Il fallait bien faire quelque chose. Les hordes de la droite fasciste, de la bourgeoisie réactionnaire et du patronat assoiffé de sang frais d’ouvriers, véritables zombies des heures les plus sombres de notre histoire, se levaient de tous les coins poussiéreux de France pour réclamer qui des baisses d’impôts, qui des abandons de hausse de TVA, qui des délais avant un pourtant sain matraquage fiscal. Devant ces colonnes infernales de putréfactions d’un autre siècle, le premier ministre n’y est pas allé par quatre chemins : il a lancé un grand chantier de réformes fiscales.
En plus, ça tombe bien, c’était dans le programme de François Hollande Candidat Du Changement Maintenant. Et comme chacun sait, le président s’est personnellement engagé à scrupuleusement tenir chacune de ses promesses, ce qui nous annonce encore trois années et demi d’un bonheur sirupeux pendant que la France continuera de cahoter gentiment sur la route de la servitude socialiste écoconsciente. Partant de là, et compte-tenu de la montée assez vive des ébullitions citoyennes, il était plus que temps de lancer le chantier en question.
Bien sûr, là où certains, chafouins, pourraient y voir de la précipitation de la part de Jean-Marc Ayrault, d’autres n’y verront que l’application stricte d’un plan décidé à l’avance, et qui se déroule exactement comme prévu, ahem broum bref. D’ailleurs, tout ceci ne sent absolument pas l’amateurisme et la réaction à chaud aux événements qui refusent de se plier aux injonctions politiques pourtant répétées ; on a ainsi beau faire un tapage médiatique à tout casser contre le méchant racisme qui s’installe en France, les gens ont un mal de chien à s’y intéresser. Il faut dire que les couvertures de Minute ou les contre-couvertures de Libération ne suffisent pas à assurer un revenu correct au contribuable lambda qui continue, en revanche, à se voir violemment assaisonné par les services de Bercy, de sa commune ou de n’importe quel prestataire qui répercutent inexorablement les hausses de toutes les charges sur lui.
La grogne montant, les défilés dans les rues de Paris se multipliant, les couleurs des bonnets se faisant toutes les semaines plus nombreuses, les Trois Stooges du gouvernement, Ayrault, Moscovici et Cazeneuve, ont donc lancé le sujet, en fin de semaine, histoire de prendre un peu les gens par surprise.
Réforme fiscale ce sera donc.
Objectivement, ça tombe bien : on ne peut pas dire que le code des impôts, ou que la fiscalité en France en général soient des plus simples. Il y a de quoi faire. Et on sent que nos trois minustres ne seront pas en peine pour trouver des idées de réformes truculentes et autres améliorations flagrantes du quotidien chez le contribuable français. En effet, quelques heures sont à peine passées depuis que le brave Ayrault a balancé son idée, que déjà Moscovici s’est immédiatement senti impliqué ; il est même totalement über-en-phase et en mâchouille pensivement ses branches de lunettes que ça cogite là-dedans que je ne vous dis que ça que ça va dépoter sévère quand ça va sortir, ce sera grand. Et une fois que le premier ministre s’était exprimé en lançant quelques pistes, Cazeneuve a immédiatement abondé dans le sens de son N+2 en déclarant en substance que « oui bon ben heu des tas d’autres pistes sont possibles, hein d’abord ».
Il faut dire que ce gros malin de Jean-Marc a bien préparé son dossier.
Vendredi, alors qu’il range deux trois crayons, sa secrétaire débarque dans le bureau, un peu à l’improviste. Instant de doute qui se lit immédiatement dans les yeux paniqués de la brave dame : Jean-Marc serait-il en train de faire ses cartons, déjà ? Les dénégations ne serviront à rien, Josiane ne veut pas lâcher l’idée que c’est cuit pour Jean-Marc. Piqué au vif, il se décide à passer outre les atermoiements langoureux du bivalve qui sert de président actuellement et, prenant son courage à deux mains, tente le tout pour le tout : ce sera une grande réforme fiscale. Pouf. Voilà, c’est lancé.
Samedi, il ne fait pas beau. Cela tombe bien, cela permettra à Jean-Marc de passer deux trois coups de fils pour bien annoncer son idée à tous et à toutes. La presse bruisse déjà de ses idées géniales. Ah ça, quand il faut y aller, il y va, le petit Jean-Marc. Ça décoiffe !
