lessing qui vient de disparaître le 17 novembre 2013 ?), incapable d’en placer une devant la
déferlante verbale du ministre.
Très fidèle à la bande dessinée pour ce sujet aussi, le film décrit sans complaisance ce petit monde qui
gravite autour du ministre sans aucun titre officiel, que ce soit le père du ministre, qui a libre accès à tous les bureaux du ministère (Xavier de Villepin, 87 ans, fut un sénateur centriste
très influent et a même présidé la Commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, qu’il a voulu quitter lorsque le "fiston" est arrivé au "Quai"), ou quelques littérateurs verbeux,
notamment un "poète", Hector Marlier, égocentrique, narcissique, vaniteux et orgueilleux, qui n’a pour ambition que placer quelques-unes de ses citations plates dans les discours du ministre
(« Au fait, Alexandre, pour ma légion d’honneur, ça avance ? Tu sais bien que pour moi, ça n’a aucune importance. C’est juste pour
savoir… ») et surtout, un "ami philosophe", Jean-Paul François, que le ministre va même jusqu’à emmener dans ses déplacements officiels et qui, dans la bande dessinée, a terriblement
les traits d’un …Bernard-Henri Lévy avec une phraséologie qui pourrait faire penser à Edgar Morin (sur la complexité).
La bande dessinée supplante le film
En revanche, je regrette quelques éléments de la BD qui ne transparaissent pas dans le film. Et d’abord, sans
doute un choix des auteurs du film (les deux auteurs de la BD sont les scénaristes du film), le fait que le film se base sur les deux tomes de la bande dessinée à la fois, alors qu’il y aurait eu
de quoi faire deux films avec ces deux tomes.
Cela a pour conséquence de faire l’impasse sur la réalité diplomatique de la situation internationale. Dans
la bande dessinée, on suit le lent cheminement vers le fameux discours du 14 février 2003 au Conseil de sécurité : Dominique de Villepin fait d’abord un discours à l’assemblée générale de
l’ONU (en septembre 2002) et rencontre le Secrétaire d’État américain (son homologue) Colin Powel (Jeffrey Cole dans la BD, très intéressante relation avec le ministre français, totalement
absente dans le film, ce qui enlève du sel au scénario).
Sont également passées à la trappe les séquences de la BD qui montrent comment convaincre tous les membres du
Conseil de sécurité de l’ONU avant de convaincre les États-Unis (Russes, Chinois, etc.) et le plus coriace n’est autre que …le Syrien ! Sans ces scènes, on ne peut pas vraiment comprendre
l’histoire politique qui est racontée et le dénouement final (le discours du 14 février 2003) arrive dans le film un peu comme un cheveu sur la soupe, au contraire d’un film comme "Le Discours
d’un roi" [de Tom Hooper, sorti le 2 février 2011] dont le discours final (lui aussi historique, le 3 septembre 1939) est un leitmotiv qui progresse jusqu’à l’apothéose.
Cocasse aussi (uniquement dans la BD) est le voyage en Russie pour retrouver l’homologue russe avec qui le
ministre français parle en espagnol au grand dam des conseillers et des interprètes qui ne comprennent plus rien aux conversations, avec, en cerise sur le gâteau, pour montrer le caprice de la
star, la colère ministérielle pour éviter (en vain) de prendre un petit avion pour se déplacer.
De même, la scène de retrouvaille entre Arthur et sa compagne Marina dans l’hôtel diplomatique à New York est
absente alors que cet épisode doit être très courant pour les membres des délégations : il faut adopter une ruse de Sioux pour faire entrer une personne qui n’est pas de la délégation.
Peut-être que le film n’a pas pris cette scène qui va à l’encontre de la relation plus fusionnelle du couple dans le film (dans la BD, Marina semble avoir quitté définitivement Arthur à cause de
son retour trop tardif dans la chambre d’hôtel ; Arthur lui ayant dit avant de la quitter : « Bon. Je vais régler définitivement le
problème de la paix dans le monde. Avant neuf heures. »).
Autre considération que le film n’expose pas (au contraire de la BD), et qui est un élément descriptif digne
d’intérêt dans la vie d’un cabinet ministériel, ce sont les petites trahisons entre conseillers, par ambition ou même par jeu, cette ambiance de cour auprès du ministre, la mise à l’index parce
qu’on se prend quelques jours de vacances au Nouvel An pour renouer avec sa fiancée, etc. qui pimentent l’ambiance de stress et d’urgence que peuvent ressentir les collaborateurs du
ministre : « Je vais pas me faire virer… Je vais devenir un put**n de fantôme dans ce cabinet... Je suis grillé. Je suis pas grillé, je suis
mort. Personne ne me le dira en face. Je n’aurai même pas de reproches. D’ailleurs, personne ne me dira plus rien. On ne me donnera plus d’infos. On se f**tra complètement de tout ce que je
pourrai dire. Put**n, je n’ai pas envie de vivre ça. ». La course à l’annonce d’informations (déjà connues) du ministre est également assez éloquente.
Enfin, la truculente séquence vacance du ministre a été, elle aussi, occultée dans le film, ce qui enlève, là
aussi, un épisode comique. Alexandre Taillard de Vorms est montré dans la BD en vacances dans un Club Méd en Martinique, appelant son "dircab" trente à quarante fois par jour pour lui faire part
de toutes les idées qui lui passent dans la tête pendant qu’il harangue spontanément la foule de touristes sur une plage antillaise, en particulier en reprenant le concept de nouvelle frontière de Kennedy.
Acteur …et auteur des événements politiques
Marina est, dans le film comme dans la bande dessinée, le personnage neutre et normal, le regard de
l’extérieur, bon sens et étonnement, bref, le spectateur lui-même. Ses interrogations sont pertinentes et amènent le spectateur à mieux comprendre ce qu’est le pouvoir politique, pas seulement du
vent.
À un juger par ce dialogue. Dans le film, Marina conclut à un moment d’une conversation : « Ton ministre est un acteur ! » mais Arthur lui répond : « Non, car il refuse mes
textes. ». Autrement dit, un responsable politique, c’est effectivement un comédien, mais qui écrit lui-même sa comédie.
J’encourage par conséquent tous ceux pour qui la vie politique est passionnante, ou du moins intéressante,
ainsi que les curieux des relations professionnelles en général, de regarder ce film "Quai d’Orsay" et même, si possible avant, de lire la bande dessinée d’origine qui reste, malgré tout le
talent et le mérite de Bertrand Tavernier, une référence très précieuse et originale du fonctionnement des institutions politiques.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (25 novembre
2013)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Dominique de
Villepin.
Le
discours du 14 février 2003 (texte intégral).
Le philosophe du ministre.
Nouvelle frontière.
Magazine Société
Thierry Lhermitte de Villepin, star de "Quai d’Orsay"
Publié le 26 novembre 2013 par SylvainrakotoarisonDossiers Paperblog
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