Dimanche, il ne fait pas meilleur ce qui a donné l’occasion à Jean-Marc d’expliquer que les pistes possibles pourraient porter sur la saisie de l’impôt à la source d’une part et la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu d’autre part.
« Le prélèvement à la source, c’est sympa, c’est à la mode, et c’est plus simple pour tout le monde puisque ça fait moins de papier à saisir pour les salariés, hein, Josiane, qu’en pensez-vous ? Et pour la fusion CSG et IR, il est plus que temps qu’on remette un peu d’ordre là-dedans, c’est illisible toutes ces petites lignes, n’est-ce pas Josiane ?
Voilà voilà.
Oh, et profitez-en pour appeler Pierre Mocho… Machinvici, là, oui, y’a le numéro dans le gros Rolodex bleu, là, et aussi son majordome, oui, Bernie Cazanova … Pardon, Cazeneuve, oui, c’est ça. »
Le lundi, fatalement, lorsqu’il s’agit de bien tout réexpliquer en détail, devant un parterre de journalistes, c’est la déroute et l’emberlificotage de première bourre. D’autant que Josiane n’a apparemment pas réussi à bien coordonner les idées pétillantes des uns et des autres et voilà Bernie qui dit des choses différentes et Pierre qui maugrée des trucs consensuels mais mous de chez mous…
Il faut dire qu’à bien y réfléchir (c’est-à-dire loin des fumets méphitiques de Matignon où, très clairement, on s’intoxique les uns les autres avec des idées issues directement d’une digestion trop abondante de flageolets), la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG promet d’être particulièrement complexe à mettre en œuvre, pour ne pas dire impossible. En première analyse, sachant que les deux impôts ne recouvrent pas les mêmes bases de ponction, que les contribuables payant l’un ne sont pas toujours des contribuables payant l’autre et inversement, on sent qu’un épais tapis s’est placé sur la course du premier ministre qui se l’est pris en pleine course.
Quant au prélèvement à la source, dans un pays où le nombre de part, la situation familiale, la gestion des personnes handicapées, les tutelles, les dépendances sont déterminants pour l’impôt, on comprend que sa mise en place promet de grands moments de bonheur citoyen et de divulgation de données sensibles à des tiers. Sans compter qu’en plus, tout le monde n’est pas salarié. Très clairement, un second tapis s’est ajouté au premier et celui-là aussi, le premier ministre s’est pris un autre pied dedans.
Le vol plané est donc logiquement épique, et fera probablement terminer le pauvret tête la première dans l’argenterie ou les biscuits de Grand-Mère. Josiane a d’ailleurs sorti sa trousse de premiers soins.
La réforme n’est pas encore faite qu’elle a déjà un goût amer dans la bouche des Français, puisque la moitié n’y croit pas.
C’est logique, du reste : si l’on s’en tient au track-record tant de la majorité précédente que de l’actuelle équipe au pouvoir en terme d’impôts, l’augmentation reste l’option la plus probable, et de loin. Quant à la justice ou l’équité, elle a bien vite été oubliée pour de précédentes taxations rocambolesques ; au détour de certains discrets articles, on apprend par exemple que la taxe à 75%, qui devait viser en priorité les grosses entreprises, ratera sa cible. Pire, on apprend en parallèle que certaines catégories de rémunérations sont exclues du dispositif, comme celles des intermittents du spectacle. Si l’on peut se réjouir que certains contribuables passent entre les gouttes d’un déluge d’impôts de plus en plus soutenu, on ne peut pas s’empêcher de penser que la justice dont nos socialistes se gargarisent ressemble à s’y méprendre à une grosse plaisanterie sur le dos des payeurs.
Amateurisme, crispation, cacophonie et sentiment d’injustice : difficile de voir cette réforme sous les meilleurs auspices. Tout pointe dans une direction vraiment pas rassurante : la réforme sera un vaste marais putride, faits de petits arrangements entre différentes corporations pour maintenir des avantages ou amoindrir les ponctions, et d’âpres négociations entre patronat et syndicats, organisations au demeurant de moins en moins crédibles pour représenter qui que ce soit, y compris elles-mêmes.
On peine à voir l’intérêt du contribuable. Et surtout, les bidouillages improvisés d’Ayrault ont toutes les chances de se retourner contre lui, ou pire, d’accroître encore le mécontentement général…
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